Sera-ce le grand moment de vérité? Les syndicats, unis pour la première fois depuis 15 ans dans une action commune d’ampleur nationale contre le plan de sauvetage gouvernemental du système des retraites, assurent que les grèves et les manifestations seront sans doute reconduites durant le débat parlementaire sur le projet de loi. Et cela jusqu’au retrait pur et simple de ce dernier – démarche qui avait déjà été suivie, mais en vain, contre la réforme socialiste de Marisol Touraine en 2014.
La CGT du secteur de l’énergie a même menacé les élus qui soutiendraient le texte de „venir s’occuper d’eux“, un type de menaces personnelles au parfum vaguement mafieux dont les syndicats français n’ont certes aucunement l’habitude, mais qui en dit long sur la détermination de certains. La France insoumise de Mélenchon, qui organise sa propre manifestation samedi, à de son côté tenté de faire courir le bruit, évidemment absurde, que dans l’Hexagone un quart des salariés modestes meurent de toute façon avant l’âge actuel de la retraite.
Porter l’estocade?
Autant de signes indiquant qu’au-delà de tout débat de fond, et sans doute aussi au-delà de la journée revendicative de jeudi, la confrontation sur la réforme pourrait bien tourner à un vaste assaut de la gauche politique et syndicale – sans parler de l’extrême droite, toujours en embuscade – contre la présidence Macron. Car décidément, pour ses adversaires les plus résolus, la situation s’y prête.
La réforme des retraites reste rejetée par une majorité de Français; y compris les jeunes, dont le projet vise pourtant, officiellement, à sauver les retraites futures. Le gouvernement n’a de majorité dans aucune des deux chambres du Parlement. L’inquiétude s’accroît face à l’inflation. Et le président a beau rappeler que, reconduit par une majorité de Français, auxquels il avait bien dit qu’il ferait cette réforme, chacun sait que c’est surtout à l’effet repoussoir de Marine Le Pen qu’il le doit. Bref, pour les oppositions, le moment pourrait être propice pour porter l’estocade à un pouvoir qui craint par-dessus qu’un blocage prolongé du pays soit dévastateur dans l’opinion.
Il faut bien dire qu’indépendamment du contenu de sa réforme des retraites, M. Macron lui-même porte une part de responsabilité dans la situation qui est la sienne aujourd’hui, en tout cas face à l’opinion qui, manifestement, peine, si l’on en croit les sondages, à adhérer à un projet dont il tient tant à faire la réforme emblématique de son second quinquennat, faute d’y être parvenu au premier. Car il paie aujourd’hui la façon dont il a fustigé l’inutilité des corps intermédiaires, sur lesquels il n’a donc ni su, ni voulu, s’appuyer. La maladresse avec laquelle il a rejeté la CFDT, pourtant acquise au dialogue, dans le camp des intégristes de l’anti-réforme, restera de ce point de vue comme un cas d’école.
Les syndicats aussi jouent gros
Faute de vrais poids-lourds politiques autour de lui, et d’interlocuteurs chez les syndicats, dont il a réussi à refaire l’unité contre lui, voici donc aujourd’hui Macron bien seul, malgré la bonne volonté de sa première ministre. Face à „la rue“, comme on dit quand on s’en méfie. Au cœur d’un parti macronien, „Renaissance“ qui ne brille pas actuellement par son enthousiasme. Et face, surtout, à un parti LR dont il aura, à son corps défendant, fait sinon un „faiseur de rois“, du moins un faiseur de réformes, puisque sa bienveillance sera requise à l’Assemblée nationale pour que le projet gouvernemental soit voté. En termes d’image, c’est cher payé.
Cela dit, les syndicats aussi jouent gros dans cette confrontation majeure qui s’ouvre formellement demain. Dans l’immédiat, il n’y a guère de doute qu’ils s’apprêtent à marquer des points. Leur union refaite, leur capacité de mobilisation auront sans doute des conséquences heureuses pour leur redonner un peu de crédibilité dans le monde du travail – lequel, en France, les boude en termes d’adhésions. Mais ils doivent tout de même se garder de glisser de la mobilisation à la nuisance: des grèves prolongées, notamment dans les secteurs des transports et de l’énergie, compliqueraient beaucoup la vie de ceux qui, même en les soutenant, ont besoin de travailler. Pour leur retraite, notamment.
De Maart
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