Nouvelle-CalédonieL’ambition de Macron pour sa visite-éclair à Nouméa: recoller les morceaux

Nouvelle-Calédonie / L’ambition de Macron pour sa visite-éclair à Nouméa: recoller les morceaux
Emmanuel Macron s’est envolé pour une visite en Nouvelle-Calédonie pour tenter de désamorcer la crise après neuf jours d’émeutes qui ont fait six morts et des centaines de blessés Photo: AFP/Pool/Ludovic Marin

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Le président Macron a atterri peu après 8 h jeudi matin (heure locale) à Nouméa, pour une visite destinée à rétablir le dialogue et à accélérer le retour à l’ordre dans l’archipel après une semaine de violences. Visite pour laquelle il était accompagné des ministres de l’Intérieur, des Armées et des Outre-mers, et qu’il a entamée au haut-commissariat – l’équivalent d’une préfecture sur ce territoire au statut particulier – par une minute de silence à la mémoire des six personnes tuées lors des émeutes.

A l’Elysée, on voulait faire de ce déplacement présidentiel à la fois une visite-surprise et une visite-éclair. La durée du voyage aérien, de largement 24 heures, et les rumeurs qui avaient couru dès la veille de l’envol présidentiel, rendaient cette première ambition fort illusoire; le second vœu, en revanche, aura été exaucé, même si le chef de l’Etat a un peu prolongé son séjour sur „le Caillou“, comme l’appellent les insulaires. „Ma volonté“, a-t-il déclaré, „est d’être aux côtés de la population pour que le plus vite possible, ce soit le retour à la paix, au calme, à la sécurité.“

Pour assurer ce retour au calme, qui semble bien être, dans tous les esprits, la condition préalable d’un dialogue politique et d’une reconstruction économique (les dégâts matériels infligés aux entreprises s’élèvent, selon l’estimation de la Chambre de commerce et d’industrie, à au moins un milliard d’euros), le président de la République a indiqué que quelque 3.000 policiers et gendarmes supplémentaires seraient déployés dans l’archipel d’ici peu et que ces forces y resteraient „aussi longtemps que nécessaire, même pendant la durée des Jeux olympiques“.

M. Macron a également appelé à la responsabilité de chacun: „Nous sommes en état d’urgence, la situation le justifie pour l’instant. Mais je pense, pour ma part, qu’il ne devrait pas être prolongé.“ Etant entendu, tout de même, qu’il ne sera levé que „si chacun appelle à la responsabilité et à la levée des barrages“. Et pour manier la menace autant que les encouragements, il a ajouté: „Dans les prochaines heures et les prochains jours, ce seront de nouvelles opérations massives qui seront programmées, et la totalité de l’ordre républicain sera rétablie, parce qu’il n’y a pas d’autre choix (…). Nous allons reprendre chaque quartier, chaque rond-point, chaque barrage“, a-t-il même insisté, un discours de fermeté surtout destiné à cette partie assez importante de la population qui regrette les émeutes.

Un bilan en demi-teinte

Le problème étant que si, d’ores et déjà, à peu près toutes les formations politiques locales souhaitent en effet le rétablissement au moins progressif de la circulation, ne serait-ce que pour permettre au ravitaillement de circuler, en revanche les groupes indépendantistes kanaks les plus jeunes et les plus virulents, eux, ne l’entendent pas de cette oreille. A quoi s’ajoute pour le chef de l’Etat un petit problème stratégique: s’il devait prolonger l’état de siège plus de douze jours, il lui faudrait le feu vert du Parlement, ce qui, en l’état actuel du débat en métropole, ne serait certainement pas pour son gouvernement une partie de plaisir, tout particulièrement à quelques jours d’élections européennes fort difficiles pour la majorité présidentielle.

S’agissant du dialogue politique à relancer, le bilan du voyage d’Emmanuel Macron apparaît en demi-teinte. A son actif, il a manifestement réussi à convaincre tant les indépendantistes que les loyalistes qu’il n’était pas question pour lui d’ignorer leurs soucis, mais pas davantage de faire table rase du passé, en particulier des trois référendums qui avaient marqué la fidélité des Néo-Calédoniens à la France; quitte, a-t-il nuancé, à ne pas braquer les sensibilités kanaks par une adoption précipitée de la révision constitutionnelle sur le corps électoral de l’Archipel qui a mis le feu aux poudres après avoir été adoptée par le Parlement.

Positf appraît aussi le fait qu’à défaut d’avoir pu réunir les représentants de toutes les communautés, principalement bien sûr les Européens et les autochtones, autour d’une même table de négociations – on n’en est visiblement pas encore là – il a tout de même pu écouter séparément les uns et les autres, et être entendus d’eux. Par rapport au climat quasi insurrectionnel d’il y a quelques jours, c’est déjà ça … Mais le vrai travail de rapprochement des points de vue reste à faire, et telle est d’ailleurs la mission des trois hauts fonctionnaires que le locataire de l’Elysée, en regagnant Paris, aura laissée derrière lui. Avec un mot d’ordre plus facile à énoncer qu’à mettre en œuvre: recoller les morceaux.