Prestigieux endroit en effet que cette salle créée en 1927, ravagée par un incendie seulement neuf mois après l’ouverture, refaite en pleine crise en 1929 avec des moyens fort parcimonieux, bien vite délaissée par un public de plus en plus difficile. Le Crédit Lyonnais en fit finalement l’acquisition en 1935 et la salle Pleyel fut donc dirigée par des banquiers. Fort bien d’ailleurs, semble-t-il puisque son prestige fut rétabli. Le niveau artistique des programmes s’améliora et on finit par y accueillir la fine fleur des meilleurs artistes, de Barenboim à Louis Armstrong, de Richter à Jascha Heifetz et à David Oistrakh.
De réfection en restauration cependant, la qualité purement architecturale de la salle se détériora régulièrement. Heureusement, une très sérieuse rénovation entreprise à partir du 2004 par les nouveaux propriétaires, la société IDSH, projet ambitieux de renouer avec de dénuement et la pureté du lieu lui redonna non seulement le style art-déco tellement typique de la salle originelle, mais améliora la façon spectaculaire la qualité de l’acoustique.
La rencontre de l’OPL avec le public parisien se fit donc dans cette salle mythique. La manifestation court dans le cadre de la Saison culturelle européenne qui conduit notre orchestre de Luxembourg à Grenoble, Paris et Amiens. Le programme de ces concerts est identique pour les quatre lieux et il était du plus grand intérêt d’avoir pu, après deux auditions à la Philharmonie de Luxembourg, réentendre l’OPL, confronté à ce haut lieu qu’est la salle Pleyel.
Que notre couple régnant, le Grand-Duc et la Grande-Duchesse aient effectué le déplacement à Paris pour marquer l’importance de l’évènement n’a fait qu’accroître l’intérêt qu’on lui a porté. Double intérêt en l’occurrence: on va comparer la salle, on va comparer le niveau artistique. Inutile d’approfondir le premier point: chaque salle de concert a ses particularités, l’une est plus claire, l’autre l’est moins, l’une estompe un peu le jeu des cordes, l’autre semble plus cohérente. Finalement, de telles considérations sont d’un intérêt assez limité alors que c’est en définitive la fascination exercée sur les auditeurs par l’approche musicale qui va être déterminante.
Saint-Saëns, Ravel,Debussy, Liszt
On ne sera pas étonné de constater que le programme fit axé sur la musique française. Le grand Aldo Ciccolini présenta la 5e concerto de Saint-Saëns et l’OPL se concentra sur Ravel et Debussy avec, cependant, une excursion vers Liszt revu par Heinz Holliger.
S’il est vrai que la partie française du programme autant que le soliste prestigieux, Français d’adoption et d’honneur, semble destinée à gagner de prime abord les faveurs du public parisien, la réflexion de Heinz Holliger sur deux compositions très problématiques de Liszt n’est pas un mets très digeste, surtout placée en début de concert.
Emmanuel Krivine réussit cependant un bel exploit en rendant cette musique suffisamment éloquente et d’engranger un franc succès. L’orchestre fit preuve d’une compréhension du texte assez remarquable, compréhension qui avait paru faire défaut lors du premier concert à Luxembourg.
Bien sûr, les Parisiens attendaient leur pianiste préféré, Aldo Ciccolini. Par le choix du 5e concerto de Saint-Saëns, le ton avait été donné et Ciccolini, comme un jeune homme de plus de 80 ans, en fit un véritable feu d’artifice. On a parlé, pour quelques tournures du second mouvement, d’arabismes ce qui a par ailleurs valu à ce concerto de s’appeler „l’Egyptien“. Sous les doigts de Ciccolini il nous a paru plus proche de l’Andalousie que de l’Arabie. Restons conscients du fait que cela n’est que le deuxième côté d’une même médaille. Saint-Saëns l’avait compris; Ciccolini l’a mis en pratique de manière démonstrative.
Il le démontra encore plus dans le second de ses bis, les „Ménestrels“ de Debussy que l’on a rarement entendu avec autant de verve et de fraîcheur. Grande ovation donc à Aldo Ciccolini qui, en un tournemain a confirmé à la fois l’excellence toujours renouvelée de ses prestations et la sympathie que le public parisien lui témoigne.
L’OPL, sous une direction efficace d’Emmanuel Krivine, nous confronte en deuxième partie, avec deux œuvres majeures du répertoire français: „Une Barque sur l’Océan“ de Maurice Ravel et „Images pour Orchestre“ de Claude Debussy. Œuvres difficiles, œuvres emblématiques que l’orchestre a abordées avec une très belle précision et un grand enthousiasme.
Le concert coulaitde source
Lors du concert luxembourgeois, on avait pu regretter un certain manque de confiance dans Debussy, ce qui avait pu être interprété comme un manque d’inspiration. Il n’en fut rien lors du concert parisien. Cela coulait de source et tout en conservant les avantages de la précision purement instrumentale, les musiciens de l’OPL et leur chef Emmanuel Krivine firent une excellente démonstration de réflexion sur des musiques que l’on se plaît de considérer comme typiquement françaises.
Sans vouloir nous battre sur des questions de terminologie, disons tout de même que la réception très enthousiaste des Parisiens fut, elle aussi, très française.
De Maart
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