Seuls quelques proches avaient été mis dans la confidence, parfois dans les toutes dernières heures précédant cette annonce alors jugée stupéfiante – à commencer par le premier ministre d’alors, Gabriel Attal, que cette mauvaise manière allait conduire à une quasi-rupture avec l’Elysée. Et les rares personnalités informées avaient tenté de le dissuader, en tout cas à en croire leurs confidences d’aujourd’hui. Mais en vain. Il faut dire que M. Macron était, semble-t-il, hanté par une triple certitude.
La première était que le Rassemblement national, quoique largement vainqueur aux européennes, avait atteint là son apogée, ces élections n’ayant que peu d’influence sur la vie publique nationale, et que les électeurs qui s’étaient laissés prendre par la tentation d’un „vote de protestation“ contre l’Europe allaient retourner à des choix plus modérés, s’agissant d’un vote qui, au contraire, dessinerait l’avenir du pays pour cinq ans.
Second présupposé présidentiel de l’époque: la gauche, après s’être déchirée durant les mois qui avaient précédé le scrutin européen, auquel elle avait participé en ordre dispersé, serait incapable de faire le chemin inverse durant la courte campagne précédant le premier tour des législatives: ce n’était pas en trois petites semaines qu’elle pourrait panser les plaies ouvertes par ces guerres intestines.
En troisième lieu, le chef de l’Etat semblait convaincu que les Français étaient las du désordre engendré deux ans plus tôt par les législatives, qui avaient déjà privé l’Assemblée de toute majorité homogène ou même composite; et qu’ils n’auraient donc de cesse de lui redonner les moyens parlementaires de gouverner. C’était ce qu’il appelait „la clarification nécessaire“. Ce qui revenait, en partant d’un constat fondé, à aboutir à une conclusion redoutablement optimiste.
Une „clarification“, vraiment?
Un an a donc passé, et cet anniversaire donne lieu, dans les médias et les discours, à une prolifération de bilans accablants. D’abord quant aux calculs électoraux de M. Macron. L’extrême droite s’est installée à la première place au Palais-Bourbon. Quant à la gauche, pour divisée qu’elle fût, il ne lui aura fallu que quatre jours pour reconstituer une alliance unitaire, le Nouveau Front populaire (qui s’est fragmenté depuis).
Mais c’est plus que tout à propos de la „clarification“ annoncée, en tout cas fortement espérée, par le président Macron, que le calcul de la dissolution aura été particulièrement désastreux. Car s’il n’avait pas de vraie majorité avant, ses gouvernements parvenaient tout de même à gouverner vaille que vaille. Aujourd’hui, il aura usé en un an trois premiers ministres, dont l’un a été renversé par une motion de censure parlementaire – alors qu’il expliquait en juin dernier que la dissolution était rendue inéluctable par une très probable défaite parlementaire du gouvernement Attal sur le budget à la rentrée 2024 –, cependant que le titulaire actuel, François Bayrou, a tout lieu de redouter le même sort à la rentrée, toujours sur le budget.
En attendant, le Parlement tue le temps dans des travaux plus ou moins futiles, en tout cas peu clivants politiquement. Les conseils des ministres sont, selon différents avis, d’un ennui mortel, sauf à la rigueur quand M. Macron s’y indigne que „son“ gouvernement, qu’il traite désormais comme s’il était non le sien, mais quasiment celui d’une cohabitation avec l’opposition, gouverne sans lui, quand ce n’est pas contre lui, comme à propos d’une série de mesures tendant à détricoter l’action passée de l’homme de l’Elysée en matière d’environnement. Ou encore lorsqu’il dénonce le „lavage de cerveaux“ auxquels se livreraient certains au sujet de violents faits divers – sans doute vise-t-il les ministres de l’Intérieur et de la Justice, MM. Retailleau et Darmanin, tous deux venus de ce parti LR avec lequel il avait refusé de s’allier en 2022, dont il s’était promis d’achever la déconfiture et qui semble, au contraire, ces dernières semaines reprendre du tonus.
De toute façon, et toutes étiquettes confondues, le gouvernement ne peut pas faire grand-chose, notamment face à l’extrême urgence budgétaire, toute réforme paraît impossible et l’action publique est en panne. Si „clarification“ il y a eu, elle aura été de mettre en lumière, en un an, une certaine désagrégation du macronisme qui, avant, n’était encore qu’hypothétique.
De Maart
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