FranceContre l’inflation, Paris veut autoriser la vente à perte des carburants

France / Contre l’inflation, Paris veut autoriser la vente à perte des carburants
Les stations-service ne sont pas trop enclines de vendre leurs carburants à perte Photo: AFP/Valentine Chapius

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Le gouvernement français, confronté à une inflation qui ne faiblit pas, et en particulier à une nouvelle flambée des prix de l’énergie, pensait avoir trouvé une façon de faire au moins baisser le „tarif à la pompe“ de l’essence et du gazole: on en diminuant les taxes très élevées que l’Etat perçoit sur les produits pétroliers, mais en demandant tout simplement aux stations-service de … vendre à perte.

Mauvaise idée, semble-t-il. En tout cas, jugée comme telle, et parfois en termes sensiblement plus virulents, par tous les économistes indépendants. Mais il s’agissait, pour le ministère des Finances, de prendre à leur propre jeu les gros distributeurs (essentiellement Total et les supermarchés, qui vendent déjà les carburants à prix coûtant ou peu s’en faut, considérant qu’il s’agit d’un produit d’appel, qui dynamise la vente en rayons), puisqu’ils rappelaient jusque-là, en feignant de le déplorer, que toute vente à perte est, en France, interdite par une loi datant de 1963 et destinée à empêcher le dumping.

La première ministre, Mme Borne, a donc mis en chantier un projet de loi pour la session dautomne, qui permettra, s’agissant exclusivement des carburants, de lever de manière dérogatoire cette interdiction pour six mois, à compter du 1er décembre. Des voix gouvernementales expliquant même benoîtement que la ristourne ainsi opérée pourrait, pour les consommateurs, atteindre, voire dépasser, les 50 centimes par litre! Lequel coûte actuellement, d’un point de vente à l’autre, très couramment plus de 2 euros, voire plus de 2,20 sur les autoroutes et à Paris.

Un tel rabais volontaire, de la part des stations-service, était, de toute façon, inenvisageable jusqu’à l’absurde, même pour les grands groupes et à plus forte raison pour les petits points de vente indépendants. Lesquels se sentaient déjà très menacés par un rabais supplémentaire minime dans la foulée des grandes surfaces: eux-mêmes ne gagnent guère qu’un ou deux centimes par litre vendu et auraient, selon les calculs aussitôt faits, perdu au contraire entre 20 et 40 euros par jour. Autrement dit, nombre de ces petites stations-service – il en existe encore un peu plus de 5.700 en France – auraient dû fermer.

Et cela au grand dam des habitants de cette „ruralité“ que les pouvoirs publics disent au contraire vouloir sauver de l’enclavement, du déclin et finalement de la désertification. Ayant pris conscience de cette évidence, le ministère des Finances, qui expliquait naguère encore qu’il en était bien fini d’une telle politique, a précipitamment annoncé que des aides publiques seraient finalement versées à ces distributeurs individuels pour compenser leurs pertes. Ceux-ci, ponctionnés d’une main par l’effet d’une décision de l’Etat, seraient donc remboursés de l’autre: difficile de ne pas y voir une „politique de gribouille“.

Le souvenir des Gilets jaunes

Peut-être, il est vrai, l’exécutif reste-t-il aussi hanté par le souvenir de la coûteuse révolte des Gilets jaunes, justement fondée sur ce genre de situation. Mais de toute façon, le coup de grâce à cette initiative gouvernementale pourrait bien avoir été porté dès hier par les grands distributeurs eux-mêmes, qui ont fait savoir que, nouvelle loi ou pas, ils n’envisageaient aucunement de vendre le carburant à perte.

Après les chèques carburant, les ristournes à la pompe subventionnées par l’Etat, les pressions exercées sur Total pour plafonner le prix du litre, tous carburants confondus, sous les 2 euros jusqu’à la fin de l’année, le gouvernement croyait avoir trouvé une nouvelle arme contre la hausse des produits pétroliers. Et, au-delà, contre une inflation persistante, des denrées alimentaires en particulier, à laquelle la hausse des prix de l’énergie n’est d’ailleurs pas étrangère, tant s’en faut.

Mais l’exécutif est d’autant moins bien armé pour lutter contre cette inflation, sur les différents terrains où elle s’exerce, que la dette publique française, après les largesses consenties, notamment, pour compenser les effets économiques du Covid, ainsi que pour calmer bien des revendications, atteint le sommet vertigineux de quelque 3.015 milliards d’euros, soit plus de 112,5 pour cent du produit intérieur brut. Et l’arme fatale pour domestiquer l’envolée des prix, manifestement, reste encore à trouver.