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 Photo: archives Editpress/Julien Garroy

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En 2021, Olivier Beaud publiait „Le savoir en danger. Menaces sur la liberté académique“ (Paris). Dans ce livre, il dresse une liste de toutes les menaces qui planent sur l’université, et notamment celles venant des causes identitaires en tout genre – sans jeu de mot.

Ainsi il écrit: „Notre propos vise simplement à montrer, à partir de seuls faits précis, que la pratique du féminisme radical, menace la liberté académique, tout comme la pratique du même genre des antiracistes et des militants LGBT“ (p. 260). Côté allemand, on lira avec intérêt un livre édité par Harald Schulze-Eisentraut et Alexander Ulfig et intitulé „Angriff auf die Wissenschaftsfreiheit. Wie die Cancel Culture den Fortschritt bedroht und was wir alle für eine freie Debattenkultur tun können“ (München 2022). C’est aussi sur ces menaces contre la liberté académique – de recherche et d’enseignement – que Sylvie Perez attire l’attention dans „En finir avec le wokisme. Chronique de la contre-offensive anglo-saxonne“ (Paris 2023), un livre bien mieux informé sur tous les faits d’atteintes à la liberté académique et à la liberté d’expression en général que le livre d’Adrian Daub „Cancel Culture Transfer. Wie eine moralische Panik die Welt erfasst“ (Frankfurt 2022) ou que celui de Francis Dupuis-Déri „Panique à l’université. Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires“ (Montréal 2022). Je recommande aussi la lecture d’Emmanuel Pierrat, „Les nouveaux justiciers. Réflexions sur la cancel culture“ (Paris 2022) ainsi que du livre de Jean-François Braunstein „La religion woke“ (Paris 2022).

Un lieu de débat ouvert et civilisé

Dans de nombreuses universités, des enseignants et chercheurs se trouvent confrontés à des lobbies qui les empêchent de faire ce pour quoi on les paie et ce pour quoi ils existent, c’est-à-dire chercher la vérité et enseigner la vérité, ou du moins ce que l’application d’une méthodologie éprouvée leur donne le droit de considérer comme telle. L’université n’est pas un lieu où les social justice warriors autoproclamés ont le droit d’imposer leurs idées et celui de faire taire toutes celles et tous ceux qui ne pensent pas comme eux. L’université est bien plutôt un lieu de débat ouvert et civilisé entre personnes qui échangent des arguments et qui cherchent à se convaincre mutuellement du bien-fondé de leurs positions. Et s’il est vrai que les étudiants doivent d’abord assimiler les éléments qui leur permettront de débattre ensuite un jour au même niveau que les enseignants, cette assimilation progressive peut se faire en pratiquant aussi le débat. En tant que professeur d’éthique, je donne à mes étudiants les ressources dont ils pourront se servir comme nourriture pour leur argumentation et je leur laisse le droit le plus absolu de remettre en question les positions que je leur présente, même celles qui correspondent aux miennes. J’enseigne à penser librement, et je ne puis le faire que si on me laisse enseigner librement.

A l’étranger, beaucoup de mes collègues professeurs ont toutefois des difficultés à enseigner librement. Quelques mots anodins peuvent déjà leur coûter leur poste, même si ces mots correspondent à ce que la communauté scientifique considère majoritairement comme étant vrai. Et même les étudiants sont inquiétés, comme ce fut le cas pour Lisa Keogh, étudiante en droit à l’Université Abertay de Dundee. En 2021, elle avait affirmé, lors d’un séminaire, que les femmes ont un vagin et que tous les hommes ne sont pas des violeurs. Lisa Keogh fut convoquée par l’administration pour s’expliquer sur ces propos qui avaient choqué les hommes transgenres et des ultra-féministes androphobes. On fit planer sur elle le risque d’une expulsion si elle ne s’excusait pas. Heureusement, elle a tenu bon et l’administration n’a pas osé aller jusqu’à l’expulsion, qui aurait probablement conduit à une plainte devant un tribunal et à un scandale national.

Des groupuscules wokistes à l’université

Croire que ce genre de choses ne peut arriver qu’à l’étranger et non pas à l’université du Luxembourg, c’est se bercer de tendres, mais néanmoins très dangereuses illusions. Les groupuscules wokistes existent aussi dans notre belle université, jeune de ses 20 printemps. Si je ne leur conteste pas le droit d’exprimer leurs idées, aussi absurdes et farfelues qu’elles soient par ailleurs, je m’insurge contre leur tentative de faire taire toutes celles et tous ceux qui ne pensent pas comme eux et qui ne sont pas prêts à croire à la vulgate des studies en tout genre, dont précisément les gender studies – jeu de mot voulu, cette fois.

Pour en venir aux faits. Début septembre j’avais publié un article sur les enfants intersexes et dans cet article, j’affirmais, comme le font des millions de biologistes à travers le monde, que, biologiquement parlant, il n’y avait que deux sexes et que les enfants intersexes constituaient de ce fait une anomalie, au même titre qu’un enfant qui naîtrait avec six doigts à une main, ou, cas bien plus dramatique, des enfants siamois.

Cette affirmation, et le fait que je signais mon article en indiquant que j’enseignais à l’université du Luxembourg, a réveillé l’ire d’un groupe LGBTQIA+ actif au sein de l’université. Dans un premier temps, ce groupe s’est – directement ou indirectement, je l’ignore – adressé au rectorat, ce qui m’a valu une lettre en bonne et due forme de la part du recteur en personne, qui m’invitait, lors de mes prochaines interventions dans les médias, à préciser que je m’exprimais en mon propre nom – sachez donc tous et toutes que je m’exprime ici en mon nom propre! Je ne pense pas qu’un autre membre du corps enseignant s’exprimant dans les médias luxembourgeois ait jamais reçu une lettre du même genre. Mais si le recteur est juste, il devrait traiter de manière identique des cas identiques.

Des étudiant(e)s réclamant la censure

J’ignore si le groupe LGBTQIA+ a demandé au recteur mon renvoi pur et simple, mais il est un fait que ceux que j’ai apparemment blessés dans leur sensibilité ont demandé au rédacteur d’un grand quotidien – dont je ne dirai mot en luxembourgeois – de ne plus publier d’articles émanant de mon clavier d’ordinateur. Qu’on s’imagine la situation: des étudiants et étudiantes d’une institution dont la liberté d’expression est inscrite dans son ADN réclament la censure et prétendent dicter à la rédaction d’un grand quotidien ce qu’elle doit publier. Je suggère à ces étudiants et étudiantes de s’engager dans la thought police décrite par Georges Orwell dans son roman „1984“.

Ce qui est le plus consternant dans toute cette affaire, c’est que le recteur de l’université n’ait pas jugé utile de m’entendre avant de m’envoyer ce qui ressemblait fort à une lettre de menace. Que vaut une justice sociale wokiste qui bafoue les principes les plus élémentaires de la justice tout court, comme le principe audiatur et altera pars? Les nouveaux social justice warriors reprennent les principes de la justice révolutionnaire du Comité de salut public, dont les tribunaux révolutionnaires ont envoyé à la guillotine des milliers de Français, dont le seul crime a souvent été d’avoir laissé échapper une parole pouvant laisser penser qu’ils n’appréciaient pas la politique de Robespierre et qui n’ont guère eu la possibilité de se défendre – voir Eric de Mari, „La Mise hors de la loi sous la Révolution française 18 mars 1793-an III. Une étude juridictionnelle et institutionnelle“ (Paris 2015).

Au nom de la justice, on impose la terreur intellectuelle – et à l’étranger aussi la terreur physique, de nombreux universitaires s’étant déjà faits physiquement agresser. Mon fils, qui étudie à SciencesPo Paris, m’a récemment appris que des étudiants radicalisés avaient tenté d’empêcher une conférence faite par un orateur classé à droite en bloquant l’accès à la salle – mais on a, en catimini, organisé la conférence dans une autre salle, à l’abri des censeurs. Et le jeudi 9 novembre, des étudiants bloquaient l’entrée de SciencesPo en criant que SciencesPo était sexiste – alors qu’en début de semestre, les étudiants ont tous été soumis à des formations anti-sexistes visant à identifier le sexisme dit structurel (C’est quoi? Le fait que les micros utilisés par les professeurs pour parler devant une salle avec 200 étudiants ont une forme vaguement phallique?).

„Agree on how we disagree“

Je crains fort que dans les mois qui viennent, ceux qui veulent me faire taire introduiront leurs délateurs – car la culture woke est une culture de la délation qui n’a rien à envier à la politique délationniste des régimes totalitaires de l’ancienne URSS ou RDA – dans mes séminaires, afin de noter toutes les „micro-agressions“ dont je me rends coupable. Ainsi, lorsque je traite du droit du mariage dans les „Grundlagen des Naturrechts“ de Fichte lors de mon séminaire de Master sur l’Idéalisme allemand, ou lorsque je parle de Kant – ce sexiste, homophobe et raciste prussien – dans mon cours magistral „Historische Einführung in die Philosophie“, ou encore lorsque je parle de la sexualité ou de l’avortement dans mon cours d’Ethique appliquée. Sans mentionner mon séminaire sur la philosophie du droit, dans lequel je ne mentionne aucune femme – est-ce ma faute s’il n’y a pas de femmes parmi les classiques de la philosophie du droit? Pour me racheter, je viens de publier un livre sur Christine de Pizan (Paris 2023).

Certains feraient bien, je pense, de prendre à cœur le conseil donné par Timothy Garton Ash dans son livre „Free Speech. Ten Principles for a Connected World“ (New Haven/London 2016): „[W]e should agree on how we disagree“ (p. 114). Mais pour cela, il faudrait déjà commencer par cesser de lancer des anathèmes et des appels à la censure.

Comme on le voit, les raisons pour demander mon exclusion de l’enseignement universitaire sont nombreuses. Le pire est qu’elles n’ont rien à voir avec mon expertise scientifique (j’invite le recteur à consulter ma bibliographie), ni avec la qualité de mon enseignement (j’invite le recteur à consulter les évaluations de mes cours faites par mes étudiants), ni avec mon assiduité (il m’est déjà arrivé de donner des cours sans être payé, si je voyais que les étudiants voulaient encore aborder tel ou tel aspect ou penseur que, faute de temps, je n’avais pas réussi à traiter dans les 26 ou 28 heures semestrielles qu’on était prêt à me payer par séminaire), mais elles concernent uniquement le fait que j’ose m’opposer à des idées en argumentant pour les miennes. Heureusement, je sais que je peux compter sur le soutien de bon nombre de mes étudiants, dont beaucoup m’ont dit qu’ils en avaient marre du climat de terrorisme intellectuel que certains groupuscules faisaient régner à l’université. Comme quoi la crise climatique n’est pas seulement un phénomène météorologique, mais aussi un phénomène académique et culturel.

Le rôle des plus hautes instances universitaires – recteur en tête – est d’abord et avant tout de protéger la liberté académique et la liberté d’expression. Et quand, dans sa lettre, le recteur me dit que l’université respecte la diversité et se veut inclusive, je suis tenté de lui demander: „Et que faites-vous de ma pensée à moi, diverse de celle des militants LGBTQIA+? N’ai-je pas aussi droit à l’inclusion?“ Car considérons bien les choses: pour ma part, je tolère que les militants LGBTQIA+ propagent leurs idées concernant la multiplicité indéfinie des sexes et je suis prêt à les inclure dans un débat scientifique sur la question – à condition qu’ils veuillent le mener. Je souscris aux propos de Mao dans Le Petit Livre Rouge – mais les interprète de manière plus large que lui: „Il serait, à notre avis, préjudiciable au développement de l’art et de la science de recourir aux mesures administratives pour imposer tel style ou telle école et interdire tel style ou telle autre école“ (Paris 1967, p. 181). Les wokistes, par contre, plus totalitaires encore que le Grand Timonier, ne respectent pas que je défende mes idées et ils ne sont pas prêts à m’inclure dans un débat. Et c’est à moi que le recteur fait la leçon, c’est à moi qu’il rappelle que l’université est inclusive! Et cerise sur le gâteau: les militants LGBTQIA+ se posent en victimes, alors qu’ils réussissent à contrôler les instances qui ont le pouvoir décisionnaire. Joël Feinberg a écrit un livre sur les crimes sans victimes, les wokistes ont inventé des victimes sans crimes.

Je terminerai en parodiant le Christ – je sais que je ne choquerai pas les chrétiens, car la plupart d’entre eux ont au moins le sens de l’humour, ce rempart contre toute sorte de fanatisme: Liberté académique, pardonne au recteur, car il ne sait pas ce qu’il fait! Et j’espère que je ne serai jamais cloué sur la croix taillée en bois wokiste et où mes derniers mots seraient: „Recteur, recteur, pourquoi m’as-tu abandonné?“

Emile Müller
16. Januar 2024 - 10.25

Ah ja, die Geister die ich rief.... Leider gibt es viele Universitäten, welche sich auf "Pseudowissenschaften" spezialisiert haben und Bachelorstudiengäng zu all Möglichem anbieten, was mit Studieren oder Wissen gar nichts mehr zu tun hat. Klar die Einschreibungen bringen der Universität Geld aber die Qualität leidet, nicht jeder ist fürs studieren geeignet! Was kommt nun nach all den Gender- und Social-studies... Bachelor im Handflächenlesen und Wahrsagen? Wer solche Studiengänge fördert muss verstehen, dass man an der Uni als Lehrstuhl auch Resultate liefern muss, also MUSS jede Genderstudie etwas negatives finden und jede Sozialstudie eine Ungerechtigkeit aufdecken, wenn es keine reelen gibt, werden eben zu diesem Zweck künstliche herbeigeführt und schon haben wir die Cancel-Cultur....

Romain
13. Januar 2024 - 11.47

Information erhalten von unilu Studenten; nach Abschluss keine Stellung erhalten weil Studium in Luxemburg gemacht wurde (wenig Kompetenz)

elvissmailovic
12. Januar 2024 - 13.46

Här Campagna Merci fir dëse Commentaire. Ech sinn frou ze gesinn dass et Leit mat Bildung an Haltung ginn, déi sech nët vun dëser pseudewëssenschaftlecher, hysterescher Beweegung ënnerbotteren loossen. Déi Leit jäizen no "Toleranz" an sinn just nëmmen tolerant géigeniwwer hieren eenegen deelweis absurden, quasi reliéisen Usichten, ouni och nëmmen e Fonken vun Empahie oder Versteestemech ze wéisen déi se jo fir sech selwer esou wehement afouderen. All Beweegung déi fir sech reklaméiert déi eezeg Woueregt gepacht zu hunn kann nëmmen an den Totalitarismus ofdriften wann se jeemols sollt un d'Muecht kommen. Merci och un d'Tageblatt fir d'Veröffentlechung vun dësem wichtegen Commentaire.

fraulein smilla
11. Januar 2024 - 16.17

Après tout , la démission involontaire de Claudine Gay de son poste de Présidente de l'université de Havard est un revers amer pour le mouvement woke .

luxmann
11. Januar 2024 - 10.55

Tant que les wokistes savent encore ce qui se cache derriere les 7 lettres et le + de leur club?

fraulein smilla
11. Januar 2024 - 9.37

" L' idiocratie , horizon final de la civilisation occidentale ? "