Laurent Berger avait prévenu: „Cette fois-ci, nous allons casser la baraque!“ Expression à ne pas prendre au pied de la lettre: il ne s’agissait aucunement, dans l’esprit du secrétaire général de la CFDT, d’appeler à des dégradations et/ou des affrontements avec la police – ce n’est pas du tout le genre de sa centrale – mais, plus simplement, de montrer par l’affluence dans les défilés que loin de péricliter, la contestation contre la réforme était plus vivante que jamais.
„Casser la baraque“, c’était sans doute beaucoup dire, sauf à comparer avec le 1er mai de l’an dernier où, dans la division syndicale et un certain calme social, il n’y avait eu que 116.000 participants à l’échelle nationale. Mais enfin, dans la capitale surtout, un peu moins en province, les cortèges ont été fournis, les slogans offensifs, et les mentalités résolues. On a ainsi relevé quelque 17.500 manifestants à Nantes, à Lyon, à Caen, 15.000 à Grenoble et à Brest, 13.500 à Toulouse, 12.000 à Bordeaux, 11.000 à Marseille, 8.000 à Rennes … A Paris, le chiffre s’établissait, hier en fin d’après-midi, à 112.000, soit un niveau proche de celui des plus grandes manifestations des mois passés.
Malheureusement, les blacks blocs, Gilets jaunes et autres groupes de casseurs, notamment en début de cortège, que ce soit dans la capitale ou à Rennes, Nantes, Lyon et d’autres grandes cités encore, étaient eux aussi au rendez-vous. Et ils ont donné à ce qui devait avant tout être une grande démonstration certes revendicative, mais aussi festive, l’allure désormais classique des manifestations à la française, avec scènes de pillage de magasins, incendies de poubelles et saccage du mobilier urbain. Le tout ponctué par des attaques ultra-violentes, avec notamment des mortiers d’artifice et des bombes incendiaires, contre la police, dont plusieurs membres, sérieusement blessés et parfois brûlés, ont dû être hospitalisés.
Faux espoir pour l’exécutif samedi soir …
Le dispositif de sécurité déployé était pourtant important: environ 12.000 policiers et gendarmes sur l’ensemble de la France, éventuellement munis de drones – ce qu’avait finalement autorisé la justice – qui devaient leur permettre de mieux surveiller les assauts des casseurs et protéger les manifestants pacifiques. Lesquels constituaient bien sûr, et comme toujours, l’immense majorité des cortèges, et étaient eux aussi exaspérés par les violences de ces groupes. Les préfets avaient été priés par le ministre de l’Intérieur de gérer les opérations non plus de leur bureau mais sur le terrain, au plus près des forces de l’ordre. Lesquelles, à Paris, ont procédé à environ 80 interpellations.
S’agissant de l’ampleur des manifestations proprement dites, l’exécutif avait pu, samedi soir, nourrir brièvement l’espoir que la journée du 1er mai traduirait le relatif tassement qu’il espérait. L’intersyndicale avait en effet eu l’idée de distribuer à l’entrée du stade où avait lieu la finale de la coupe de France de football (brillamment remportée par Toulouse, vainqueur de Nantes par un 5 à 1 sans appel), des cartons rouges et des sifflets dont les spectateurs étaient invités à faire usage à la 49e minute et 3 secondes du match à destination du président Macron, présent en tribune. Allusion, bien sûr, à ce fameux article 49-3. L’initiative a fait long feu, et s’est finalement révélée plus maladroite qu’ingénieuse, mais sans nuire à la démonstration syndicale d’hier.
Au total, les esprits ne semblent donc pas (encore?) disposés à „tourner la page“, comme les y invitent Emmanuel Macron et son gouvernement. Ce qui ne signifie cependant pas que le dialogue entre les syndicats dits „réformistes“ et Mme Borne ne soit pas sur le point de reprendre: Laurent Berger a indiqué qu’il répondrait „évidemment“ de manière positive à l’invitation qu’il devrait recevoir très bientôt de Matignon; et cela, bien sûr, sans espoir que ce soit pour s’entendre annoncer le retrait de la réforme … Outre la CFDT, Force Ouvrière et la CFTC pourraient en faire autant. Même si c’est, en principe, une décision collective de l’intersyndicale qui doit, ce matin, trancher la question.
De Maart
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