Les deux propositions de loi sur la fin de vie – l’une sur les soins palliatifs, l’autre sur une „aide à mourir“ pour les personnes qui la demandent – étaient soumises hier soir au vote des députés français, après un examen qui durait depuis quinze jours. Les différents groupes parlementaires devaient auparavant, comme il est de tradition, expliquer leur choix. Mais sans avoir donné, en principe, de consigne de vote à leurs membres.
Cette liberté de conscience laissée à chaque député, contraire à la tradition même si les choix de chacun d’entre eux sont théoriquement libres en toutes circonstances, illustre le caractère particulier, et au fond plus philosophique que politique au sens traditionnel, de l’adhésion ou du rejet de chacun des deux textes. Etant entendu qu’en réalité, ils n’ont aucunement la même charge dramatique.
Les soins palliatifs, autrement dit ceux que l’on peut prodiguer à des malades que l’on sait condamnés par le mal dont ils souffrent mais dont il s’agit d’adoucir la peine physique, voire morale, ne suscitent aucune opposition significative dans l’opinion. Même s’il est entendu qu’il ne s’agit pas de guérir ce qui se révèle malheureusement inguérissable, mais d’accompagner, s’il se peut sans souffrances inutiles, le patient vers une fin plus sereine.
Plus complexe est évidemment la question de ce que l’on appelle plus froidement le „suicide assisté“. Une question qui touche évidemment aux convictions religieuses de chacun – ou du moins à la lecture qu’on en fait – mais aussi, avec ou sans référence déiste, à la vision que chacun peur avoir de la vie, dût-elle connaître une fin parfois horriblement douloureuse (encore une fois, physiquement et/ou moralement), et de la mort, fût-elle volontaire et assumée.
Dans ce Palais-Bourbon en proie, depuis de longs mois déjà, à des échanges ultra-partisans, ce débat (à peu près) délivré des médiocres préoccupations tactiques habituelles au profit de considérations plus élevées, et d’une tenue intellectuelle et morale incontestable, le tout sur un ton modéré dans l’ensemble, n’aura pas été malvenu. Il est vrai que le sujet avait été défriché par une convention citoyenne en 2022-2023, pour aboutir à ces deux propositions de loi. Les évidentes réticences de François Bayrou, fervent catholique, sur le second texte, celui qui porte sur le droit à obtenir une aide médicale pour mourir, n’ont pas entravé le débat sur cette question paradoxalement vitale: l’occurrence de la mort.
Une petite cure de philosophie …
C’est sans doute le député communiste Yannick Monnet qui a, sur ce point, résumé le mieux le sentiment de ceux de ses collègues qui, tout en étant clairement partisans d’accorder une aide à mourir aux malades incurables et souffrants qui y aspirent, étaient favorables à un usage mesuré de cette aide. Il a en effet estimé qu’il devrait „s’agir d’un droit encadré, non d’un simple dispositif“. Et cela afin de garantir dans la loi l’accès à „une mesure d’exception, d’ultime recours pour la personne qui la demande, et pour les soignants qui l’accompagnent“. Ajoutant: „Ce n’est pas le droit de choisir sa mort, mais celui de mettre un terme à des souffrances contre lesquelles la médecine ne peut plus rien.“
Cette circonspection passerait par l’exigence d’une délibération collégiale, l’observance d’un délai de deux jours, et enfin d’une „demande explicite, libre et éclairée du malade“. Une façon d’éviter aussi les pressions familiales, parfois fort intéressées dans certains cas, en faveur de l’administration de la mort, et autres dérives possibles. Il conviendrait aussi de s’assurer de l’accès réel des malades, même les plus démunis, ou les plus solitaires et isolés, à la panoplie des soins palliatifs susceptibles de leur procurer un accès le plus indolore possible à une fin de vie naturelle et plus lointaine.
A gauche, globalement, l’accueil à cette double proposition de loi n’a pas été négatif. Le PS, „très majoritairement favorable“, a ainsi salué „une avancée historique“ en insistant sur le fait qu’il „n’est pas question d’obliger qui que ce soit à ce nouveau droit, il n’est pas question de donner un permis de tuer. Mais c’est bien d’une loi de liberté qu’il est question, une loi d’équilibre, la liberté des uns ne devant jamais entraver celle des autres“, a insisté le député socialiste Stéphane Delautrette. Et la députée macroniste Agnès Firmin Le Bodo, emportée par la hauteur de l’échange de vues qui avait précédé, a salué un débat „habité par la vie, sa beauté et sa finitude.“
Ces deux textes vont maintenant être examinés par le Sénat. Mais à l’évidence, l’Assemblée nationale se sera offert, pour deux semaines et en attendant la suite, une petite cure de philosophie qui, par les temps qui courent et entre deux débats plus féroces, ne pouvait lui nuire …
Les cinq conditions à réunir pour pouvoir réclamer une „aide à mourir“
– Etre majeur.
– Etre de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France.
– Etre atteint „d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée“ ou „terminale“. La notion de „phase avancée“ se caractérise par „l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie“.
– Présenter „une souffrance physique ou psychologique constante“ qui est „soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne“ lorsqu’elle a „choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter“ un traitement. Une souffrance psychologique seule „ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir“.
– Etre „apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée“. Une personne dont le discernement est „gravement altéré“ ne peut être éligible.
De Maart
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