Appel à l’insurrection25 généraux en retraite dénoncent le „délitement“ de la France

Ses signataires y dénoncent „le délitement de la patrie“ et y évoquent la possibilité d’une „intervention de nos camarades d’active“ (donc les militaires encore en service) dans le but de protéger „nos valeurs civilisationnelles“.

C’est surtout cette dernière formule qui a fait réagir la classe politique, à commencer par la ministre des Armées, Florence Parly, que cette tribune a, selon la formule qu’elle a employée hier sur France-Info, „fait bondir“. Plusieurs des auteurs du texte incriminé ont, depuis sa publication, précisé qu’il s’agissait dans leur esprit non d’appeler à l’insurrection contre le pouvoir légal, mais de souligner que la dégénérescence de la situation, et singulièrement de l’ordre public, risquait de conduire le gouvernement à en appeler à la troupe.

Hypothèse à laquelle, si l’on adopte cette lecture-là de leur diatribe, et si l’on comprend bien, ils seraient au contraire hostiles. „Ce n’est pas le rôle de l’armée“, a même concédé l’un d’entre eux, le général Fabre-Bernadac. Il n’empêche: ce dernier, et plusieurs autres co-auteurs hauts gradés, ont connu depuis leur retraite différents engagements politiques à l’extrême droite, principalement dans les rangs ou dans la mouvance du Rassemblement national de Marine Le Pen.

Laquelle a d’ailleurs pressé l’ensemble des militaires ayant signé la tribune de la „rejoindre dans la bataille pour la France“, ajoutant: „Je souscris à vos analyses et partage votre affliction.“ Petite touche supplémentaire: si ce texte a été finalisé le 13 avril, Valeurs Actuelles a tenu à le publier le 21, soit 60 ans jour pour jour après le putsch des généraux d’Alger contre de Gaulle … Même tonalité chez Nicolas Dupont-Aignan, à la tête de son mouvement lui aussi très droitiste „Debout la France“, qui a jugé cette tribune „excellente“ et même … „très modérée“.

Le texte ne brille pourtant vraiment pas par sa modération. Il dénonce par exemple „le délitement qui, avec l’islamisme et les hordes de banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre Constitution“. Et aussi le fait que „le pouvoir utilise les forces de l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en gilets jaunes exprimant leur désespoir“.

Autant d’idées qui en situent certes assez clairement les auteurs, mais dont on ne saurait se cacher qu’elles peuvent aussi trouver un certain écho dans des fractions moins extrémistes de l’opinion. Mais à l’extrême gauche, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon y voit au contraire une „provocation à la désobéissance des militaires“, et a demandé au procureur de la République Rémy Heitz de „se saisir de cet appel à l’insurrection“ et d’engager des poursuites contre l’hebdomadaire qui l’a publié.

Mme Parly, pour sa part, compte faire éplucher attentivement la liste des signataires, qui seraient désormais plus de 3.500 militaires de tous grades, pour sanctionner ceux qui seraient encore d’active. Seuls en effet ces derniers sont tenus par leur statut à un absolu devoir de réserve; les généraux retraités qui sont à l’origine de cette tribune soulignent d’ailleurs à l’envi, de leur côté, qu’ils sont redevenus des citoyens de base ayant bien le droit de publier leurs analyses. Mais ils mettent cependant tous en avant leur grade et leurs fonctions passées, ce qui ne peut évidemment que renforcer le malaise – et, dans bien des milieux, le scandale – suscités par leur démarche.