FranceLa surenchère droitière de LR sur l’immigration va parasiter le projet de loi macroniste

France / La surenchère droitière de LR sur l’immigration va parasiter le projet de loi macroniste
Elisabeth Borne devra présenter au mois de juillet le projet de loi sur l’immigration du gouvernement au conseil des ministres Photo: AFP/Emmanuel Dunand

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A peine sorti de son laborieux combat pour imposer sa réforme des retraites, le gouvernement français doit affronter une nouvelle épreuve: celle d’une réforme de la législation sur l’immigration. Avec, cette fois-ci, une redoutable surenchère des Républicains, qui viennent de déposer une proposition de loi prenant de court sur le sujet la majorité macroniste.

Celle-ci avait prévu, après différentes consultations qui doivent avoir lieu sous la houlette de la première ministre, de présenter son propre projet, annoncé comme global et ambitieux, en conseil des ministres au mois de juillet, puis au Parlement en septembre. Encore s’agissait-il là d’une accélération du calendrier initial, puisque Mme Borne avait d’abord constaté que faute de majorité au Palais-Bourbon, les premiers travaux pourraient ne débuter qu’à l’automne.

Certes, Matignon pourrait théoriquement se contenter d’ignorer cette tentative de court-circuitage de la part de la droite. Mais celle-ci annonce qu’elle ne votera aucun autre projet que le sien propre, si ce n’est, à la rigueur, un texte qui en reprendrait tout l’essentiel. Et ne pas prendre en compte cette menace constituerait pour les macronistes une redoutable imprudence.

Car après le passage de la réforme des retraites en utilisant l’article 49-3 de la Constitution, autrement dit sans vote explicite sur le texte du gouvernement, un nouveau recours à ce dispositif, certainement inévitable si les élus LR ne ralliaient pas la majorité relative, serait certes toujours légal, mais politiquement calamiteux. Surtout à propos d’un sujet aussi sensible.

Des conditions beaucoup plus restrictives

Or les intentions des Républicains, telles qu’elles ont été présentées conjointement par les présidents des deux groupes parlementaires, Olivier Marleix pour l’Assemblée et Bruno Retailleau pour le Sénat, et celui du parti, Éric Ciotti, sont considérablement plus sévères que celles que l’on peut prêter aux macronistes, jusqu’à présent du moins. Leur but déclaré n’est pas (encore?) d’imposer une véritable „immigration zéro“, mais les restrictions qu’ils prônent n’en sont pas moins spectaculaires.

Elles supposent en outre, sur le plan juridique, une révision constitutionnelle qui permettrait d’organiser un référendum sur la politique migratoire, et de déroger à la primauté des traités et du droit européen (accusé d’empêcher les États-membres de mener à leur guise leur propre politique migratoire), „quand les intérêts fondamentaux de la Nation sont en jeu“, ou encore à élever au rang constitutionnel le principe d’assimilation. On est évidemment loin, sur ce terrain, des principes défendus par le chef de l’Etat, mais aussi de ceux de beaucoup d’élus, militants et électeurs de la droite modérée.

Ce raidissement des Républicains répond manifestement à deux ambitions tactiques. La première est sans doute une des conséquences collatérales de la bataille autour de la réforme des retraites. Au fil de ses péripéties parlementaires, on a vu le parti LR hésiter entre le ralliement ponctuel sans enthousiasme, l’abstention maussade et le vote contre le gouvernement – y compris lors du scrutin sur la motion de censure. Déjà mal en point depuis l’élection d’Emmanuel Macron, puis sa réélection, où leur propre candidate a recueilli le score calamiteux de 4,78% des voix, les Républicains ont donc le plus urgent besoin d’afficher une unité retrouvée.

Le calcul des Républicains

Leur démarche sur l’immigration, pense la direction du mouvement, peut le leur permettre, tout comme elle devrait montrer, si finalement le gouvernement reprend leurs propositions très droitières, que ce ne sont pas eux qui rallieront la Macronie, mais l’inverse. Tout en leur permettant de mettre un terme à un certain nombre de tentatives de débauchage par le Rassemblement national, dont l’immigration est justement un des thèmes de propagande favoris, de leurs propres élus nationaux ou locaux, mais aussi de leurs électeurs.

En second lieu, les dirigeants de LR sont convaincus que le projet macronien de réforme de l’immigration apparaîtra à une grande majorité de Français comme un énième et inefficace filet d’eau tiède. C’est d’ailleurs un risque que le ministre des Finances, ex-LR Bruno Le Maire, semble prendre très au sérieux: il a exhorté cette semaine ses amis macroniens, lors d’une réunion interne, à „se défier de toute naïveté et de tout angélisme“.

Mais le pari de ses anciens amis politiques est que s’ils refont leur unité, et osent (selon, hélas, la vieille formule de Jean-Marie Le Pen …) „dire tout haut ce que les gens pensent tout bas“, les LR seront alors en mesure de compter pleinement de nouveau sur la scène nationale, dans la perspective des prochains scrutins. Au prix, il est vrai, d’une surenchère qui, en particulier sur les rapports avec l’Europe, pourrait bien faire des dégâts dans leurs propres rangs …