Cette inquiétude de la classe politique se fonde principalement sur le fait qu’à en juger par ses déclarations répétées, M. Trump, s’il accédait au pouvoir suprême à Washington, éloignerait résolument son pays de l’Europe, récusant par là toute notion de solidarité occidentale, pour se plonger à son tour, un siècle et demi après les Britanniques, dans un „splendide isolement“.
En particulier sur le plan militaire. Ce qui fait cependant dire aux plus optimistes qu’après tout, un tel lâchage du nouveau président américain aurait au moins le mérite d’obliger les Européens à lancer enfin réellement, et non plus seulement par le biais de quelques coopérations bilatérales estimables, mais limitées (l’exemple franco-allemand étant à cet égard le plus convaincant, dans sa force comme dans ses limites), une véritable „Europe de la défense“.
Mais cela reviendrait à s’y lancer dans une situation géostratégique du continent particulièrement dangereuse, en particulier avec la tentative d’invasion, pour ne pas dire de colonisation, de l’Ukraine par la Russie. Dont tout laisse à penser que Moscou ne s’en tiendrait pas là si un futur président Trump réussissait à imposer son plan pour „sortir de la guerre en 24 heures“, comme il ne cesse de s’en vanter. Autrement dit, en obligeant Kiev à accepter sous la contrainte l’annexion de son territoire par Moscou, en attendant pire.
Vers „des droits de douane terribles“?
Au-delà de cet aspect déjà fort préoccupant des positions trumpistes, sa fascination pour les dictateurs – jusqu’à Hitler, selon ses anciens collaborateurs! – laisserait l’Europe et donc la France très seules dans leur combat diplomatique contre l’instauration d’une sorte d’internationale des régimes despotiques dont, par une dérive tragique, le mouvement des Brics semble désormais la préfiguration, autour de Vladimir Poutine et Xi Jinping, en passant par l’Iran, Cuba, le Vénézuéla et le tyran nord-coréen Kim Jong-un.
Les perspectives économiques d’une victoire de Trump ne seraient pas moins redoutables, pour l’Europe (les Etats-Unis sont le premier partenaire commercial de l’UE, ce qui représente quelque dix millions d’emplois à travers toute l’Europe) et pour la France en particulier. Trump affirme qu’il instaurera „des droits de douane terribles“ s’il l’emporte le 5 novembre. De fait, ses quatre années de présidence, entre 2016 et 2020, ont été marquées par de véritables taxes punitives envers de nombreux partenaires, dont l’Europe, qui s’était vu infliger en 2018 des droits de douanes sur l’acier et l’aluminium. Côté plus spécifiquement français, on s’attend en particulier à une nouvelle surtaxation de certains produits qui se vendent bien aux Etats-Unis, comme les vins et le cognac (plus de 85 millions de bouteilles annuellement). Bref, si Donald Trump revient à la Maison-Blanche, les exportateurs français – et ils ne sont certes pas les seuls – s’attendent à un formidable repli protectionniste du marché américain. A l’image, au fond, de ce que serait sa diplomatie: un grand bond en arrière.
Mais il y a aussi, dans l’appréhension de beaucoup de Français, de droite comme de gauche, une terrible crainte: celle de voir, avec Trump, un très grand pays, ami de toujours, piétiner ses propres valeurs. Un pays qui, avec ses défauts, ses excès et ses injustices, incarnait tout de même jusqu’à présent, notamment grâce à plusieurs présidents issus du parti démocrate, une forme de combat pour le progrès. Y compris sur le terrain des droits humains – après les tragiques errements de l’esclavage et de la ségrégation raciale, certes – et notamment celles des femmes, de l’ouverture au monde et de la capacité à accueillir le monde chez lui. Vu d’ici, le discours trumpiste tourne le dos à tout cela, et si c’étaient les Français qui votaient, Kamala Harris serait certainement plébiscitée, en tout cas face à un tel adversaire. Chaque insulte de Trump la rend plus sympathique dans l’Hexagone. Le problème étant que ce ne sont pas les Français, ni les autres Européens, qui élisent le président des Etats-Unis, mais les Américains …
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