FranceLa police manifeste publiquement sa colère

Des dizaines de milliers de policiers français, essentiellement parisiens, se sont rassemblés hier dans la capitale devant l’Assemblé nationale, pour manifester leur inquiétude et leur colère face à la spectaculaire multiplication des meurtres dont ils sont victimes, et de la (relative) impunité dont jouissent les délinquants qu’ils peuvent intercepter, de la part de la justice.

Pour une fois, on serait tenté de noter avec un peu de malice que le nombre de manifestants tel que revendiqué par les organisateurs, et celui comptabilisé par la police, auront été le même: de l’ordre de 45.000 personnes.

Chiffre très élevé pour un rassemblement de policiers en colère, mais qui aurait pu être sensiblement plus élevé encore: nombre de responsables politiques, y compris à gauche, avaient choisi d’y participer symboliquement – en fait, à peu près tous les partis sauf celui de La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui poursuit dans une solitude croissante son combat contre les „forces de l’ordre“, autrement dit la police et la gendarmerie.

A quoi s’est ajouté le fait que, convoquée à 13 heures, cette manifestation coïncidait, pour les Parisiens, probablement assez nombreux, qui auraient pu souhaiter y participer eux aussi, avec l’heure du premier déjeuner redevenu possible – en terrasse seulement, pour l’instant – par la nouvelle phase du déconfinement des bistrots et restaurants. S’y est ajoutée, peu avant l’heure dite, une véritable trombe d’eau sur la capitale: ni les dieux du calendrier sanitaire, ni ceux de la météo, n’étaient hier à Paris du côté des policiers en colère. De sorte qu’au total, ce rassemblement reste tout de même un succès.

Paradoxe – qui y aura sans doute contribué: le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est joint aux manifestants en début de réunion, au risque de s’entendre reprocher certains aspects de la politique gouvernementale en la matière. Celui qui se veut traditionnellement le „premier flic de France“ pouvait-il échapper à cette obligation morale? Sans doute pas; mais dans la mesure où c’est souvent le laxisme de la Justice, prétendu ou réel, qui est visé par les policiers en colère, la position de M. Darmanin vis-à-vis de son collègue garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, semblait hier soir un peu étrange … Surtout si l’on songe que tous les deux sont non seulement membres du même gouvernement, mais aussi candidats dans les Hauts-de-France (dont ils sont l’un et l’autre originaires) pour les élections régionales des 20 et 27 juin sur les listes macronistes …

Tous les sondages confirment en tout cas ce que les événements récents démontrent jour après jour: la sécurité sera l’un des thèmes majeurs – voire le thème essentiel – de l’élection présidentielle de l’an prochain. Sans doute dans sa composante islamiste, ce qui renverra au débat sur l’immigration; mais aussi, plus simplement, dans sa dimension de tous les jours: celle de la tranquillité des citoyens de base, à commencer par les plus modestes d’entre eux, ceux qui peuplent les banlieues.