Montag17. November 2025

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L’histoire du temps présentSeptembre 1943: le début de la fin

L’histoire du temps présent / Septembre 1943: le début de la fin
Cette photo non datée montre des fantassins lors des combats de rue autour de Stalingrad Photo: dpa-Bildfunk

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Il y a exactement 80 ans, les Allemands subissaient une défaite décisive à Koursk, sur le front de l’Est. Le régime auquel ils s’étaient ralliés courant à sa perte, les Luxembourgeois pro-allemands n’avaient plus que deux options: quitter le navire ou sombrer avec lui.

Lorsque au début du mois de février 1943, les survivants de la 6e armée allemande, encerclés dans Stalingrad, avaient fini par se rendre aux Soviétiques, tous ceux qui en Europe occupée étaient hostiles à la domination nazie commencèrent à relever la tête – notamment au Luxembourg, où tout signe d’hostilité au régime d’occupation avait disparu depuis la répression des grèves d’août-septembre 1942. Et l’heure n’était plus qu’aux mots. A partir du printemps 1943, le nombre d’enrôlés de force prêts à déserter explosa.

Les partisans du Troisième Reich, de plus en plus isolés, avaient quant à eux été saisis par le doute. Mais le battage quotidien de la propagande autour du génie des stratèges allemands, de la ténacité des Landser, de la supériorité des armes germaniques les avait poussés à se ressaisir. Les faits ne confirmaient-ils pas après tout ce que clamait la Wochenschau?

La plus grande bataille de chars de l’histoire

Après sa victoire à Stalingrad, l’Armée rouge avait lancé une série d’offensives en direction du Caucase et de l’Ukraine. Le groupe d’armées sud allemand, bousculé, affaibli, disposant de beaucoup moins de chars et d’hommes que l’adversaire qui le traquait, avait failli s’effondrer. Mais une contre-offensive audacieuse, conçue et dirigée par le maréchal Erich von Manstein, avait permis à la Wehrmacht de stabiliser ses positions et même de reprendre du terrain.

En mars 1943, le dégel transforma les champs de bataille d’URSS en pataugeoire. Les combats cessèrent, mais les Allemands étaient décidés à repasser à l’attaque dès que possible. Leur objectif principal était un saillant soviétique situé autour de la ville de Koursk. Pour percer les lignes soviétiques, ils misaient sur l’arrivée massive du char lourd Tigre, présenté comme une arme miracle.

La bataille de Koursk qui commença début juillet 1943, est aujourd’hui encore considérée comme la plus grande bataille de chars de l’histoire: près de 3.300 du côté soviétique, un peu moins de 3.000 du côté allemand. La Wehrmacht engagea tout le potentiel offensif qui lui restait. Cela ne suffit pas. Au mois d’août, elle fut contrainte de se replier derrière le Dniepr. A partir de là, elle ne cesserait plus de reculer.

La contagion du défaitisme

Si Stalingrad avait été un tournant, Koursk fut véritablement le début de la fin pour l’Allemagne nazie. Bien des contemporains le comprirent, y compris dans les rangs pro-allemands. C’est alors seulement que ceux-ci commencèrent à céder. Le Gauleiter Gustav Simon s’en fit l’écho quelques mois plus tard dans un rapport sur la recrudescence des désertions qu’il adressa au général Friedrich Fromm, le chef de l’Ersatzheer – la composante de l’armée de terre allemande chargée de la formation des mobilisés. Le défaitisme, jusque-là nourri par la partie de la population qui s’était toujours montrée hostile au Reich, gangrénait désormais la partie „saine“ de la population: „Infolgedessen, neigen auch solche Bevölkerungskreise zur Billigung der Desertion, die ein Großdeutsches Reich und den Nationalsozialismus an sich bejahen, aber aufgrund der augenblicklichen Lage jeden Einsatz dafür für vergeblich halten.“1)

De jeunes conscrits issus de familles pro-allemandes étaient donc prêts à déserter, plutôt que de risquer leur vie pour une cause qui semblait vouée à l’échec. Des engagés volontaires étaient prêts à faire de même, bien que dans leur cas cela soit plus difficile parce qu’ils avaient déjà choisi leur camp. Pour racheter cette faute, certains étaient donc prêts à passer à l’ennemi de la veille.

Changement de camp

Emil R. fut l’un de ceux-là. Et pourtant il s’agissait d’un pro-allemand pur et dur! Il avait adhéré à la Volksdeutsche Bewegung (VdB) dès le 12 juillet 1940, soit près de trois semaines avant l’arrivée du Gauleiter au Luxembourg. Un an plus tard, alors qu’il était âgé de 36 ans, il s’était engagé volontairement dans les forces armées allemandes. Il finit toutefois par rejoindre les partisans alors qu’il était stationné en Italie.2)

Le parcours de Roger G. est encore plus rocambolesque. Vivant en France, il avait adhéré à la section parisienne de la VdB le 1er juillet 1941. Enrôlé volontaire dans la Wehrmacht en décembre 1941, il avait reçu une instruction militaire en France et en Allemagne. Mais alors que son unité était transportée en Finlande, il participa à une mutinerie. En septembre 1943, il réussit à passer en Suède, puis en Angleterre où il s’enrôla dans l’armée belge.3)

Emil R. et Roger G. réussirent ainsi à changer de camp in extremis, ce qui après la guerre, comme ils l’avaient peut-être calculé, joua incontestablement en leur faveur. L’enrôlement volontaire dans les armées alliées amena les juges de l’épuration à se montrer moins durs.

Le dernier carré

D’autres pro-allemands choisirent en revanche d’aller jusqu’au bout de leur engagement, tel l’électricien Peter B., qui avait été membre de la SA avant d’adhérer au parti nazi. Le 15 janvier 1943, alors que la 6e armée était piégée dans Stalingrad, il s’était porté volontaire dans la Waffen-SS. Il était alors âgé de 29 ans.4)

Cet âge relativement élevé pour un engagé, tout comme la date tardive de son enrôlement, donnent une idée de l’ardeur idéologique de B. Les lettres qu’il échangea avec le chef de la section du NSDAP de Luxembourg, de janvier 1943 à juin 1944, ne laissaient planer aucun doute à ce sujet. Les revers militaires de septembre 1943 n’entamèrent pas sa foi. Suite à la mort d’un camarade, un autre volontaire de guerre luxembourgeois, il écrivit: „Wir stehen alle hier draussen und werden unsere Pflicht treu erfüllen und wenn noch mancher dran glauben muss, wir wissen um was wir kämpfen und fallen. Denn wer den Bolschewicki kennen gelernt hat, der weiss um was es geht, wenn diese Horden, diese Bestien über unser schönes Heimatland herfielen, dann würden diese noch immer hoffende ausgehofft haben, darüber müssen sich alle im Klaren sein. Auf jeden Fall ist eins klar, es gibt nur mehr eine Parole: Sein oder Nichtsein, siegen oder sterben.“5)

Cette fidélité à ses convictions survécut, comme lui, à la guerre. Poursuivi par la justice, il fut l’un des très, très rares inculpés pour „intelligence avec l’ennemi“ à déclarer franchement qu’il avait servi le Reich par conviction.


1) Archives nationales de Luxembourg (ANLux), Fonds Microfilms divers (FMD) 001, rapport du Gauleiter Simon du 8 février 1944 (Betr.: Behandlung luxemburgischer Deserteure) adressé au Generaloberst Fromm.

2) ANLux, fonds Epuration (EPU) 375, chefs d’accusation et jugement à l’encontre d’Emil R.

3) ANLux EPU 362, chefs d’accusation et jugement à l’encontre de Roger G.

4) ANLux, fonds Affaires politiques (AP) 55.

5) ANLux AP 55, Rapport d’enquête de la police de Luxembourg du 30 juillet 1946 sur l’attitude politique de Peter B. durant la guerre, lettre de Peter B. à l’OG de Luxembourg du 2 septembre 1943.