Montag29. Dezember 2025

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NecrologieBrigitte Bardot est morte: Une star mondiale, un personnage, un mythe

Necrologie / Brigitte Bardot est morte: Une star mondiale, un personnage, un mythe
Brigitte Bardot s‘est éteinte à l‘âge de 91 ans Photo: Valéry Hache/AFP/dpa

L‘ancienne star mondiale Brigitte Bardot est morte hier matin dans sa résidence de La Madrague, à Saint-Tropez, le village méditerranéen qu‘elle avait rendu plus que célèbre et où elle s‘était retirée depuis de nombreuses années. Comédienne française célébrissime du milieu des années 1950 au milieu des années 1970, elle laisse derrière elle, outre des dizaines de chansons, notamment écrites par Serge Gainsbourg, une très abondante filmographie, certes inégale mais qui compte aussi de vrais grands succès. Et, au-delà, un personnage et un mythe.

On avait beau la savoir âgée – elle avait eu 91 ans en septembre dernier – et de santé devenue assez chancelante, sans parler de son physique qui, les rides et les kilos étant venus en abondance, tentait de faire oublier celui de ses éclatantes jeunes années, l’annonce de sa mort aura été, pour beaucoup de ses innombrables admirateurs étrangers sans doute, mais avant tout pour les Français, un véritable choc. Car elle avait été l’iconique illustration de leur jeunesse, dans une France qui allait bien, qui croissait en population et en bien-être, et qui voyait en elle comme l’image de son propre bonheur.

Aura-t-elle pourtant été si heureuse, B.B. – comme on l’appelait par référence à ses initiales, qu’elle avait elle-même immortalisées en intitulant son livre de mémoires: „Initiales B.B.“? Elle aura même tenté, ou plutôt esquissé, deux ou trois suicides au cours de la vie, heureusement sans succès. Pourtant, elle avait apparemment tout pour elle: un physique de rêve, un succès qu’on imagine jalousé par toutes ses consoeurs, l’argent qui allait avec, et tous les hommes qu’elle voulait (et elle en aura voulu beaucoup). Mais justement: elle aura aussi été la femme des amours passagères, des idylles foudroyantes mais précaires, avec ce que cela pouvait comporter de lendemains amers, de déceptions, de colères et même de chagrins – qu’elle avait, il est vrai, l’art d‘oublier au plus vite dans d’autres bras.

„Et Dieu … créa la femme“

Son mariage avec Vadim Plemiannikov, reporter de Paris Match devenu metteur en scène sous le nom de Roger Vadim, et qui lui fera notamment tourner „Et Dieu … créa la femme“, ne résistera pas, notamment, à cet appétit de changement. Mais c’est à lui qu’elle devra, avec ce film lui aussi mythique, une gloire soudaine et d’ailleurs sulfureuse, sa séance de danse sur une table ayant été jugée, à l’époque – on est en 1956 – terriblement suggestive. C’était surtout: „Et Vadim … créa Bardot“!

Pour la petite histoire, elle enregistra cette scène sous les yeux de Jean-Louis Trintignant, alors tout jeune comédien avec qui elle commençait à vivre une grande passion. Vadim, au courant, laissait faire car il trouvait ce climat bon pour le film. Et il ébouriffait méthodiquement la coiffure de Brigitte avant chaque scène, toujours pour le naturel: c’était au moins un réalisateur consciencieux. Très vite en tout cas, B.B. allait être de plus en plus sollicitée par les producteurs et leurs metteurs en scène, jouant au total dans 56 films.

Au risque de tourner, à côté de grands films comme „En cas de malheur“ (1958), „La vérité“ (1960), „Vie privée“ (1962), „Le mépris“ (1963), ou encore, dans un genre plus léger, „L’ours et la poupée“ (1970), une kyrielle de productions sensiblement moins ambitieuses. Et dont le relatif succès devait tout à la plastique de cette comédienne décidément à part, peut-être aussi à sa façon de prononcer ses textes d’une façon languide, en tout cas dans ses rôles anodins, qui n’appartenait qu’à elle.

Un modèle pour l‘émancipation des femmes

Car Brigitte Bardot avait l’art, que l’on peut trouver contestable du point de vue de l’art des comédiens, de „bardotiser“ tous les personnages qu’elle incarnait, y compris avec cette diction particulière: le spectateur avait du mal à entrer dans la fiction qu’on lui donnait à voir, tant, dans toutes les circonstances et dans tous les rôles, elle était avant tout elle-même (un grief souvent fait aussi à Jean Gabin à la fin de sa carrière). Au point qu’on lui reprochait parfois, sans méconnaître son charme, de manquer totalement de naturel à l’écran.

A l’écran peut-être, mais pas dans la vie! Après le choc de „Et Dieu … créa la femme“, elle est même assez vite devenue un modèle pour l’émancipation des femmes, qui n’en était alors qu’à ses débuts, dans la foulée de l’essai de Simone de Beauvoir sur „Le deuxième sexe“. Mais B.B. allait le faire sans littérature, sans meetings ni déclarations fracassantes dans la presse: simplement en s’affirmant pour ce qu’elle était, c’est-à-dire libre.

Libre de ses idées, de ses choix de vie, sans chercher le moins du monde à en faire une doctrine ni même prétendre être un exemple. Mariée à Jacques Charrier et enceinte puis mère du petit Nicolas, elle ne craignit pas, par exemple, de se déclarer son manque d’intérêt pour le mariage (ce qui ne l’empêcherait pas de récidiver plus tard), et pour la maternité. Cette femme si admirée, si entourée, si enviée, aura eu en tout cas la sagesse de savoir s’arrêter, et cela très largement avant la plupart des autres. Il est vrai que contrairement à d’autres comédiennes, on ne l’aurait pas imaginée dans des rôles de femme âgée. Elle avait trop été un sex-symbol universel, l’incarnation de la beauté féminine, l’image d’une jeunesse rayonnante et vive, pour prendre le risque de jouer les prolongations.

Malraux: „C‘est Vénus!“

D’autant plus que d’autres activités l’attendaient, une surtout: la défense des animaux. Gentiment moquée au début de sa croisade pour la sauvegarde des bébés-phoques (qui étaient à l’époque horriblement tués et dépecés à même la banquise), elle a su, en payant beaucoup de sa personne, réveiller les consciences en faveur de l’ensemble du règne animal, mobiliser les aides, et même forcer finalement l’admiration de gens qui n’avaient pas adhéré à cette cause de prime abord.

Une autre de ses inclinations de vieillesse aura au contraire causé, il est vrai, plus d’embarras chez nombre de ses fidèles: son soutien au Rassemblement national et à ses thèses. Parfois dans des termes qui lui valurent même quelques condamnations judiciaires, outre celle qu’avait obtenue contre elle le président de la fédération des chasseurs.

Les plus marris de ces fidèles auront sans doute été les gaullistes. Car plus jeune, Brigitte ne faisait pas mystère de son soutien à celui qui était alors l’autre super-vedette française à l‘international: le général de Gaulle. Lequel, la voyant passer lors d’une réception à l’Elysée, dans un élégant tailleur-pantalon à la veste à brandebourgs rappelant celle des cavaliers de l’Empire, dit à André Malraux qui se tenait à ses côtés: „Oh, le joli petit soldat que nous avons là!“ Et le ministre-écrivain de répondre en souriant, subjugué lui aussi: „Ah! C’est Vénus!“

C’était – osera-t-on dire: tout simplement? – Brigitte Bardot.