FranceMacron va rouvrir jusqu’à Noël les négociations sur la réforme des retraites

France / Macron va rouvrir jusqu’à Noël les négociations sur la réforme des retraites
Les syndicats ont manifesté hier dans plusieurs villes en France, comme ici à Marseille, pour le renforcement du pouvoir d’achat Photo: AFP/Nicolas Tucat

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Le gouvernement français a annoncé hier qu’il lançait une nouvelle (et sans doute dernière) tentative pour faire enfin aboutir le projet présidentiel de réforme des retraites, qui traîne depuis cinq ans. Cette annonce, faite par la première ministre elle-même, faisait suite à un long dîner élyséen avec les principaux ministres concernés et les chefs de file de la majorité macronienne.

La tonalité de la communication de Mme Borne se veut optimiste, en se fondant sur deux considérations. D’une part, elle exclut finalement tout recours immédiat à un „passage en force“ parlementaire pour cette réforme condamnée par tous les syndicats, ainsi que par les partis de gauche et d’extrême droite, sans être pour autant approuvée par la droite modérée. D’autre part, elle ouvre une nouvelle période de concertation avec les partenaires sociaux, avec l’ambition d’aboutir „avant Noël“ à un compromis raisonnable. Double ouverture apparente, donc – mais aussi double problème.

Le premier est que la concertation en question dure en fait depuis la première arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, en 2017. Et les adversaires politiques et syndicaux du projet n’ont jamais varié dans leur opposition radicale à toute tentative de remonter l’âge de la retraite jusqu’à 64 ou 65 ans; ce sur quoi, de son côté, l’exécutif n’entend pas davantage reculer aujourd’hui qu’hier. Comment espérer que ce double „non“ pourrait se muer en „oui“ d’un côté ou de l’autre, en accordant un peu moins de trois mois supplémentaires à ce dialogue de sourds?

Un „passage en force“ tout juste différé?

Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, l’a encore redit hier après-midi, au début d’une nouvelle „manifestation pour le pouvoir d’achat“ qui en annonce d’autres: „Si le gouvernement ne renonce pas à son projet de hausse de l’âge de la retraite, nous quitterons aussitôt les négociations, nous qui demandons au contraire qu’il soit abaissé.“ Sans être aussi radicales, les autres centrales campent à peu près sur la même position.

Si le gouvernement ne renonce pas à son projet de hausse de l’âge de la retraite, nous quitterons aussitôt les négociations, nous qui demandons au contraire qu’il soit abaissé.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT

Et le dispositif esquissé pour éviter de les prendre de front – une remontée progressive de l’âge de la retraite par tranches de six mois pour aboutir à 65 ans d’ici quelques années – ne semble guère de nature à les faire changer d’avis, surtout en y ajoutant la fin des „régimes spéciaux“ si favorables à certains secteurs fortement syndicalisés, la SNCF notamment.

Second problème: ce fameux „passage en force“, autrement dit l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur son texte (qu’il s’agisse d’un nouveau projet de loi ou d’un amendement au budget de la Sécurité sociale), s’il est certes écarté pour les semaines qui viennent, pourrait tout de même bien s’imposer début janvier si, décidément, aucun accord n’est trouvé avec l’opposition et les syndicats. Dire qu’il „n’en est plus question“ aujourd’hui relève donc, au mieux du vœu pieux, au pire du mensonge tactique.

Pari risqué

Selon l’article 49-3 de la Constitution française, en cas d’engagement de la responsabilité gouvernementale en faveur d’un texte qui ne trouve pas de majorité parlementaire, une motion de censure peut être déposée; si elle échoue, le texte est réputé adopté, mais dans le cas contraire le gouvernement est renversé. Or pour marquer sa détermination à faire aboutir sa réforme, le président Macron a affirmé, mercredi soir au cours de ce dîner à l’Elysée, que dans un tel cas il dissoudrait l’Assemblée et convoquerait de nouvelles élections. Si cela n’est pas une perspective de „passage en force“…

Cette éventualité avait été critiquée par deux personnages importants de la majorité présidentielle: le président du MoDem centriste, François Bayrou, qui estimait qu’on irait ainsi „droit dans le mur“, et la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui défendait assez logiquement le principe d’un vrai débat pour les députés. Toujours au cours de ce dîner élyséen, la possibilité de voir les Républicains – plutôt favorables à un relèvement de l’âge de retraite à 65 ans – a aussi été évoquée, le ministre des Relations avec le Parlement, Frank Riester, estimant possible de convaincre au moins certains d’entre eux de rallier la position du gouvernement. Mais la plupart des intervenants ont semblé sans grande illusion à cet égard.

Quant au chef de l’Etat lui-même, il a conclu assez sèchement, selon plusieurs intervenants: „Vous n’arriverez pas à me démontrer l’intérêt qu’il y aurait à attendre encore.“ Le calendrier est donc désormais arrêté: de nouvelles négociations jusqu’à la fin décembre s’il le faut, mais pas plus avant; puis un texte gouvernemental finalisé en janvier, voté (ou pas…) dans la foulée, et, s’il est adopté, une mise en application au mois de juillet. Tout reste évidemment possible, mais le pari est risqué.