Les Européennes: un nouveau face-à-face Macron-Le Pen

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Malgré un nombre record de listes déposées – on en compte 33 de toutes tendances dans la circonscription unique désormais en vigueur pour les élections européennes – la préparation du scrutin du 26 mai peine décidément à passionner les Français, ou même, plus simplement, à les intéresser. Le phénomène n’est pas nouveau, mais son ampleur contraste avec l’importance de l’actualité européenne, et laisse craindre une forte abstention.

De notre correspondant Bernard Brigouleix

Il est vrai que rarement l’Europe aura semblé aussi éloignée du débat électoral que cette fois-ci, même si tous les partis se sont efforcés de présenter aux électeurs analyses et propositions. Car le véritable enjeu du 26 mai semble se limiter, à deux semaines de la consultation, à la question de savoir si c’est la liste soutenant le président Macron, qui rassemble des candidats de La République en marche et des centristes du MoDem, qui arrivera en tête, comme cela lui semblait promis il y a quelques mois encore, ou si, finalement, c’est celle du Rassemblement national qui la devancera.

La première est conduite par l’ancien ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau, qui à ce titre connaît bien ses dossiers mais manque à l’évidence de tout charisme, et la seconde par un jeune inconnu de 23 ans, Jordan Bardella, porte-parole du parti lepéniste. Les sondages sont pour l’instant incapables de les départager clairement, les situant l’une et l’autre autour de 22% des intentions de vote, avec même, désormais, un très léger avantage à la liste d’extrême droite.

Un référendum sur le président?

De cette situation, qui semble vouloir rejouer – mais à un seul tour cette fois-ci, ce qui est fort différent de la présidentielle – le match Macron – Le Pen de 2017, l’homme de l’Elysée porte, il est vrai, une bonne part de responsabilité. En martelant l’idée selon laquelle le scrutin européen allait en fait opposer „les progressistes“, c’est-à-dire ses partisans, incarnant le camp du Bien, à un ensemble de conservateurs, réactionnaires et autres populistes, rassemblés dans celui du Mal, il l’a transformé en une sorte de référendum pour ou contre lui-même, à un moment où il n’y avait vraiment pas intérêt.

Et comme le Rassemblement national (ex-FN) de Marine Le Pen arrivait déjà, de toute façon, en tête des formations de l’opposition, ce positionnement a conduit – en tout cas dans les sondages – beaucoup d’électeurs qui ne sont pourtant pas d’extrême droite à déclarer malgré tout une préférence pour celle-ci. D’autant plus que le mouvement lepéniste s’ingénie à capitaliser à la fois sur les craintes à l’égard des risques migratoires affrontés par l’Union européenne, et sur un mécontentement persistant de beaucoup de Français à l’égard de la politique présidentielle et gouvernementale.

Cela alors même qu’en deux vagues d’annonces faites par Emmanuel Macron, ce sont pourtant, au total, quelque 16 à 20 milliards d’euros, selon les estimations des économistes, qui ont été promis aux électeurs pour améliorer leur pouvoir d’achat. Et que le mouvement des „gilets jaunes“ s’essouffle, pour ne pas dire s’effondre, samedi après samedi – on l’a encore constaté le week-end dernier – mais après avoir infligé à l’image présidentielle de lourds dégâts. Certes, leur présence dans les enquêtes d’opinion s’évapore, y compris lorsqu’il s’agit de tester les suffrages qu’ils pourraient recueillir aux européennes; mais leur colère nourrit désormais, pour une part non négligeable, la campagne des lepénistes.

L’opposition hors-RN toujours très basse

A quoi s’ajoute la médiocrité persistante des scores obtenus dans les sondages par les autres formations de l’opposition. A commencer par les deux plus grandes d’entre elles en dehors du RN, à savoir les Républicains et La France insoumise. Les amis de Laurent Wauquiez sont conduits par un jeune professeur de philosophie de la très chic ville de Versailles, François-Xavier Bellamy, qui assume son conservatisme résolu avec un certain allant après que sa désignation eut suscité bien des grognements dans son propre parti, mais qui ne parvient pas à faire décoller sa liste des 13 à 14% d’intentions de vote – il vient, il est vrai, de moins de 10. Les mélenchonistes, quant à eux, ont pour chef de file Manon Aubry, jeune et politiquement inexpérimentée elle aussi, qui vient de se hisser à 10% dans le dernier sondage, devançant désormais clairement la liste Ecologie-Les Verts, créditée de 7%.

Mais l’élément le plus frappant de cette campagne européenne, du côté de l’opposition, pourrait bien être le très faible score de la gauche non extrême, qui ne parvient décidément pas à se remettre de l’effondrement du PS: celui-ci, pourtant allié à d’autres petites forces de gauche dans une liste conduite par une personnalité extérieure, Raphaël Glucksmann, est actuellement donné au-dessous de la barre des 5% qui permet d’avoir des élus au Parlement européen. La liste de Benoît Hamon, qui était le candidat socialiste à la dernière élection présidentielle, ne dépasse pas 3% dans les sondages, celles des communistes du PCF 2, celle des trotskistes de Lutte ouvrière 1 …

Et d’une manière générale, les „patrons“ des partis les plus importants se sont bien gardés, à droite comme à gauche, de conduire eux-mêmes leur liste. Certes, la loi française, qui en cas d’élection les obligerait à renoncer soit à ce nouveau mandat, soit à un autre qu’ils détiennent déjà, n’y est pas étrangère. Mais on ne saurait mieux signifier tout de même que pour la classe politique française, ce scrutin n’est pas un tremplin réellement valorisant, ni le Parlement européen un „vrai parlement“.