Art subventionnéEn attendant la reprise des commandes publiques

Art subventionné / En attendant la reprise des commandes publiques
„Redwall“ de Serge Ecker au Lycée Hubert Clément Photo: Serge Ecker

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„L’un pour cent de l’aménagement artistique“, qui prévoit d’accorder 1% du budget prévu pour la réalisation d’un bâtiment public à la création d’oeuvres artistiques, est un outil appréciable et apprécié des artistes. Après un ralentissement net depuis l’été dernier, les appels vont bientôt reprendre. 

Jusqu’à l’adoption de la loi du 30 juillet 1999 sur le statut d’artiste, on l’appelait la part réservée au „décor artistique“. Même si ce terme désuet surgit encore régulièrement employé dans le champ médiatique et politique, on lui préfère désormais celui de promotion de la création artistique. 

En somme, pour chaque projet de construction de bâtiments publics à vocation culturelle, éducative, sociale, administrative ainsi que tous les immeubles destinés à recevoir des visiteurs, un certain pourcentage du budget doit être consacré à la création artistique. Si la loi de 1999 l’a fixé entre 1 et 10%, cette part réservée à la promotion de l’art et des artistes ne s’est jamais bien éloignée du chiffre minimum. Un règlement grand-ducal de 2003 l’avait fixé à 1,5%, marquant un progrès par rapport à la règle tacite d’1% du budget qui fut consacré à la cinquantaine de décors artistiques réalisés dans les années 90. Finalement, en 2014, le gouvernement, dans le contexte des mesures d’austérité, l’a réduit à 1%, priant au passage les artistes de „produire des œuvres avec des matériaux ou médias moins onéreux“. 

L’outil reste cela appréciable. Pour l’artiste, cette commande publique est sur le papier l’occasion de se confronter à un cadre nouveau, de présenter son travail et ses techniques à un public plus vaste que celui des expositions et muées. Il renforce également son indépendance financière – la rétribution que s’octroie l’artiste atteint souvent un nombre  à cinq chiffres – et donc artistique pendant le chantier mais aussi après.

Un „pool d’artistes“ renouvelé tous les trois ans

On sait que l’Administration des bâtiments publics a systématiquement observé ce règlement émanant du ministère de la Culture pour tous les nouveaux projets de construction et des rénovations complètes de bâtiments. Par contre, alors que ce pourcentage est aussi censé s’appliquer lors de la construction d’un édifice par les communes ou les établissements publics financée ou subventionnée pour une part importante par l’Etat, on ignore qui parmi ces acteurs n’a pas répondu à ses obligations. „La loi ne prévoit pas de contrôle ni de sanctions et (…) le suivi, par le ministère de la Culture, des œuvres artistiques intégrées dans les édifices se limite aux projets de construction ayant recouru à la procédure prévue par la loi susmentionnée“, explique-t-on au ministère de la Culture. S’il n’a pas de réel pouvoir de contrainte, le dispositif peut avoir des vertus en termes de suggestions. Il arrive que quelques institutions privées se rallient à la démarche et demandent conseil à la commission de l’aménagement artistique, chargée de piloter le projet.

Le dispositif prévoit qu’„un appel à candidature européen quand la construction de l’édifice doit faire l’objet d’une loi spéciale, c’est-à-dire quand son coût dépasse les 40 millions d’euros“. L’avis est lancé dans trois quotidiens publiés au Luxembourg, sur le portail internet des marchés publics ainsi que sur le site internet culture.lu. Sur base de cet appel, la commission de l’aménagement artistique retient entre cinq et dix artistes pour le concours d’idées. „Ce choix est motivé par une analyse de la qualité artistique du dossier, du parcours professionnel de l’artiste candidat et de son expérience dans la gestion de projets d’envergure importante“, explique-t-on au ministère de la Culture.

Pour la réalisation d’édifices ne nécessitant pas le vote d’une loi spéciale, la commission de l’aménagement artistique a constitué en 2014 un „pool d’artistes“ sur base d’appel à candidature. Ce pool est renouvelé tous les trois ans. Le deuxième renouvellement s’est achevé durant le confinement. 33 artistes figurent désormais dans le pool pour l’année 2020/23. Pour chaque édifice, la commission invite entre trois et six artistes de ce pool à participer à un concours d’idées. Le choix est motivé prioritairement par une analyse de la qualité artistique du dossier du candidat. Le critère de la qualité artistique prévaut pour à augmenter les chances de sélection des artistes plus jeunes et moins expérimentés. La commission veille par ailleurs à maintenir un équilibre entre les domaines d’action des artistes (peinture, sculpture, photographie …) ainsi qu’entre les genres.

Deux appels à venir

Depuis 1999, une quarantaine de bâtiments ont été dotés d’une ou de plusieurs œuvres d’art, soit 61 projets artistiques au total. Alors qu’en 2019, sept projets avaient été lancés, l’année 2020 n’en a connu qu’un, au début de l’année, pour l’aménagement artistique du Lycée technique pour professions de santé à Bascharage. „La procédure de demande de marchés négociés est lancée et la commande aux artistes concernés pourra se faire dès que cette étape sera franchie“, explique le ministère.

La commande publique peut être un moyen pour soutenir quelques artistes dans la crise sanitaire actuelle

Pour cause, en juillet 2019 la ministre de la Culture et le ministre de la Mobilité et des Travaux publics ont mandaté un groupe de travail pour analyser, retravailler et préciser les procédures et documents relatifs à la commande publique. „Ces travaux se sont avérés complexes mais sont en phase de finalisation. Au moins deux appels pourront être lancés au cours des prochaines semaines“, annonce le ministère de la Culture.

La nouvelle tombe à point nommé. Certes, 1% d’aménagement artistique ne peut être conçu comme un mécanisme de soutien aux artistes, étant donné leur nombre limité, dépendants qu’ils sont du lancement de chantiers. Toutefois, „la commande publique peut être un moyen pour soutenir quelques artistes dans la crise sanitaire actuelle“, reconnaît-on au ministère de la Culture. „Il s’agit des artistes à qui commande est passée, mais pas uniquement. En effet, dans le cadre des concours d’idées lancés par l’Administration des bâtiments publics, tous les artistes déposant un projet complet sont indemnisés pour leur travail.“

Un échange avec le public plus compliqué

En début de confinement, l’artiste plasticien Serge Ecker confiait au Tageblatt combien les deux créations artistiques qu’il avait réalisées au Lycée Hubert Clément d’Esch-sur-Alzette lui avaient permis de traverser cette période de fortes perturbations pour les artistes au statut de travailleurs indépendants comme lui avec un semblant de sérénité. 

Serge Ecker s’intéresse aux espaces urbains et aux détails architecturaux
Serge Ecker s’intéresse aux espaces urbains et aux détails architecturaux Photo: archives d’Editpress/Isabella Finzi

„Ces projets sont d’une grande aide. Rarement on a des occasions de faire quelque chose de permanent, adapté à l’endroit, avec un beau budget.“ A l’extérieur du lycée, Serge Ecker a installé deux avions de papier en béton blanc sur lesquels les élèves peuvent se prélasser. A l’intérieur, la modélisation d’un minerai de fer, en acier Corten, accompagne les déplacements quotidiens des élèves. Ces projets ont le grand avantage de laisser du temps  à l’artiste mais aussi de le confronter à de nouveaux défis et à de nouveaux horizons. „Il faut faire comprendre à une entreprise l’enjeu artistique. Et moi, j’ai dû comprendre toutes les contraintes techniques à prendre en compte pour réaliser l’œuvre. C’est un vrai échange entre deux mondes de la fabrication et de la conception artistiques.“

L’échange avec le public est paradoxalement plus compliqué. Non pas que les œuvres ne suscitent pas d’intérêt, bien au contraire. Mais le manque d’informations et l’absence de vernissages ne facilitent pas la médiation du travail de l’artiste à un public plus large. Comme si pour le grand public, tout cela ne devait rester que de la décoration artistique …