Dienstag21. Oktober 2025

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FranceSarkozy est incarcéré depuis mardi à la prison de la Santé

France / Sarkozy est incarcéré depuis mardi à la prison de la Santé
Nicolas Sarkozy fait ses adieux à sa famille et à ses fidèles venus à sa rencontre mardi matin Photo: AFP/Julien de Rosa

Nicolas Sarkozy a été incarcéré mardi matin à la prison parisienne de la Santé, en application du jugement qui, le mois dernier, l’avait condamné à cinq ans de prison ferme avec exécution immédiate et cent mille euros d’amende pour „association de malfaiteurs“, bien que le tribunal eût paradoxalement reconnu sans fondement les trois premières accusations qui, selon lui, justifiaient la quatrième (voir Tageblatt du 26 septembre).

Très vive il y a quatre semaines, la polémique ouverte par cette condamnation s’est certes un peu essoufflée, mais la journée de mardi aura montré qu’elle n’était pas éteinte. Il est vrai que, quelque regard que l’on porte sur la personnalité de Nicolas Sarkozy et son ambition peu regardante, le motif de sa condamnation avait laissé un certain malaise, et cela pour trois raisons.

La première était, malgré plus de dix ans d’enquête, l’absence de toute preuve et de toute trace des sommes qui auraient été reçues de Kadhafi pour financer sa campagne. Et cela de l’aveu même du tribunal, lequel l’avait innocenté de trois des quatre chefs d’accusation qui pesaient sur lui: corruption passive, financement illégal de campagne électorale, et recel de détournement de fonds publics libyens. Seul lui était finalement reproché le fait qu’il devait forcément être au courant des arrière-pensées intéressées de deux de ses ministres de l’époque, et du fait qu’ils auraient rencontré deux collaborateurs du dictateur de Tripoli.

En second lieu, l’application immédiate de la sentence, sans attendre le verdict de la Cour d’Appel, prévu en mars prochain, a surpris. Car une telle mesure ne s’applique d’ordinaire que lorsqu’il s’agit de prévenir toute tentative de récidive (particulièrement invraisemblable dans un tel cas!), la fuite du condamné, la dissimulation des preuves, ou les pressions sur des témoins.

Enfin, le fait que celui qui est entré hier matin à la Santé soit un ancien président de la République donne évidemment une dimension particulière à cette affaire. Non pas parce qu’un ex-président devrait être au-dessus des lois, bien sûr; mais parce que la situation est sans précédent depuis le cas si particulier du maréchal Pétain à la Libération. Les amis de Sarkozy en tirent d’ailleurs un argument qui, lui non plus, ne tient guère la route en droit: „C’est en réalité la France qu’on humilie en l’incarcérant.“ Des amis qui s’étaient réunis à quelques centaines devant son domicile mardi matin pour lui manifester leur solidarité, et chanter la Marseillaise …

Le comte de Monte-Cristo

Il est vrai qu’en ce moment, les événements semblent concourir à nuire à l’image de la France, même si l’on peut voir aussi dans les tribulations judiciaires de Sarkozy un signe de l’indépendance de la Justice. Entre les extrêmes difficultés politiques dans lesquelles Paris se débat, son incapacité à maîtriser une situation financière toujours plus calamiteuse, la dégradation successive de sa note par deux agences de notation, le rocambolesque cambriolage du Louvre, et maintenant l’entrée en cellule d’un de ses anciens présidents, en principe pour cinq ans, son ciel semble décidément bien chargé.

Pour cinq ans en principe, oui, parce qu’en fait ses avocats devaient déposer ce mardi une demande de libération conditionnelle, à laquelle le juge de la Cour d’Appel aura deux mois pour répondre. En attendant, le nouveau pensionnaire de la Santé s’est installé dans sa cellule d’environ dix mètres carrés, où il restera seul, avec les deux livres qu’il avait réglementairement le droit d’emporter: en l’occurrence „Le comte de Monte-Cristo“, d’Alexandre Dumas (lui inspirera-t-il des projets d’évasion?) et la biographie de Jésus par Jean-Christian Petitfils.

La direction de la prison aura évidemment l’obsession de la sécurité de ce détenu pas comme les autres, qui restera toujours seul. Mais dans l’immédiat, il aura au moins eu la consolation d’y être bien accueilli par ses désormais codétenus, qui l’ont hélé à son apparition: „Oh, Sarko! Bienvenue, Sarko!“ Peut-être, il est vrai, s’y logeait-il un peu d’ironie? En tout cas, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a déjà prévu de lui rendre prochainement visite.