FranceL’héritage de Mitterrand ne suffit plus à un PS en lambeaux pour survivre

France / L’héritage de Mitterrand ne suffit plus à un PS en lambeaux pour survivre
Il y a 40 ans aujourd’hui, Mitterrand était élu président de la République Photo: AFP/Jean-Claude Delmas

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Il y a exactement 40 ans ce lundi, le 10 mai 1981, François Mitterrand, était élu président. Pour la première fois sous la Ve République, un homme de gauche s’installait à l’Elysée, où il allait rester 14 années. Un souvenir que les socialistes d’aujourd’hui célèbrent avec des sentiments mitigés, compte tenu de l’état actuel du PS, et de l’ensemble de la gauche.

Sans doute le temps qui passe tend-il à embellir quelque peu les règnes passés. Mais tout de même: comparée à l’allégresse de ce soir historique, où tant de choses semblaient possibles – et nombre d’entre elles le devinrent en effet – comment ne pas juger que la situation actuelle de la gauche française en général, et celle des socialistes en particulier, évoque plus un champ de ruines qu’un lendemain triomphant?

Pourtant, l’héritage de ce double septennat comporte nombre de mesures positives, et sur lesquelles les gouvernements suivants, y compris les plus marqués à droite, n’ont pas souhaité ou osé revenir. La plus spectaculaire, peut-être parce que la plus immédiate, fut l’abolition de la peine de mort dès octobre 1981, sous l’impulsion d’un ministre de la Justice exceptionnel, Robert Badinter. S’y ajoutent de grandes réformes sociales, elles aussi actées durant les débuts du premier septennat, avec le gouvernement de Pierre Mauroy: la 5e semaine de congés payés, la retraite à 60 ans, la semaine de travail de 39 heures, puis avec Michel Rocard le RMI (Revenu minimum d’insertion), des hausses successives du SMIC …

Habileté politicienne

Sur le terrain plus politicien, Mitterrand a eu l’habileté, en embauchant plusieurs ministres communistes au nom de l’union de la gauche, de donner au PCF non un redoutable marchepied comme le prédisait la droite, mais au contraire „le baiser qui tue“: confronté aux réalités de la gestion quotidienne, le parti n’a pas tardé à s’en retirer après avoir pâti, électoralement, de l’expérience. Il a aussi su gérer deux cohabitations avec la droite (Jacques Chirac puis Edouard Balladur) après avoir perdu les législatives de 1986 et 1993.

Sur la scène internationale, de même, le bilan mitterrandien est au total des plus honorables, en tout cas pour qui a le cœur européen. Son alliance avec Helmut Kohl, chancelier allemand de droite qui avait de son côté l’intelligence de s’appuyer sur ce président français de gauche, a poursuivi celle, à revers elle aussi, de Giscard et Schmidt en faveur de la consolidation des institutions européennes; avec, à la tête de la Commission de Bruxelles, la complicité éclairée d’un de ses anciens ministres les plus solides, Jacques Delors.

Naturellement, l’énigmatique Mitterrand avait sa part d’ombre, des ambiguïtés politiques de son lointain passé à ses secrets (d’alcôve notamment) les plus contemporains. Mais le fort déclin politique de ses successeurs, largement amorcé par la morne parenthèse Hollande entre 2012 et 2017, tient surtout à des causes plus profondes, outre un certain recul quasi-général de la social-démocratie en Europe.

L’abandon des valeurs traditionnelles

Il y a d’abord le fait qu’une partie de la gauche modérée, dont le PS était l’expression électorale la plus massive, a peu à peu délaissé, sans même s’en rendre compte, les valeurs qui avaient longtemps été considérées comme typiquement de gauche: la défense de la classe ouvrière, y compris sa sécurité au jour le jour, le combat contre les excès du libéralisme économique, la laïcité – aujourd’hui menacée non plus par les catholiques ,ultras‘ de type IIIe République, mais par l’islamisme politique – ainsi que l’école publique de qualité, et même, sinon le nationalisme bien sûr („Il porte la guerre“, avait dit Mitterrand), du moins le ,roman national‘, celui des Soldats de l’An II et de la Résistance …

Or ce sont des valeurs que l’extrême droite a reprises sans vergogne, toute honte historique bue. Et avec succès: aujourd’hui, c’est chez les ouvriers que le lepénisme trouve ses plus gros bataillons, suivi par la droite classique et par les macronistes. Et puis, à l’intérieur de la gauche, le PS, aujourd’hui en lambeaux, se trouve soumis à une double concurrence meurtrière: celle des Verts, qui séduisent les déçus, et celle de Jean-Luc Mélenchon qui, même en perte de vitesse, attire, dans un contexte de liquéfaction du PCF, ceux qui veulent encore croire à la révolution.

A quoi s’ajoute évidemment la stratégie d’Emmanuel Macron de double dislocation de la droite et de la gauche. Pour l’instant, elle a fort bien fonctionné. Le risque étant, pour le président sortant, de mesurer bientôt combien risquent de lui manquer et l’une, et l’autre, face à Marine Le Pen.