Suspendu une première fois lundi soir à la suite d’un vote où les députés de la majorité présidentielle étaient, vers minuit, en nette minorité, le débat parlementaire destiné à valider l’instauration du passe vaccinal en France a été laborieusement repris mardi soir, et lui aussi interrompu après qu’eut circulé dans l’hémicycle du Palais-Bourbon le texte d’un entretien d’Emmanuel Macron avec le quotidien Le Parisien.
Incroyable amateurisme, surtout après presque cinq années de pouvoir, ou bien choix délibéré d’une stratégie de la tension? Les observateurs n’en finissent plus, dans l’Hexagone, de se poser la question, la première réponse n’excluant d’ailleurs pas forcément la seconde. Difficile en tout cas, pour un pouvoir quel qu’il soit, en démocratie, de saboter plus méthodiquement le débat parlementaire sur un texte qu’il présentait pourtant comme essentiel. Et des plus urgents, puisqu’il est censé entrer en vigueur le 15 janvier prochain.
Première bévue: cette soirée du 3 janvier que tout annonce longue, très longue; et où, constatant qu’il reste quelque 500 amendements à discuter, le ministre de la Santé, qui est là pour défendre son texte, soumet au vote des députés, conformément au règlement de l’Assemblée nationale, l’idée de prolonger les débats en séance de nuit. Procédure assez banale, mais l’opposition, toutes tendances confondues, et constatant qu’elle est très largement majoritaire dans l’hémicycle, va voter contre.
La présidente de séance n’a plus qu’à en prendre acte, et à lever la séance, sous des applaudissements frénétiques qui vont de l’extrême droite à l’extrême gauche, mais à la consternation du ministre, mais aussi des trop peu nombreux élus macronistes encore présents à cette heure tardive. Le lendemain matin, mardi, donc, mobilisation générale sur toutes les chaînes de télévision et toutes les radios: les ministres macronistes, dûment dotés par l’Elysée d’„éléments de langage“, comme on dit, n’ont pas de mots assez sévères pour fustiger „l’irresponsabilité“ et „le petit jeu partisan“ de la droite et de la gauche contre le projet gouvernemental. Mais dans toute l’opposition, on se gausse de l’„amateurisme absolu“ de la majorité parlementaire, qui n’a pas su en être vraiment une quand le gouvernement qu’elle soutient avait tellement besoin d’elle.
Auto-dégradation de l’image présidentielle
En fin d’après-midi, le débat reprend enfin; cette fois-ci, les rangs macronistes sont pleins à craquer: promis, on ne leur refera plus le coup! Si ce n’est qu’en début de soirée commence à se répandre dans les travées des députés le texte de déclarations de Macron au journal Le Parisien. Déclarations étonnamment agressives et vulgaires, où le chef de l’Etat affiche son ambition de „continuer à emmerder les Français anti-vaccination“, dont il déclare un peu plus loin qu’à ses yeux, ils „ne sont plus des citoyens“.
Formule qui, dans la bouche du premier magistrat de France, prend une signification terrible, et juridiquement indéfendable, quoi que l’on pense de leur absurde refus de la vaccination. D’où un tumulte dans l’hémicycle, conduisant le président de séance à constater que „les conditions d’un débat serein ne sont plus réunies“, et donc à suspendre à son tour la séance, laquelle ne sera reprise qu’hier après-midi.
Macron s’exprime ici comme la grande bourgeoisie peut imaginer qu’il convient de parler au „peuple“: outre le verbe „emmerder“ (déjà employé par Pompidou, il est vrai, mais en privé), il menace les récalcitrants de ne plus pouvoir aller „boire un canon“, ni se rendre „au resto“ ou „au ciné“ … Singulière auto-dégradation d’une image, à moins qu’il ne s’agisse d’un racolage populiste, de toute façon indigne d’un locataire de l’Elysée. L’opposition s’est évidemment déchaînée contre ce dérapage multiple. Et beaucoup de citoyens pourraient bien avoir eu le sentiment que, pour reprendre le titre d’un livre qui avait en son temps achevé un Hollande déjà politiquement moribond, „un président ne devrait pas dire ça“.
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