Mort d’Alexandre Soljenitsyne, chroniqueur des horreurs du goulag

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Alexandre Soljenitsyne, prix Nobel de littérature en 1970 et auteur de \"L'Archipel du goulag\", est mort à l'âge de 89 ans.

Alexandre Soljenitsyne, prix Nobel de littérature en 1970 et auteur de „L’Archipel du goulag“, est mort à l’âge de 89 ans. Auteur d’une oeuvre fondée sur l’expérience du totalitarisme, notamment d’une série d’ouvrages faisant le récit des horreurs des camps soviétiques, l’écrivain russe a longtemps été considéré comme l’incarnation de la dissidence. Alexandre Soljenitsyne, qui vivait près de Moscou, est décédé dimanche soir d’une insuffisance cardiaque, a annoncé tôt lundi matin son fils Stepan, interrogé par l’Associated Press. Condamné lui-même à huit ans de travaux forcés dans les goulags pour avoir critiqué Staline, déchu de sa nationalité soviétique, il fut contraint de s’exiler en Occident et publia nombre de ses oeuvres à l’étranger: „Le Premier Cercle“, „Le Pavillon des cancéreux“, „L’Archipel du goulag“ (1973) ou encore „La Roue rouge“. Après 20 années d’exil, il fit un retour triomphal dans son pays en 1994.
Né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk (Russie), Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne passe son enfance à Rostov-sur-le-Don, au sud de la Russie, où il fait des études de sciences et de lettres, avant d’être mobilisé pendant la seconde guerre mondiale et de servir comme capitaine d’artillerie. Dans les dernières semaines de la guerre, en 1945, il est arrêté puis condamné aux camps de travail pour complot anti-soviétique, après avoir écrit -selon ses propres dires- „certaines remarques irrespectueuses“ sur Staline, surnommé „l’homme à la moustache“, dans une lettre à un ami. Soljenitsyne y laissait entendre que le gouvernement de l’URSS et Staline lui-même portaient une plus grande responsabilité que Hitler dans les ravages causés par la guerre au peuple soviétique. Il passera sept ans dans un camp de travail dans les steppes interdites du Kazakhstan, puis trois ans en exil intérieur en Asie centrale. Il relatera son expérience du goulag -abréviation soviétique du système des camps de travail, un terme qu’il contribuera à faire connaître dans le monde entier- dans un court roman, „Une journée d’lvan Denissovitch“, dont Khrouchtchev lui-même autorise la parution en 1962 dans le but évident de prendre ses distances avec les abus de la période stalinienne. Cet ouvrage lui confère rapidement la notoriété. Toutefois, après l’éviction de Khrouchtchev en 1964, Soljenitsyne est victime d’une campagne de harcèlement de la part du KGB et de dénigrement de la part de ses pairs qui l’expulsent de l’Union des écrivains soviétiques. Mais il continue à écrire tout en gagnant sa vie comme professeur de mathématiques dans la ville provinciale de Riazan.
Il obtient le prix Nobel de littérature en 1970, alors que sa carrière littéraire débute à peine. Il ne sera pas autorisé à se rendre à Stockholm pour y recevoir son prix. Finalement déchu de sa nationalité, il s’exile d’abord en Suisse puis aux Etats-Unis. Ce n’est que trois ans après son prix Nobel qu’il commence à publier à Paris en 1973 sa célèbre trilogie de „L’Archipel du goulag“, immense fresque du système concentrationnaire en URSS remontant aux premières années de la révolution bolchevique. Cette trilogie laissera nombre de lecteurs en état de choc devant la sauvagerie de l’Etat soviétique sous la dictature de Staline. Elle contribuera également à effacer les persistants relents de sympathie pour l’Union soviétique parmi de nombreux intellectuels de gauche, notamment en Europe. L’Occident lui ouvre grand les bras, lui accorde asile et accolades. Le dissident s’installe avec sa femme Natalia et ses trois fils dans la petite ville de Cavendish, dans le Vermont. Il y séjournera 18 ans au cours desquels il publiera une saga de l’histoire russe en plusieurs volumes, intitulée „La Roue rouge“, une série qu’il considère comme l’oeuvre de sa vie. Mais Soljenitsyne n’hésitera pas, non plus, à heurter ses nouveaux amis de l’Ouest en critiquant, dans son célèbre discours de 1978 à l’Université de Harvard, la culture occidentale pour sa faiblesse et sa décadence.
Finalement, en 1990, le dernier président soviétique Mikhaïl Gorbatchev restitue à Soljenitsyne sa citoyenneté et lève les accusations de trahison pour lesquelles il avait été condamné. Cela permet à l’écrivain de faire un retour triomphal dans son pays en 1994. Arrivé par l’Extrême-Orient russe le 27 mai, il effectue un long voyage en train de 56 jours à travers la Russie afin de se réacclimater à son pays natal. Il s’installera finalement dans une maison en briques rouges avec vue sur la Moskva, dans un faubourg ouest de la capitale. Toutefois, par la suite, il ne cachera pas sa contrariété et sa déception en constatant que la plupart de ses compatriotes n’ont pas lu ses livres.
Au cours des années 90, ses positions nationalistes, sa foi profonde en la religion orthodoxe, sa vision de la Russie comme bastion de l’orthodoxie chrétienne et comme lieu d’une culture et d’une destinée uniques, son dédain du capitalisme et son dégoût des magnats russes qui ont mis la main sur les industries et les ressources du pays après l’effondrement de l’Union soviétique se sont trouvés en décalage avec les opinions en cours dans son pays. Il s’éloignera peu à peu de la vie publique. Le président français Nicolas Sarkozy lui a rendu hommage en saluant „l’une des plus grandes consciences de la Russie du XXe siècle“, „une figure romanesque, héritière de Dostoïevski“ qui „appartient au Panthéon de la littérature mondiale“, une incarnation de la „dissidence“ et de la „résistance à l’oppression“.
Depuis la mort de l’écrivain égyptien Naguib Mahfouz en 2006, Soljenitsyne était le plus vieux prix Nobel de littérature encore en vie. Sa femme et ses trois fils vivent toujours aux Etats-Unis.