La „primaire populaire“, organisée par deux militants pour faire choisir par le „peuple de gauche“, en dehors des états-majors des partis, le ou la candidat(e) qui serait susceptible de représenter l’ensemble de cette famille politique et de mettre ainsi un terme à l’éparpillement actuel, a rendu son verdict dimanche soir. Comme prévu, c’est Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice de François Hollande, qui l’a emporté.
Sa victoire, plus que prévisible compte tenu des modalités d’organisation du scrutin et des attentes de ceux qui avaient choisi d’y participer – tout de même près de 400.000 personnes – aura été proclamée dans une atmosphère de distribution des prix, en donnant non pas le chiffre des suffrages recueillis mais la mention accordée à chaque candidat. Ou plutôt chaque personne préalablement choisie par les organisateurs, puisque sur les quatre principales (parmi les sept retenues), trois avaient fait savoir dès le début qu’elles refusaient d’y participer: Jean-Luc Mélenchon pour La France Insoumise, Yannick Jadot pour les Verts et Anne Hidalgo pour le PS.
C’est donc Mme Taubira qui, avec une „mention bien +“, l’a emporté, MM. Jadot et Mélenchon, devançant pourtant très clairement Mme Taubira dans les sondages, n’étant respectivement gratifiés d’un „assez bien +“ et d’un „assez bien –“. La maire de Paris, pour sa part, n’aura reçu que la mention „passable +“, les trois autres candidats, à peu près inconnus du grand public, écopant de „passable“, voire „insuffisant“.
L’union plus lointaine que jamais
Inutile d’ajouter que cette si scolaire distribution des prix, si elle a enflammé les supporters de Christiane Taubira, a surtout suscité, depuis avant-hier soir, un torrent de messages ironiques. Sans parler d’une grande incompréhension: comment avait-on pu prétendre départager des candidats, dont les plus importants ne l’étaient pas, sans débat contradictoire, en évaluant simplement leurs capacités de futur chef d’État sur leurs réponses supposées à un certain nombre de questions potentielles?
Reste que, tout en ayant été accueillie plus que fraîchement, cette „primaire populaire“ va sans doute comporter des conséquences pour la gauche, et, pour l’ensemble au moins un enseignement, à l’usage, pour le coup, de l’ensemble de la classe politique française. La première conséquence étant que la gauche en sort plus divisée que jamais, et plus éparpillée.
Plus divisée: la hauteur avec laquelle l’appel de Mme Taubira à l’union a été rejeté en dit long à cet égard. M. Mélenchon a ainsi ironisé: „Mme Taubira a enfilé la chaussure qui lui avait été taillée sur mesure, et alors?“ Même tonalité, l’humour en moins, chez Fabien Roussel, le candidat communiste, chez Anne Hidalgo et chez Yannick Jadot. L’intéressée s’indignant en retour de „cette façon de tenir à distance de façon hautaine un processus démocratique“. Comme on dit: bonjour l’ambiance …
Plus éparpillée, aussi: „Il ne s’agit pas, avec ma candidature, d’en ajouter une autre à une liste déjà trop longue“, expliquait Mme Taubira cet automne. Moyennant quoi c’est exactement ce qui est en train de se produire: en voici bel et bien une autre. Sauf nouveau retrait après celui d’Arnaud Montebourg, ils seront bien huit à briguer les suffrages de la gauche.
Deuxième conséquence, encore imprévisible en attendant les sondages: Christiane Taubira va-t-elle, malgré l’accueil réservé au processus qui a abouti à sa désignation, émerger enfin des 3 à 4% d’intentions de vote que lui accordent les sondages? Ils enregistrent en général un „effet nomination“, mais, s’il a lieu, durera-t-il? Et surtout, engendrera-t-il des ralliements?
Troisième conséquence: Anne Hidalgo, couronnée, si l’on peut dire, d’une mention „passable +“, va-t-elle poursuivre sa campagne? Pour une autre personnalité, on ne se poserait même pas la question: elle continuerait tranquillement. Mais au sein de son parti, le PS, certains ne faisaient plus mystère, ces dernières semaines, et au vu de sondages calamiteux, de chercher une occasion de la remplacer. Les amis de Mme Taubira la leur auront-ils fournie ?
Quant à l’enseignement que l’on peut tirer, à droite comme à gauche, de cette vraie-fausse primaire, c’est qu’avec tous ses défauts, elle répondait tout de même à une aspiration de plusieurs centaines de milliers de Français à un nouveau mode de participation à la vie publique, de prise en compte de leurs désirs. Dans un registre radicalement différent, le mouvement des Gilets jaunes traduisait sans doute déjà lui aussi, voici trois ans, une envie du même ordre. Quelque chose comme le besoin d’exister en dehors des appareils. Beau sujet de méditation en ces temps d’élection …
De Maart
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können