Que le foot professionnel soit, depuis belle lurette,une affaire de gros sous, qui en doute encore aujourd’hui? Comme toute autre marchandise, il n’échappe pas aux lois du marché. Nous avons finipar nous en accommoder. Comme avec le reste des calamités économiques qui nous bercent de crise encrise. Et que les footballeurs soient devenus des golden boys, à l’instar de ceux qui, à Wall Street, dans la City de Londres ou ailleurs, font valser les millions et les milliards, ne nous choque pas non plus outre mesure.
Cela aussi fait partie du système. Et qui oserait leverle petit doigt pour mettre un peu d’éthique dans tout cela?
Alors pourquoi tout le monde s’offusque soudain, quand des perdants, les Bleus en l’occurrence, jadis portés aux nues, quand ils gagnaient bien entendu, étalent au grand jour leurs manies d’enfants gâtés? Pourquoi soudain, jusque dans les hautes sphères de l’Etat, on se la joue outrée, à tel point qu’il faut une commission parlementaire – à huis clos bien sûr – pour tirer au clair ce que tout le monde sait déjà?
Le système n’aime pas les perdants
Peut-être, justement, parce que le système n’aime pas les perdants. Que ces gladiateurs des temps modernes gagnent, et on leur pardonne tout. Les frasques mondaines, les dérapages sexuels, les coups de boule. Mais gare aux vaincus! La machine financière qui a catapulté de jeunes sportifs en quelques années dans la cour des plus grands ne peut pas se permettre de miser de l’argent sur des perdants.
Soudain donc, ceux qui la veille encore, étaient un exemple pour les banlieues, un exemple de réussite et d’intégration, redeviennent de minables voyous allant jusqu’à bouder un entraînement, sans parler des excès de langue largement ressassés par une presse qui, elle aussi, a tout à perdre quand les golden boys ne font plus recette.
Imaginons alors un seul instant qu’ils aient remporté tous leurs matches, les Bleus. Imaginons les gros titres et les manchettes. Imaginons les compliments, un premier ministre qui s’extasie, un président qui ne tarit pas d’éloges. Mais ça changerait quoi? Rien, absolument rien. Tout comme les milliers de Kerviel qui hantent anonymement les salles de marché des banques et font trembler les marchés et les Etats, les dieux du stade resteraient ces pions aux pieds d’or qui font la joie et la fortune des investisseurs.
Mais ils n’ont pas gagné. Comme Kerviel, ils ont sali l’image de leurs maîtres. Ils sont donc à écarter, à condamner, à vilipender. Non parce qu’ils se plaisent dans la manipulation de l’argent facile, mais parce qu’ils étalent au grand jour leurs faiblesses.
N’empêche, ces colosses hyper-bodybuildés aux poches pleines à craquer évoluent sur une scène où des milliards de smicards, comme l’a dit récemment un euro-député français, applaudissent, sans ciller, des millionnaires. Là aussi il y a perversion. N’ayant d’autre utopie que l’exploit surhumain déversé par le petit écran dans la majorité des foyers du monde, les peuples transforment leurs frustrations en éphémères frissons. Et comme dans les arènes romaines, leurs pouces pointent vers le bas et condamnent sans appel les perdants.
Danièle Fonck
[email protected]
De Maart
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