FranceQuand les affrontements entre jeunes tournent à la confrontation meurtrière

France / Quand les affrontements entre jeunes tournent à la confrontation meurtrière
Des jeunes en deuil se rassemblent après la mort par balles de Aymane, un garçon de 15 ans Photo: AFP/Alain Jocard

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Depuis environ deux semaines, il ne se passe guère de jour en France sans que l’actualité soit, concurremment à la situation sanitaire et aux controverses sur l’islamisme, dominée par le récit de violences, assez souvent mortelles, dont tant les acteurs que les victimes sont des adolescents, parfois à peine sortis de l’enfance.

Ce ne sont pas les bagarres, individuelles ou entre bandes de jeunes, qui constituent en soi la nouveauté du phénomène. Même si, assurent les psychologues, les effets du couvre-feu et du confinement (local et partiel) peuvent contribuer à exacerber les passions. Si l’on ose appliquer un tel mot aux motifs souvent dérisoires de tels affrontements: un regard de travers, un microscopique empiétement de territoire du „mauvais“ côté de la rue, un match sportif perdu … Ou, de manière plus romanesque, une amourette entre adolescents de camps opposés, qui tourne au drame de Roméo et Juliette.

De telles rencontres musclées ont toujours plus ou moins existé, et sans être l’apanage de quartiers populaires. Mais ce qui intrigue – et consterne – les observateurs, en revanche, c’est le recours désormais à peu près systématique à l’ultra-violence, le côté Orange mécanique de ces jeunes gens qui se prennent si facilement pour les héros du film si sombre, et malheureusement assez prophétique, de Stanley Kubrick.

Là où les affrontements se soldaient en général par quelques bleus et quelques yeux pochés, voire quelques dents cassées, on sort maintenant les couteaux, les armes à feu, voire les bidons d’essence pour tenter de brûler vive une victime sous les yeux de laquelle on brandit un briquet allumé, comme l’a raconté hier à la télévision une jeune rescapée.

Laissé pour mort

Tel lycéen de quinze ans, lynché par une quinzaine d’autres dans le très bourgeois XVe arrondissement, est laissé pour mort par ses agresseurs; trépané, il a finalement repris connaissance après quinze jours de quasi-coma. Une jeune fille, déjà harcelée par certains condisciples sur les réseaux sociaux, est retrouvée noyée dans la Seine. Dans le département francilien de l’Essonne, une collégienne de 14 ans, Lilibelle, est poignardée à mort à Saint-Chéron, et un garçon du même âge, Toumani, est tué au cours d’une rixe à Boussy-Saint-Antoine.

On n’en finirait plus d’énumérer tous ces actes hyper-violents de ces derniers jours, alors même que, de l’aveu du ministère de l’Intérieur, „les affrontements entre bandes de quartiers ou groupes informels“ s’étaient déjà élevés à 357 en 2020, contre 288 l’année précédente. Ces statistiques globales ne doivent pas masquer deux autres considérations.

La première est que les règlements de compte „professionnels“ entre bandes de jeunes revendeurs de drogue, essentiellement dans les banlieues des grandes villes, sont eux aussi de plus en plus fréquents et violents. Il s’agit presque toujours de fusillades, dont les enjeux sont, pour le coup, économiques. La seconde est que la région parisienne, où vit un Français sur cinq, est particulièrement menacée par la prolifération de ces violences, au point que le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, cherche à y mettre en place un „conseil régional de politique pénale“ pour lutter plus efficacement contre le phénomène.

Mais la lancinante question qui hante le pouvoir, c’est: Que faire? Car les gouvernants comme la société civile se sentent terriblement impuissants quand les coupables sont des adolescents, souvent issus de milieux défavorisés, sur lesquels les „rappels à la loi“ qui tiennent souvent lieu de sanction n’ont évidemment aucune prise, mais que nul n’a envie pour autant d’envoyer s’endurcir encore en prison.