FranceLe coup d’Etat au Burkina Faso complique encore l’opération Barkhane

France / Le coup d’Etat au Burkina Faso complique encore l’opération Barkhane
Un manifestant à Ouagadougou préfère la Russie à la France Photo: AFP/Olympia de Maismont

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Le coup d’Etat militaire opéré lundi au Burkina Faso, où le président Roch Marc Christian Kaboré a été arrêté, vient illustrer une fois encore l’instabilité politique chronique qui sévit au Sahel. Et aussi porter un nouveau coup à l’opération Barkhane menée par la France dans la région, avec l’appui d’un certain nombre de ses partenaires européens, dont le Luxembourg, au sein de la mission européenne EUT-Mali.

Une mutinerie qui s’étend en quelques heures, un chef d’Etat élu qui se retrouve sous les verrous, des officiers en uniforme qui assurent à la télévision que „l’armée a pris ses responsabilités“: le scénario semble décidément devoir se répéter à l’infini. Après le Mali en août 2020, le Tchad en avril 2021 puis de nouveau le Mali en mai suivant, avec au début de cette année (voir Tageblatt du 17 janvier) de violentes manifestations contre la France et les sanctions commerciales de la CEDEAO (Communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest), voici donc maintenant le tour du Burkina Faso …

Si la France le déplore – le président Macron a d’ailleurs déclaré hier: „Comme toujours, nous sommes aux côtés de la CEDEAO pour condamner ce coup d’Etat militaire“ – ce n’est pas seulement pour des raisons de principe, à l’instar des autres pays de l’Union européenne. C’est aussi, (voire surtout, ajouteraient ceux qui soupçonnent Paris de chercher avant tout à sauver son opération Barkhane), parce que celle-ci subit en effet un nouveau coup avec les derniers événements de Ouagadougou.

Aspects militaires et logistiques

Non que ce nouveau putsch ait pris, du moins jusqu’à présent, une coloration clairement anti-française, même si l’on a vu surgir quelques pancartes hostiles à la France dans les rangs de la manifestation de soutien aux militaires organisée dès lundi. Mais une partie importante des opérations au Burkina Faso reposait jusqu’à présent sur la fiabilité du pouvoir en place à Ouagadougou; tout particulièrement dans la région dite „des trois frontières“ au nord du pays (qui y rencontre le Mali et le Niger), où les troupes françaises ont d’ailleurs déjà perdu une quinzaine de soldats. Des troupes qui, au Burkina, sont peu nombreuses, mais qualitativement très importantes: il s’agit des quelque 50 membres de la „Task Force Sabre“ chargés de traquer et d’éliminer discrètement les djihadistes.

Comme toujours, nous sommes aux côtés de la CEDEAO pour condamner ce coup d’Etat militaire

Emmanuel Macron, président français

En outre, les convois d’approvisionnement de la base française de Gao, dans le nord du Mali, et de Menaka, dans le nord du Niger, ont besoin de passer par le Burkina … Mais au-delà des aspects militaires et logistiques de ce qu’il reste de l’opération Barkhane (encore 3.500 hommes environ), la question de son avenir est reposée avec plus d’acuité que jamais par le coup d’Etat de Ouagadougou, et pour des raisons qui tiennent aussi, voire surtout, à la situation politique française.

Car à deux mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle, le président Macron voit sa capacité de décision terriblement réduite en la matière. Faire plier tout de suite bagage aux troupes françaises manquerait évidemment de panache; mais poursuivre sans broncher l’opération l’exposerait à un feu de critiques.

Un retrait français après le scrutin?

La principale étant que la France ne saurait persévérer beaucoup plus longtemps au Sahel si, au moins auprès des gouvernements de ces différents Etats, elle n’y est pas la bienvenue. Comme pour appuyer le trait, un nouveau jeune soldat français, le brigadier Alexandre Martin, vient de trouver la mort dans une embuscade au Mali.

L’hypothèse qui semble tenir la corde serait que les troupes tricolores demeurent sur place jusqu’à l’élection présidentielle puis aux législatives, mais sans se lancer dans de nouvelles opérations à risques élevés. Après quoi il serait, quelle que soit l’issue du scrutin, un peu moins difficile (on n’ose dire: plus facile) de statuer sur le sort de l’ensemble du dispositif Barkhane, quitte à commencer par des allègements partiels d’effectifs, en attendant peut-être un vrai retrait global. Se poserait alors aussi la question du sort de l’opération européenne qui accompagne la France sur le terrain.

Mais décidément: à la liste des malheurs ayant assailli le quinquennat d’Emmanuel Macron (ingérable réforme des retraites, Gilets jaunes, malaise enseignant, Covid), il conviendra d’ajouter: l’Afrique sahélienne, travaillée par le djihadisme, les ambitions russes … et la fièvre des coups d’Etat.