Donnerstag30. Oktober 2025

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L’histoire du temps présentNovembre 1944: L’Italien, ennemi intérieur

L’histoire du temps présent / Novembre 1944: L’Italien, ennemi intérieur
La peur du „collabo italien“ est thématisée dans ce dessin de Simon publié dans l'Escher Tageblatt du 17 mars 1945 Source: archives Tageblatt

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Il y a exactement 80 ans, les Italiens du Luxembourg étaient réduits au rang d’„étrangers ennemis“ par une série de décisions administratives. Dépourvus de représentation officielle, privés de leurs biens, ils étaient également exclus des commandes publiques – et par „ils“, il fallait non seulement comprendre les ressortissants italiens, mais également les citoyens luxembourgeois d’origine italienne devenus suspects dans leur propre pays.

Lorsque le Luxembourg fut libéré, début septembre 1944, la guerre était encore loin d’être terminée. Neuf mois devaient encore s’écouler jusqu’à la capitulation sans conditions du Reich allemand, le 8 mai 1945 et ceux-ci furent marqués par la bataille des Ardennes, le bras de fer entre résistance et gouvernement ainsi que le début de l’épuration. Durant cette période incertaine et pleine des périls, les Italiens du Luxembourg furent contemplés comme un corps étranger, suspect et potentiellement dangereux.

Présents en grand nombre dans le Grand-Duché depuis les années 1880, ces derniers formaient une population complexe et polarisée. Il y avait parmi eux des gens qui ne résidaient dans le pays que le temps d’un contrat de travail et d’autres qui y avaient fait souche; beaucoup de mineurs et d’ouvriers, mais aussi des artisans, des commerçants et des entrepreneurs; des antifascistes militants, qui avaient rejoint la résistance en grand nombre, aussi bien que des partisans invétérés de Mussolini.

Enfin, à côté des 7 à 8.000 ressortissants italiens, il y avait 4 à 5.000 individus qui, nés italiens, mais ayant grandi au Luxembourg, en avaient acquis la nationalité par option ou naturalisation, ainsi que plusieurs milliers d’autres qui étaient d’ascendance italienne partielle. A l’automne 1944, tous ces gens furent jetés dans le même panier.

Des étrangers ennemis

La situation de leur pays d’origine était pourtant, elle aussi, complexe. Depuis septembre 1943, il était coupé en deux. Si au nord la République fasciste de Salò continuait à se battre au côté de l’Allemagne nazie, au sud un autre gouvernement, celui du maréchal Badoglio, avait rejoint les Alliés. Duquel de ces deux régimes dépendaient les Italiens du Luxembourg? Du premier décidèrent les autorités luxembourgeoises.

„Au moment de la libération du territoire luxembourgeois par les troupes alliées tous les ressortissants italiens domiciliés dans le Grand-Duché étaient, en théorie du moins, soumis au régime du soi-disant gouvernement de la République fasciste. Ils sont donc à considérer comme des étrangers ennemis, aux termes de l’arrêté grand-ducal du 17 août 1944, et leurs biens doivent être mis sous séquestre“, écrivait ainsi Pierre Majerus, le 3 octobre 1944.

Ce diplomate luxembourgeois ne remettait pas en question la décision. Soulignant dans la suite de son courrier adressé au ministre des Affaires étrangères, Joseph Bech, que certains Italiens avaient collaboré avec l’occupant et qu’il fallait bien les identifier, il conseillait toutefois de procéder rapidement à cette épuration et, si possible, de le faire en coopération avec l’autre gouvernement italien, celui qui soutenait les Alliés. Cela était absolument nécessaire pour „éviter les duretés et les injustices“. En effet, les retraites et les pensions d’invalidité sur lesquelles comptaient beaucoup de familles ouvrières italiennes ne leur étaient plus versées, ce qui les mettait dans des „situations intenables“.1)

Des citoyens de seconde zone

Le 15 novembre 1944, une autre mesure fut prise qui en disait long sur la manière dont les autorités luxembourgeoises percevaient les étrangers „ennemis“ et notamment les Italiens. Ce jour-là, la Conférence du chômage „décida à l’unanimité que les ressortissants ennemis [devaient être] exclus des travaux d’entreprises et de fournitures pour l’Etat, les communes, les établissements publics et d’utilité publique“. Pour éviter toute équivoque, une définition des „ressortissants ennemis“ était jointe à la décision:

„Est à considérer comme ressortissant ennemi:

1) l’étranger ressortissants à un Etat qui se trouve ou s’est trouvé en guerre avec le Grand-Duché de Luxembourg;

2) le Luxembourgeois, ci-devant étranger, dont l’Etat d’origine se trouve ou s’est trouvé en guerre avec le Grand-Duché de Luxembourg;

3) le Luxembourgeois né d’un étranger ou d’un Luxembourgeois, ci-devant étranger qui lui-même n’est pas né sur le territoire luxembourgeois, dont l’Etat d’origine se trouve ou s’est trouvé en guerre avec le Grand-Duché de Luxembourg.“2)

Cette définition très large de l’étranger ennemi incluait donc non seulement les ressortissants italiens, mais aussi les Italiens qui avaient acquis la nationalité luxembourgeoise par option ou par naturalisation ainsi que, s’ils étaient nés à l’étranger, leurs enfants. Ces personnes étaient devenues des citoyens de seconde zone.

„D’Biren, de’ se lâfe geloss hun“

Qu’est-ce qui explique cette dureté à l’encontre des Italiens et des personnes d’origine italienne? Premièrement, il y avait l’attitude de certains d’entre eux qui avaient en effet, par convictions fascistes, soutenu le régime d’occupation. L’ambassade d’Italie au Luxembourg était quant à elle restée fidèle jusqu’au bout au régime fasciste, ce qui, comme le soulignait Pierre Majerus, avait entraîné la rupture des relations diplomatiques entre le Grand-Duché et l’Italie.

Les revendications de la résistance y étaient aussi pour beaucoup. Ses différents mouvements, avaient fini par se fédérer au sein de l’Unio’n. D’obédiences idéologiques très diverses, ils s’entendaient toutefois sur quelques points forts: ils voulaient qu’après la guerre le Luxembourg revienne aux Luxembourgeois et ils voulaient que les collaborateurs politiques, mais aussi les profiteurs économiques soient punis. Cela mettait forcément les Italiens dans leur viseur, parce qu’ils étaient considérés comme des étrangers – y compris ceux qui avaient acquis la nationalité luxembourgeoise – et parce qu’il y avait parmi eux de nombreux artisans du bâtiment et d’entrepreneurs de travaux publics, auxquels on reprochait de s’être enrichis durant l’occupation.

Le 17 mars 1945, le Tageblatt publia une caricature de Simon, montrant des ours féroces s’échappant d’un camp d’internement, accompagné de la légende suivante: „Eng Gefohr firt d’Land sin d’Biren, de’ se lâfe geloss hun“. Dans une mise au point publiée cinq jours plus tard, le quotidien tint à préciser que ce n’étaient pas les ouvriers italiens qui avaient résisté qui étaient visés, mais les „gros“, ceux qui avaient collaboré économiquement. Le mal était fait cependant et le dessin en disait long.

La situation des Italiens resta extrêmement précaire jusqu’à la fin de la guerre. La reprise des relations diplomatiques le 18 mai 1945 et le fait qu’ils étaient indispensables pour l’économie leur permit ensuite peu à peu d’être réintégrés dans la société luxembourgeoise.

La peur du „collabo italien“ est thématisée dans ce dessin de Simon publié dans l'Escher Tageblatt du 17 mars 1945
La peur du „collabo italien“ est thématisée dans ce dessin de Simon publié dans l'Escher Tageblatt du 17 mars 1945 Source: archives Tageblatt

1) Archives nationales de Luxembourg (ANLux), Fonds Affaires étrangères, AE-043166. 

2) ANLux, TRAV-0256. 

Luxmann
1. Dezember 2024 - 13.59

Sans parler du racisme de l epoque du T.
Un fred keup serait pendu a la lanterne publique s il osait liker cette caricature aujourdhui.

Luxmann
1. Dezember 2024 - 12.06

Article interessant sur un sujet peu connu.
Revelateur aussi de constater que beaucoup de Luxembourgeis, dont la majorite n avait tout de meme que peu resiste a l occupant allemand ,semblent avoir pris en grippe des italiens dont les allegeances etaient effectivement partagees en 1944 mais dont le gouvernement officiel du roi avait quand meme rejoint certes par opportunisme le camp allie fin 1943