Le pays est dévasté par la peste. La maladie a déferlé sur toute une nation avec une telle force et une rapidité que nul homme n’aurait jamais pu imaginer. La diffusion rapide de la maladie a mis fin de manière totalement inattendue à la vie quotidienne de tous, même celle de la famille royale. L’épidémie de peste ravageuse, qui, comme le dit explicitement la reine (Valérie Bodson) dans „Le Monologue de la Vieille Reine“ de Ian De Toffoli, est loin d’être terminée, a revendiqué des milliers et des milliers de victimes et fera encore d’autres morts.
L’épidémie concerne absolument tout le monde, elle touche toutes les couches de la société. Elle fatigue même la reine souveraine, qui dans son monologue donne libre cours à sa rage et à son mépris pour finalement se tourner vers son public avec une parole désabusée, alors que ce discours était d’abord censé encourager son audience.
Dans un discours plein de doléances, la vieille reine invective et critique non seulement son peuple impatient et inattentif, mais aussi son propre mari, tout aussi impétueux, qui a levé trop précipitamment le premier confinement, qui servit à l’endiguement de l’épidémie de peste.
Sur un ton ironique mais aussi furieux, la reine raconte les fermetures des écoles et des universités, les bars, les restaurants et institutions culturelles closes, les restrictions de voyage, les couvre-feux, les nouvelles mesures sanitaires, et cetera (vous connaissez déjà le programme).
Mais surtout, elle condamne son propre peuple, la société globale, qui se sent démunie de sa liberté et de ses valeurs occidentales. Ces idéaux occidentaux consistent cependant principalement en des achats excessifs et des voitures ostentatoires, alors que les cadavres des morts de la peste pullulent et que les crématoriums et les établissements funéraires ne peuvent plus faire face aux innombrables cadavres.
Alors que les personnes âgées meurent chaque jour dans la solitude parce qu’elles doivent être isolées de leur famille pour éviter toute contamination, les gens se plaignent de ne plus pouvoir partir en vacances pour y répéter le même train de vie décadent que chez eux. La reine, dont la qualité de vie souffre tout autant de l’épidémie de peste, n’est pas seulement lassée des restrictions imposées par la crise sanitaire.
Elle est plutôt troublée par le comportement égoïste et la négligence de toute une société, qu’elle veut désespérément ramener à la raison et à la conscience en soulignant la situation désastreuse, voire en l’intimidant: „Si vous prenez peur, vous êtes des citoyens attentifs.“
Une pièce dans l’air du temps
Les parallèles que Ian De Toffoli établit ici avec la crise actuelle du coronavirus sont difficiles à manquer. Ensemble avec Daliah Kentges, la metteuse en scène, De Toffoli développe une pièce qui correspond exactement au ton de l’époque.
Avec leur pièce satirique, dans laquelle Valérie Bodson dans son rôle de chaperonne de l’Etat-nation perce constamment le quatrième mur du théâtre et dans laquelle le public prend la place de la société qu’elle réprimande, De Toffoli et Kentges réussissent à créer un spectacle qui est plus que simplement critique sur le plan social.
Alors que Valérie Bodson donne à son rôle une expression énergique et fait ressortir l’âme plus qu’épuisée de son personnage, Ian De Toffoli, avec son texte, présente un miroir à notre société.
Entre les allusions ironiques, les faits réels et les images tristes de la réalité actuelle, l’approche globale de la pandémie est remise en question, même si cette dimension critique est un peu trop frappante par endroits. Mais c’est peut-être précisément de ce portrait mémorable dont notre société a besoin pour revenir sur terre et prendre conscience des problèmes vraiment importants qu’une épidémie comme celle qui est dépeinte dans la pièce met au jour.
Même décor – conçu par Julie Conrad et composé d’éléments mobiles et de tissus semi-transparents – pièce différente: „Marguerites“ de Tullio Forgiarini, dans une mise en scène d’Aude-Laurence Biver, raconte l’histoire d’une jeune femme nommée Marguerite (Marie Jung) qui, dans un monde où les pandémies et les restrictions de liberté sont presque normalisées, a été isolée contre sa volonté. Cependant elle n’est pas seule, comme on le soupçonne d’abord, puisqu’au cours de son isolement, elle rencontre une ombre énigmatique (Rhiannon Morgan) qui l’imite et avec laquelle elle a plus en commun qu’elle ne veut bien l’admettre.
„There is no planet B“, s’exclame Marguerite, peu avant de rencontrer dans sa cellule d’isolement la mystérieuse ombre, censée s’appeler Marguerite elle aussi. On peut supposer que cette ombre représente le second moi de Marguerite, cependant la pièce laisse ici place à l’interprétation. Alors que Marguerite tente de raconter sa propre histoire, il y a plusieurs confrontations entre elle et sa colocataire, dont l’existence réelle peut être remise en question. Alors que Marguerite déballe de façon rationnelle comment elle a quitté l’école à l’âge de 15 ans pour s’engager entièrement dans la lutte contre le changement climatique et la pollution de notre planète, son ombre mystérieuse raconte son histoire comme un conte, dans lequel Marguerite incarne une fille tellement proche de la nature, une sorcière qui doit faire face à un destin tragique.
Dans sa pièce expérimentale, parfois un peu confuse et quelque peu trop abstraite, qui se termine par une chorégraphie impressionnante et obsédante exécutée par Rhiannon Morgan, Forgiarini fait avec son conte moderne non seulement allusion à l’activiste climatique Greta Thunberg, mais aussi au fait que le combat écologique est entre-temps de plus en plus relégué au second plan et que les activistes du climat représentent des oubliés de la crise sanitaire actuelle.
De Maart
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