Hamilton a enfin réalisé son rêve de gosse

De notre envoyé spécial Hugues Dumont (texte et photos)

La course automobile a débarqué à Goodwood pour la première fois en 1936 dans la propriété privée du Duc de March véritable passionné de mécanique qui avait gagné cinq ans auparavant l’épreuve d’endurance de Brooklands. Il était écrit que ce lieu allait devenir une référence en Angleterre et en 1948 le circuit de Goodwood était inauguré. Seulement quelques légendes comme Jack Brabham, John Surtees ou Stirling Moss vous parlent encore de leurs souvenirs sur l’asphalte de ce circuit qui a accueilli quelques Grands Prix avant de laisser Brand Hatch, Donington ou Silverstone prendre le relais. Cette passion pour la course allait être transmise à son petit fils Charles, l’actuel Duc de March qui s’est employé à perpétuer l’histoire en organisant en 1993 le premier Festival de la vitesse dans sa propriété. L’idée de faire rouler des bolides autour du Château à la fois par leurs propriétaires actuels et par leurs pilotes d’origine pouvait paraître saugrenue et pourtant le succès fut immédiat. Aujourd’hui il faut bien reconnaître que c’est devenu avec les nouvelles technologies l’un des événements planétaires très médiatisé attirant les meilleurs pilotes de toutes disciplines confondues à venir titiller cette piste bosselée le temps d’un week-end. C’est le lieu où collectionneurs, pilotes et constructeurs se retrouvent dans une atmosphère conviviale pour le plus grand bonheur d’un public averti et connaisseur.

„Viva Veloce“

Cette année le thème était „Viva Veloce“ axé autour des grandes pages écrites par l’Italie qui a joué une éminente influence dans ce sport. D’Alfa Romeo à MV Agusta, d’Ascari à Agostini, de Monza à la Mille Miglia, les Italiens ont toujours démontré beaucoup de ferveur. Les constructeurs ont aussi connu leurs heures de gloire: Fangio a dominé le championnat d’après guerre sur Alfa Romeo, Moss s’est battu contre les redoutées Maserati et faut-il le rappeler, Gilles Villeneuve ou Schumacher ont atteint leur apogée chez Ferrari. Enfin les Lancia ont aussi connu leur période de gloire en rallye.

En toute logique donc, la „Goowood House“ était ornée d’une gigantesque sculpture représentant le trèfle à quatre feuilles emblématique d’Alfa Roméo qui célébrait les cent ans de la marque en dévoilant à cette occasion la nouvelle coupé TZ3 Gran Tourismo V8 entièrement fabriqué en fibres de carbone et aluminium. Cette année aussi, le Festival a magnifiquement commémoré les 60 ans du Championnat du Monde de F1 avec les voitures les plus significatives de chaque décennies.

Ainsi les Champions du Monde Surtees, Fittipaldi, Stewart, Häkkinen, Hamilton et Button étaient entourés de Nico Rosberg, Bruno Senna, Heidfeld, Trulli, Kovalainen, Chandhok et Webber pour le plateau 2010 avec pas moins de six écuries présentes dont Ferrari, McLaren, Mercedes GP, RedBull, Lotus et Williams.

Les voitures des années 1950 comportaient entre autres l’Alfa Romeo Tipo 159, Vanwall et BRM. Les années 60 étaient représentées par les Lotus Cosworth 49 et Matra MS 80. Fittipaldi reprit les commandes de sa Lotus de 1972 et de sa McLaren de 1974, suivi par Sir Jackie Stewart et sa Tyrrel de 1973. Ensuite se sont succédées les années 80 „Turbo“ avec les Lotus, Williams et notamment la McLaren MP4/2C de Prost confiée respectivement aux mains de Button et Hamilton. „ C’est peut-être le plus beau jour de ma vie“ confessait le jeune Lewis „car j’ai réalisé un rêve de gamin“ en conduisant la voiture championne du monde de 1985, l’année de sa naissance! Ce sentiment Bruno Senna le comprenait parfaitement car lui aussi a ressenti quelque chose de très spécial en s’installant aux commandes de la McLaren MP4/8 de son oncle Ayrton. Mark Webber particulièrement détendu nous racontait les détails techniques de son envolée au GP de Valence avant d’enchaîner sur le dernier coup marketing organisé par son écurie Red Bull. Quelques heures auparavant, ce dernier avait en effet pris d’assaut les rues de Londres à 6 heures du matin au volant de sa RB6 devant les portes du Palais de Westminster. „C’est très particulier de piloter dans les rues de la capitale à bord d’une F1 si tôt le matin. Les Anglais ont du être réveillés par surprise. Après avoir simulé un arrêt au stand devant Big Ben, je suis reparti en évitant les embouteillages!“

Cars, stars and guitars

Mais clôturons le chapitre des traditionnelles discussions de paddocks que nous connaissons déjà toute la saison durant pour aborder quelques nouveautés apparues au Festival de cette année. Le mot Festival évoque, voire induit la musique. L’idée d’allier automobiles et Rock and Roll a débouché sur le concept pour le moins original de „Cars, stars and guitars“ regroupant une vingtaine de voitures ayant appartenu aux légendes du rock comme cette camionnette VW baptisée „Magic Bus“ du groupe The Who, ou encore des Corvette, Cadillac ou Ford au look californien dont les propriétaires se nomment Prince, Bruce Springsteen, les Beach Boys ou Eric Clapton. Le clou du spectacle fut atteint lorsque après être descendu de leur Chevrolet de 1941 relooké, le guitariste des ZZ Top commença un mini concert à même la piste. Autre innovation apparue cette année est le „Moving Motor Show“, sorte de salon de l’auto interactif permettant aux constructeurs de dévoiler et de faire immédiatement essayer leurs derniers modèles de la gamme de luxe à des acquéreurs potentiels sur invitation. L’opération fut sans conteste réussie à en voir la mine réjouie des vendeurs repartant avec des bons de commande signés en poche. Le même optimisme était ressenti lors de la traditionnelle vente aux enchères du vendredi.

Célébrant les 50 ans du RAC Rallye anglais, une grande place était aussi logiquement réservée à cette discipline avec le „Forest Rally Stage“ qui se dispute sur une piste sélective tracée à travers les bois du domaine sur laquelle Jean Ragnotti, Markko Martin, Kris Meeke ont gratifié les milliers de spectateurs de cabrioles en tout sens sous le regard amusé des vétérans comme Hannu Mikkola et Bjorn Waldegard.

L’endurance n’était pour autant pas oubliée avec la présence d’Alan Mc Nish sur la R15 TDI tout souriant après le triplé inattendu d’Audi au Mans. Marco Werner, Derek Bell, Emmanuelle Pirro, Brian Redman, Vic Elford n’avaient jamais osé pronostiquer un tel podium dans la Sarthe.

Mais s’il fallait résumer cette édition ensoleillée par une phrase, l’honneur en revient au pilote de la jeune écurie de Formule 1 Hispania Racing Team, Karun Chandock qui a déclaré en toute modestie: „J’avais tellement entendu parler du Festival de Goodwood que si Lord March ne m’avait pas invité cette année je pense que j’aurais acheté mon ticket avec mes propres deniers et je serais venu en spectateur!“ Venant d’un des 26 pilotes actuels du plateau 2010 de la discipline reine, il n’y a peut-être pas de plus beau compliment!

INTERNET www.goodwood.co.uk