CinémaPremière semaine du Festival du film italien de Villerupt: Sept jours pleins d’émotions et de gravité

Cinéma / Première semaine du Festival du film italien de Villerupt: Sept jours pleins d’émotions et de gravité
Lyda Patitucci, la réalisatrice de „Come pecore in mezzo ai lupi“ et son actrice principale Isabella Ragonese ont su tenir spectateurs et spectatrices scotchés aux sièges avec leur thriller bien agencé et au suspense à couper le souffle

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70 films, 250 séances, 6 salles, 17 jours et 4 villes … voici les chiffres bien éloquents qu’arbore la page d’accueil du site web du Festival du film italien de Villerupt. On devrait y ajouter 40.000 spectateurs par année (hormis les années marquées par la pandémie), car tel est l’intérêt suscité par cet important événement automnal lorrain et luxembourgeois, organisé par l’association Pôle de l’Image.

Cristiana Paternò, présidente du SNCCI (Syndicat national des journalistes cinématographiques italiens), affirme que „le Festival de Villerupt programme intelligemment des films d’art et essai aux côtés des grands succès comiques du box-office, en passant par des productions qui s’inspirent des règles des genres, connaissant un renouveau ces derniers temps“. Et 2023 est sans aucun doute une bonne année pour le Festival de Villerupt, car la qualité des films qui font partie de la programmation, les événements prévus durant la quinzaine, l’arrivée de cinéastes prestigieux, en témoignent. 

Des parents apeurés

Le réalisateur Ivano De Matteo a été le premier des cinéastes à rencontrer le public dans les salles de cinéma de Villerupt et d’Esch. Avec „Mia“, il porte à l’écran un drame familial, insoupçonné au début, mais dont l’enchaînement des faits est inévitablement dévastateur. Une jeune fille de 15 ans, issue d’une famille aux relations saines, où règnent harmonie et compréhension réciproque, tombe amoureuse d’un garçon de 20 ans, narcissique et manipulateur, qui lui fait endurer l’enfer d’un amour malade. Revenge porn, violence psychologique et impuissance des parents face au changement du mode de vie et de l’état psychique de leur fille, tels sont les sujets du film, que De Matteo a coécrit avec sa compagne, scénariste. „Nous avons écrit ce film à la suite du drame vécu par des amis à nous et parce que nous avons des enfants du même âge que les personnages“, a-t-il expliqué en salle de cinéma. „Nous y avons donc mis nos peurs en tant que parents.“ Le film est sorti le 6 avril en Italie et il fait son chemin dans les écoles aussi.

Pour être crédibles et ne pas commettre d’erreurs, De Matteo et sa compagne ont élaboré les scènes avec les conseils de leur fille et de ses ami(e)s et ont fait en amont un travail de recherche approfondi auprès de psychothérapeutes du développement, d’avocats et de juges. „Le gaslighting, qui consiste à opprimer psychologiquement la victime au point qu’elle met en doute ses propres pensées et le revenge porn, qui en découle, sont autant de sujets très graves qui ne sont pas vraiment présents dans la presse. À cela s’ajoute que les victimes ont souvent honte de parler de ce qui leur arrive. Il est troublant de constater que le suicide en Italie est la deuxième des causes de mortalité parmi les jeunes“, a révélé De Matteo, ajoutant que ce n’est qu’en janvier 2020 que la justice italienne a introduit un article dans le code pénal sur la diffusion illicite d’images ou de vidéos à caractère sexuel et ceci après le suicide d’une femme de 40 ans à Naples.

La fin des idéaux

La présence de Neri Marcorè a été très remarquée durant le weekend de la Toussaint. Cet artiste sympathique est connu pour ses talents de comique, imitateur, chanteur et bien sûr d’acteur. On le retrouve sur grand écran dans trois films, dont „Quando“, réalisé par Walter Veltroni, ex-maire de Rome et tiré de son livre homonyme. Le genre attribué au film, celui de la comédie mélancolique, est bien choisi, car le protagoniste Giovanni sort du coma dans lequel il était entré le jour des funérailles d’Enrico Berlinguer en 1984. 31 ans ont passé! Jeune militant communiste à l’époque, il se retrouve dans un monde où tout a changé: le parti communiste n’existe plus, l’Union Soviétique non plus, le mur de Berlin est tombé, les Lires ont été remplacées par l’Euro, la technologie a évolué : internet, téléphones portables, tablettes, GPS … La vie des membres de sa famille et de ses amis a bien changé aussi.

Giovanni a perdu ses repères, mais avec sa force de caractère empreinte de beaucoup d’ironie, il en fait une renaissance. Selon Marcorè, „ l’auteur n’a pas voulu exprimer de la nostalgie pour ce qui était, mais plutôt de la mélancolie, due au fait que les idéaux qui animaient des millions de jeunes Italiens de l’époque ont disparu.“ Il a ensuite fait remarquer, en souriant, qu’étant né en 1966, il avait, lui aussi, 18 ans, comme son personnage, au moment des funérailles de Berlinguer. „Dans notre métier de comédien, on met toujours quelque chose de soi-même dans un film, des émotions surtout. Comme Giovanni, j’ai vécu l’histoire de la gauche italienne, la désillusion des principes qu’elle véhiculait. Mais, contrairement à Giovanni, qui a dormi pendant 31 ans, j’ai pu suivre le cours de l’histoire, évoluer avec la société et entrer dans notre époque digitale avec toutes les opportunités qu’elle offre.“ 

Lyda Patitucci, la réalisatrice de „Come pecore in mezzo ai lupi“ et son actrice principale Isabella Ragonese ont su tenir spectateurs et spectatrices scotchés aux sièges avec leur thriller bien agencé et au suspense à couper le souffle. „Le titre (Comme des moutons au milieu des loups) est tiré de l’Évangile selon Matthieu et reflète ma vision du monde et de la religion“, a confié la réalisatrice. „Être un mouton au milieu de loups signifie qu’on n’a guère de chances de s’en sortir. Ceci vaut pour les personnages de mon film, mais aussi pour le genre humain en général“, a-t-elle ajouté. Patitucci, qui en est à sa première réalisation, a conclu la rencontre en disant: „Dans un monde, où la violence semble être la seule manière d’entrer en relation avec les autres, il faut essayer de faire le parcours qu’a entrepris mon personnage, qui était dur et renfermé et qui a réussi à s’ouvrir à la fin, à s’humaniser. Dans mon film, c’est grâce à cette petite fille, qui entre dans sa vie, mais ça peut aussi être une autre relation ou un événement marquant.“ 

Valentina Carnelutti a fait la surprise d’honorer le festival de sa présence et de soutenir le film „L’uomo senza colpa“, un drame réalisé par Ivan Gergolet. Ce long-métrage est dédié à toutes les victimes des effets néfastes de l’amiante. Il est interprété avec intensité et une sensibilité extrême, conduisant les spectateurs à travers un carrousel d’émotions que vit Angela, en proie à des sentiments de vengeance envers Gorian, responsable de la mort de son mari et de beaucoup d’autres personnes. Gorian était leur patron et, ayant fait un AVC, il a besoin d’une soignante. Angela accepte ce travail et met en œuvre, jour après jour, son plan diabolique, fait surtout d’humiliation de cet être, qui est la cause de sa souffrance de veuve. „Il y a dans Angela, mon personnage, un brin de folie, c’est la folie de la douleur!“, a affirmé Carnelutti. „Elle perd la lucidité au fur et à mesure qu’elle évolue auprès de cet homme. Avec le réalisateur et durant le tournage, nous avons cherché à travailler sur les différents stades de cette relation, construite sur le désir de se venger, la possibilité de le tuer, ne pas le faire, ou peut-être si.“ Et pour conclure, Carnelutti a fait une confidence très personnelle, qui n’a pas laissé le public indifférent: „La problématique de l’amiante n’est qu’un exemple d’une maladie par contamination au travail. Et même si dans ma famille, il n’y a pas eu de victimes dues à l’amiante, contrairement au réalisateur, j’ai subi bien des deuils, dont celui du père de mes filles, que j’ai élevées seule. J’ai moi-même été malade d’un cancer, désormais guéri, heureusement.“

Bien d’autres films très intéressants sont à l’affiche du festival: „Moi, capitaine“ de Matteo Garrone sur l’odyssée de deux jeunes Sénégalais qui veulent réaliser leur rêve de rejoindre l’Europe. Le film a été choisi pour représenter l’Italie dans la course pour l’Oscar du meilleur film international. Les trois films italiens qui figuraient dans la compétition internationale du festival de Cannes, passent également à Villerupt: „L’enlèvement“ de Marco Bellocchio, „Vers un avenir radieux“ de Nanni Moretti et „La chimère“ d’Alice Rohrwacher. „Comandante“ d’Edoardo De Angelis a ouvert la Mostra de Venise. Il reste encore une bonne semaine pour les découvrir.

www.festival-villerupt.com