Peut-être avez-vous eu l’occasion de connaître, de près ou de loin, ou simplement de fréquenter Jean-Louis Reiffers, ancien doyen de la Faculté d’Aix-en-Provence, aux origines luxembourgeoises. Peut-être l’avez-vous rencontré, rarement, à Luxembourg ou, plus souvent, dans le sud de la France, peut-être à la Faculté des sciences économiques d’Aix-Marseille où il a formé maints étudiants luxembourgeois dans les années 70 et 80, dont un des deux signataires de la présente nécrologie (N S). Ce dernier faisait partie, à l’époque, de ses étudiants et il a toujours gardé un contact régulier avec lui. Jean-Louis a toujours été de bon conseil, partageant son énorme savoir et son expertise.
Jean-Louis s’est éteint vendredi 31 janvier 2025 à l’âge de 83 ans. Il a été enterré au cimetière de Jouques, dans les Bouches-du-Rhône, où il habitait, à deux jets de pierre de la montagne Sainte-Victoire, chère à Cézanne. Agrégé et docteur en sciences économiques, il avait consacré sa carrière à l’enseignement, à la recherche et aux politiques publiques. Il y a quelques années, il a reçu des mains du ministre du Travail luxembourgeois de l’époque, un des soussignés (NS), les insignes d’Officier de l’Ordre de Mérite du Grand-Duché de Luxembourg.
Plus qu’un simple universitaire
Jean-Louis a toujours été fier de ses racines luxembourgeoises et il lui arrivait souvent de les revendiquer, sans s’en vanter, devant les mines souvent interrogatives de ses interlocuteurs. Il ne s’est jamais contenté de „seulement“ enseigner, il était convaincu que pour véritablement „faire“, il fallait faire plus, s’engager dans la société et pour la société. Ainsi, il a pu participer à des missions et investissements pour conseiller différents gouvernements africains, en Côte d’Ivoire ou au Mali. Tout ce qui se passait en Afrique et, surtout, en Afrique du Nord, sur la rive sud de la Méditerranée, au lourd passé colonial français, ne l’a jamais laissé insensible.
Ce ne fut donc point un hasard qu’il ait également conseillé la Commission européenne, et tout particulièrement la commissaire Edith Cresson, en charge de l’éducation et de la formation professionnelle. Cette dernière avait publié, au nom de la commission, en 1995, un Livre blanc ayant comme titre „enseigner et apprendre: vers la société cognitive“, texte pour lequel Jean-Louis Reiffers avait tenu la plume et qui visait à dessiner un axe majeur pour le futur et les défis de l’Union européenne. Il est intéressant de noter que parmi les propositions concrètes de ce Livre blanc figurait la création des Ecoles de la deuxième chance. Ce projet se proposait de lutter contre le chômage et l’exclusion des jeunes notamment par l’éducation et la formation et se distinguait par la concentration des efforts plus importants pour ceux-là mêmes qui quittent l’école ou la formation professionnelle sans diplôme ou sans qualification. Pour Jean-Louis, qui n’a jamais renié ses idées progressistes, c’était un projet global porté par une exigence de justice sociale affirmée. Plus loin, il sera encore question de ce type d’école dont il a été le géniteur, voire même, à Marseille, l’opérateur.
Pour la petite histoire, rappelons qu’à l’époque la Commission européenne fut présidée par notre compatriote et ancien premier ministre Jacques S, notamment un éphémère conférencier à l’école de Marseille.
Jean-Louis Reiffers a été également étroitement associé à l’élaboration d’un projet européen pour la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne en 2015, sur l’emploi et la formation des jeunes dans les pays du Maghreb. Il y a notamment accompagné NS dans un voyage mémorable en exposant sur place ses idées sur la formation de qualité en coopération avec l’Europe. On pourrait ajouter d’autres faits d’arme comme ses activités à la Banque mondiale, à la BERD ou à l’Institut de la Méditerranée ou au CIM, basés à Marseille. La liste n’est pas exhaustive.
Des racines luxembourgeoises
Ce que la plupart ignorent, c’est que Jean-Louis Reiffers avait des racines luxembourgeoises et qu’une branche importante de sa famille est originaire des Faubourgs de la Ville de Luxembourg, des brasseurs de bière archiconnus à Clausen. Il ne ratait pas une occasion pour venir voir sa famille à Luxembourg et avait toujours une certaine disponibilité pour conseiller, orienter, guider des jeunes gens, ou des moins jeunes. Il était un intellectuel qui ne rechignait pas à mettre la main à la pâte, il ne restait pas scotché derrière un bureau, mais allait affronter sur le terrain les vicissitudes de la vie, professionnelle ou autre.
Et puis il avait des capacités extraordinaires de jouer le rôle à la fois de guide et de go between, de rassembler autour d’une table, de travail ou de restaurant, sans aucun problème, des personnes d’horizons les plus divers. Ce qui lui importait, c’était le contenu d’un projet, et, dans une moindre mesure, le contenant. Ainsi, il a réussi, dans le chef de la création de l’Ecole de la deuxième chance de Marseille, quelque chose qui ressemblait à un miracle: faire collaborer la gauche et la droite, Président du Conseil régional d’un côté, et Mairie de Marseille de l’autre. Phénomène assez rare chez nos voisins français, notamment dans le sud. Et en plus, il avait réussi à impliquer dans ce projet, à l’époque emblématique, la Chambre de commerce de la cité phocéenne. Qui aurait imaginé l’ancien président de la Chambre de commerce de Luxembourg, aujourd’hui premier ministre, participer activement à un tel chantier? Arrêtez de rigoler svp!
L’Ecole de la deuxième chance de Marseille, son bébé …
Il faut savoir que cette manière de faire fut très utile quand Jean-Louis avait décidé, après avoir couché sur le papier le concept des Ecoles de la deuxième chance, de tout faire pour en installer une antenne à Marseille, où entretemps il avait repris un poste de professeur de la faculté des sciences économiques.
C’est dans ce contexte que le deuxième signataire de la présente nécrologie (RK) avait le plaisir de faire sa connaissance. C’est d’ailleurs lui qui, entretemps devenu président du Conseil d’Administration de l’e2c, avait proposé un poste de directeur à ce même soussigné.
C’est également lui qui avait fait entrer le co-soussigné au Club de Marseille, où Jean-Louis comptait parmi les membres influents. A ne pas confondre avec l’OM, l’emblématique club de foot, auquel Jean-Louis avait emprunté à la fois le slogan et son application: droit au but! Le Club de Marseille était un lieu de rencontre pluridisciplinaire d’une bonne quarantaine de personnes, qui se réunissaient dans les locaux magnifiques de l’Université de Marseille, sur les hauteurs de l’entrée maritime du Vieux-Port, au Palais du Pharo, construit par Napoléon, où travaillaient ensemble décideurs et intellectuels, dans le cadre des rapports Nord-Sud, de l’inter- civilisation en Méditerranée et de Marseille comme creuset d’ethnies, de cultures et de religions.
Les soussignés sont unanimes pour affirmer que leur rencontre et leur collaboration, à des titres divers, avec Jean-Louis Reiffers comptent parmi les moments phares de leur vie et que, tous les deux se souviennent avec beaucoup de plaisir, d’amitié, d’humilité et de respect d’un mec formidable, sympa, intelligent, empathique, rassembleur, qui aimait à la fois la vie et les êtres humains.
Merci pour tout, Jean-Louis. Et pour le reste …


européen Photo: Editpress/Alain Rischard
De Maart
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