Or, les travailleurs français, quoique largement „désidéologisés“ par le lavage de cerveau permanent auquel ils sont exposés, ont compris qu’une telle réforme ne leur est pas favorable. Ils voient bien que le patronat applaudit, alors qu’eux doivent trinquer. Ils voient surtout qu’elles relèvent du mensonge, les maladroites justifications qu’on veut leur faire gober.
La plus sournoise, c’est à l’Elysée-même qu’elle a été concoctée, en mai dernier, au lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron contre Marine Le Pen. Oubliant qu’il devait sa réélection, non à son programme électoral, mais à la crainte de voir le Front national rafler la mise, le président fraîchement réélu a sournoisement mélangé légitimité présidentielle et légitimité programmatique. Nul ne conteste la première, on a bien voté pour Macron, mais son programme n’a pas été plébiscité dans les urnes, loin de là. D’ailleurs, au soir du premier tour, quémandant les voix de la gauche, le candidat Macron n’avait-il pas annoncé qu’il était „pleinement conscient que mon élection ne vaudra pas soutien du projet“?
Or, à peine réélu, il a modifié son récit. Qui a voté pour moi, affirme-t-il désormais, savait que la réforme des retraites serait un moment phare de ma politique. L’honnêteté aurait voulu autre chose. Des ouvertures notamment, du moins dans le programme de gouvernement, vers celles et ceux qui avaient rendu la victoire possible. Il ne l’a pas fait. Pire, il s’est servi de leurs voix et les retourne aujourd’hui contre eux. C’est un abus, une injustice, mais aussi un vol de démocratie.
D’une contre-vérité dans l’autre
Mais puisqu’il ne peut pas crier sur les toits que sa réforme des retraites s’inscrit dans une stratégie nuisant aux intérêts des travailleurs, il a besoin d’autres justifications tout aussi mensongères. Faire croire, par exemple, que sans sa réforme, le financement des retraites serait en danger dans un proche avenir. Or, dans son propre camp, le Conseil d’orientation des retraites (COR), un service du premier ministre pourtant, dont l’objectif est de tracer les perspectives à moyen et long termes des régimes de retraite, a redit devant les députés, il y a quelques jours encore par la voix de son président Pierre-Louis Bras, que „les dépenses de retraite ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées […]. Dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme.“ Ayant été démenti sur ce plan-là, le président s’est vu forcé de trouver autre chose.
Dans le genre: la réforme serait justifiée par le prolongement de l’espérance de vie. Autrement dit, à soixante-quatre ans tout le monde serait encore en pleine forme. La réalité est tout autre. Le président confond espérance de vie et espérance de vie en bonne santé. Il oublie que ce n’est pas de machines mais d’êtres humains qu’il s’agit, dont le destin n’est pas uniquement de travailler, mais aussi de vivre. Je dis oublier, parce qu’il y a peu encore il expliquait que „quand aujourd’hui on est peu qualifié, quand on vit dans une région en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans“.
Emmanuel Macron tombe ainsi d’une contre-vérité dans l’autre. C’est dans un esprit de justice, fanfaronne-t-il à présent. Court d’arguments, il veut un nouveau régime des retraites. Or, les syndicats ont vite fait de démontrer que la nouvelle loi crée plus d’injustices qu’elle n’en combat. D’ailleurs, le gouvernement lui-même sent qu’il est difficile de faire avaler la pilule à l’assemblée nationale. Il n’a donc pas osé inscrire la réforme dans une nouvelle loi, mais en tant qu’appendice au projet rectificatif de la sécurité sociale, encore une entourloupe. Cela lui permettra de déclencher, non l’article 47-9 de la Constitution, dont le gouvernement, minoritaire, a abusé en automne, mais un article moins connu, le 49-1, qui stipule qu’après cinquante jours de débats à l’Assemblée, la réforme peut être adoptée par ordonnance. Sans vote donc. Ce serait alors au cœur même de la démocratie qu’est le parlement que la démocratie serait mise à l’épreuve.
Est-ce dire qu’il ne faut pas toucher au régime des retraites? Bien sûr qu’il faut que les choses changent. Pas cependant pour allonger le temps de travail, mais pour le raccourcir. Travailler moins pour vivre plus. Et pour faire travailler plus de monde. Et rémunérer plus pour vivre mieux.
Mais dans tout cela, il ne faut pas perdre de vue que la raison première de la réforme des retraites est bien plus systémique qu’il n’y paraît. C’est, en plus du vol de deux ans, du démantèlement de la protection sociale telle qu’elle a été conçue dans l’après-guerre qu’il s’agit? Et les idéologues affûtent leurs armes. Afin de maximiser les profits, il entendent bouger le curseur du coût du travail au profit du patronat, en baissant leurs cotisations des protections sociales. L’objectif suprême cependant est plus stratégique encore: substituer à terme au système de retraites actuel la retraite par capitalisation.
En d’autres mots, pour empocher une pension décente, les travailleurs investiraient, comme c’est déjà le cas ailleurs, pendant leur vie active, et ceci le plus longtemps possible, individuellement dans des fonds de pension privés. En d’autres mots encore, ils alimenteraient la sphère financière qui est à l’origine du détricotage de leurs acquis sociaux. Car c’est bien de là que provient en fin de compte l’attaque. Pour couronner la contre-révolution néolibérale, le tout-puissant monde de la finance convoite, pour l’investir, l’argent des travailleurs qui, pour le moment, ne tombe pas encore dans son escarcelle.
Sur l’auteur
Jean Portante est écrivain. Toutes les deux semaines, il commente, dans son „Monde immonde“, l’actualité avec un regard lucide et acerbe.

De Maart
Les enfants et petits enfants, lorsqu'ils auront l'âge de la retraite, remercieront vivement tout Gouvernement qui, aujourd'hui, ne tombe pas dans le piège des "augures" de mauvaise foi. Ce qu'il faudrait changer, ce serait le grand luxe débile des nouveau-riches modernes. Pourquoi 5 vacances par an au bout du monde? Pourquoi 3 voitures haut de gamme par personne? Pourquoi des maisons monstrueuses surdimensionnées? A mon avis, il faudrait augmenter considérablement les cotisation pour les pensions du côté de ces oligarches qui ne travaillent pas. Il font travailler les autres, et collent à leurs postes bien rémunérés jusqu'à la mort.
Ein Freund von Gregory aus Manchester arbeitete bis 65 an der Presse bei St Gobain, dann war er körperlich nicht mehr sooo fit. Rente mit 800 £. Dauerkarte bei ManU ist nicht mehr.
Allez voir en Norvège s.v.pl.
Aussi pour le logement!
"individuellement dans des fonds de pension privés."
J’avais tenté d’investir dans ma pension « privée » il a y 20 ans maintenant. L’agent de la banque était très gentil, pour ne pas dire honnête, et m’a averti comme suit: « à votre âge ce n’est pas très recommandable, je dois quand-même vous laisser vivre, votre salaire, vous savez. Est-ce que vous aimez bien manger, vous chauffer normalement, vivre comme un citoyen normal ? »
Travailler pour pouvoir payer les pensions.Surtout nos enfants et petits enfants resteront assis sur la facture.En Allemagne l'âge de pension est élevé aussi et on parle de l'augmenter encore. Des modèles de pension payable existent en Skandinavie. Pension minimale et maximale(!) garantie. Les gens atteignent 100 ans sans problèmes de nos jours. L'ancien système ne fonctionnera plus.