Samstag25. Oktober 2025

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RotondesEmancipation sonore: Goat Girl, groupe Punk aux textes critiques, se produit au Luxembourg

Rotondes / Emancipation sonore: Goat Girl, groupe Punk aux textes critiques, se produit au Luxembourg
Rock, conscience sociopolitique et textes critiques: Goat Girl sont actuellement en tournée Photo: Holly Whitaker

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Depuis leur album éponyme en 2018, Goat Girl ne cessent de se renouveler, passant du rock le plus abrasif à la pop lo-fi la plus bizarroïde, le tout cimenté par une conscience sociopolitique aiguisée. Les trois Londoniennes jouent ce jeudi aux Rotondes. Portrait.

Tout au long des années 1950 et 1960, avec le rhythm’n’blues, le doo-wop, la soul ou la pop plus traditionnelle, les formations féminines se révèlent nombreuses, des Crystals aux Ronettes, en passant par les Supremes ou d’autres bandes en „The“, The Shangri-Las, The Marvelettes, The Shirelles ou The Honeys. La liste est longue et pourtant elle ne l’est jamais assez. Au milieu des années 1970, alors que la révolution sexuelle est passée par là, avec le punk, il n’y a pas que la musique qui s’avère plus rapide, plus forte, plus frontale: les revendications aussi.

S’il y a eu des pionnières rock’n’roll telles que Big Mama Thornton et Rosetta Tharpe, puis Janis Joplin, Marianne Faithfull, Nico ou Patti Smith, place au collectif, soudé, comme un écho, et plus encore, au concept de sororité. Place alors à l’auto-gestion, à l’indépendance, à l’émancipation; il n’y a plus de Phil Spector dans les parages, ni de grosses structures pour formater des stars: par le punk résonne une voix féminine au pluriel et alternative.

Par le punk, il s’agit de faire un bon vacarme dans les règles de l’art (l’anarchie). Il s’agit aussi de ne pas forcément savoir jouer, mais de bien s’y prendre; le rock prend donc une nouvelle dimension contestataire avec les girls bands; encore des groupes en „The“, The Slits ou The Runaways, jusqu’à The Raincoats, pour le post-punk. Enfin, dans les années 1990, via Bikini Kill, Jack Of Jill ou Bratmobile, les riot grrrls confèrent au punk une marque féministe encore plus radicale, un tatouage, indélébile, sur la chair du rock. Si la musique est politique, elle déborde ici du cadre compositions et paroles, pour aller du côté de l’activisme.

Le premier combat est le suivant: celui d’être considérées en tant que femmes, mais de ne pas être considérées comme un groupe de femmes, mais comme un groupe de rock

„Nous ne sommes pas un girls band“, clame Rosy Bones, la batteuse et chanteuse de Goat Girl lors d’une interview de 2022 pour le magazine Rock & Folk. Comme pour dépasser la notion de genre? Presque, en fait, comme pour outrepasser le sujet du „groupe de filles“. Pourtant, dans Goat Girl, en plus de Rosy, et auparavant d’Ellie Rose Davies et Naima Bock, il y a Lottie Pendlebury, qui est la guitariste, mais aussi la chanteuse, ainsi que Holly Mullineau, qui est la bassiste, mais aussi … la chanteuse. Trois voix. Trois femmes. Du rock, de la politique, des mélodies qui restent dans la tête comme des cris (et vice-versa). Il n’empêche que le premier combat est le suivant: celui d’être considérées en tant que femmes, mais de ne pas être considérées comme un groupe de femmes, mais comme un groupe de rock. Le „Goat“, dans Goat Girl, signifiant „chèvre“, si le trio est fan de Bikini Kill, il peut faire penser, en restant dans le champ animalier, à Cat Power. Mais en plus art rock. En plus punk. Et en groupe.

Goat Girl Power

Mais Goat Girl, c’est l’après. Pas le post-punk, mais l’après-punk. Sorti en 2018, leur disque éponyme sent la rage au ventre, aussi bien que dans les poings, et ce flux d’angoisse qui zigzague dans le sang, contrebalancé par des éclaboussures d’humour, pour ne pas laisser tout plomber. Pour ce qui est des thèmes: „Burn The Stake“ parle du pouvoir en Grande-Bretagne là où, sur „Creep“, il est question de démantibuler un homme qui filme des femmes dans le métro. C’est l’album de la première fois (19 titres!), il n’y en aura peut-être pas un deuxième, il faut alors tout donner: un premier album peut être aussi, paradoxalement, le dernier. Mais les Anglaises partent sur de bons rails: non seulement elles signent sur Rough Trade, le label des Smiths, mais en plus elles obtiennent l’adoubement d’un sacré punk, Mark E Smith.

En 2021, „On All Fours“, à propos du mal capitaliste, sonne plus dark country, western nocturne (avec, notamment, „Sad Cowboy“), post-punk dans son versant le plus gothique – on pourrait alors rebaptiser le groupe Goth Girl. Davantage d’angoisse, sur des sonorités plus électroniques, malgré les guitares qui grondent. Il est alors intéressant de délaisser le rock conventionnel qui, pourtant, renvoie à une certaine pureté (ou spontanéité), pour se tourner vers les bidouillages labyrinthiques, par là où Goat Girl s’en sortent très bien. L’expérimentation rend, chez elles, les chansons plus mélodieuses, sinon plus fluides. Et leurs lives de ressembler à des work in progress interactifs avec le public.

Couleur écolo

Paru cette année, „Below The Waste“, leur troisième album, est le premier en tant que trio. Le titre („Sous les déchets“) annonce la couleur: écolo. Mais pas seulement: l’objectif est de se débarrasser de toute forme d’oppression. Il y a l’influence de „La Parabole du Semeur“ d’Octavia E. Butler, un roman de science-fiction publié en 1993 qui se déroule de nos jours, où tout devient chaotique, à cause du réchauffement climatique ou de l’inégalité sociale, mais où l’empathie accrue de l’héroïne, Lauren, laisse espérer un monde meilleur; comme dans „Below The Waste“, il y a plus de lucidité que de fatalisme ou moins de nihilisme que d’espoir. Les expérimentations montent d’un cran, et font jaillir une autre forme de liberté: celle, totale, de l’exploration.

À l’arrivée, c’est une espèce de garage lo-fi synthétique. La neurasthénie se confond avec l’euphorie. Par-delà les virages industriels („Where’s ur <3“) et les ballades au piano („Take It Away“), le minimalisme est un trompe-l’oreille, puisque le disque croise la clarinette, la flûte, le banjo, l’accordéon („Pretty Face“), sans oublier les bruits d’animaux, la pluie, les bains de boue, les rires, dans une ambiance nocturne, froide, chaude, engourdie. Excellent disque. Conclusion: avant de parler de Goat Girl en tant que „girls band“, il convient de dire que c’est un grand groupe.

Goat Girl en concert

Ce jeudi 10 octobre à partir de 20 h aux Rotondes à Luxembourg-ville.
Plus d’informations: rotondes.lu.