Montag3. November 2025

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LittératureUn nouveau livre de Robert Weis: Dans les pas des Yamabushi

Littérature / Un nouveau livre de Robert Weis: Dans les pas des Yamabushi
„Mon but était de parler du voyage mais aussi de la place que la recherche spirituelle a dans notre société“, poursuit Robert Weis Photo: Véronique Kolber

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L’auteur et paléontologue de métier Robert Weis publiera trois livres en 2025. L’année s’ouvre avec „Yamabushi“, un récit de voyage au Japon à la recherche de la sagesse des montagnes.

En juin 2023, un peu moins d’un an après la publication de „Rocklines“, une balade géopoétique dans la Minett, Robert Weis se signalait de nouveau avec „Retour à Kyôto“, publié par les éditions françaises Transboréal, spécialisées dans les récits de voyage. Il y contait son amour ancien pour le Japon. Dès l’automne suivant, il préparait déjà la suite. Il s’embarquait pour un nouveau voyage d’un mois au Japon, avec l’envie de découvrir une pratique, le shugendo – et d’en faire un livre. Il lui aura fallu autant de temps – un an – pour préparer le voyage que pour en voir le récit publié. S’approcher de quelques-uns des spécialistes de cette pratique ancestrale dont il avait entendu parler lors d’un pèlerinage sur le Kumano Kodo, dans la péninsule de Kii, ne s’improvise pas. Ce sont ses contacts au Japon, dont il fait ainsi profiter les lecteurs dans ce partage d’une expérience spirituelle qui n’est pas donnée à tous.

Une renaissance

L’origine de la pratique que Robert Weis est allé pister remonte à la préhistoire. Mais c’est à En-no-Gyoja que de rares sources historiques attribuent la création de cette discipline dans la région de Nara au VIIe siècle. A sa suite, moines et laïcs ont reproduit ses ascèses dans les montagnes à la recherche de pouvoirs magico-religieux. C’est la communion avec les forces naturelles, l’idée d’un retour dans le ventre maternel et d’une renaissance que recherchent aujourd’hui ses pratiquants qu’on nomme yamabushi. L’ascension de sommets, la marche sur des braises et la méditation sous la cascade, jalonnés de rituels, leur permettent de renforcer leur corps comme leur esprit. Robert Weis arpente des montagnes chéries des yamabushi, à commencer par le Dewa Sanzan, „les trois sommets sacrés de Dewa“.

Et s’il est parti cette fois dans ce pays qu’il aime tant – „parce qu’on [y] laisse une place aux choses minuscules, imperceptibles, intuitives, on y chérit les introvertis, les rêveurs et les poètes“, écrit-il –, c’état dans un but bien précis. Il cherchait les moyens d’accepter les épreuves douloureuses qu’il venait de traverser. Robert Weis y est parti trouver „l’acceptation plus concrète, plus corporelle et respectueuse de l’environnement“ que propose le shugendo par rapport à des pensées occidentales comme le stoïcisme. „Dans notre société, on n’est pas fort pour accepter l’échec, la perte“, confie-t-il. „J’ai moi-même du mal avec ça. C’était un moyen de m’y confronter.“ La littérature s’est imposée comme un moyen de pousser ce processus jusqu’au bout, de digérer complètement ce qu’il nomme en fin de son récit „une expérience brute et immédiate du réel“. 

Si je n’avais pas parlé de moi, on n’aurait pas compris pourquoi j’ai fait ce voyage

Robert Weis, auteur

De l’intime à l’universel

Ce choix de partager une quête spirituelle l’a contraint à donner de sa personne dans son récit. Dans „Retour de Kyoto“, qui était la traduction et la mise en récit d’une série de récits de voyage en anglais rédigés durant le confinement pour le collectif Writers in Kyôto, Robert Weis avait commencé, à la suggestion de son éditeur, à parler de lui. Là il le fait davantage. Il écrit par exemple les pensées qui lui viennent sous un vieux ginkgo pour sa compagne et les épreuves vécues à deux, qui ont motivé son voyage. Ailleurs, il pense à ses grands-parents en méditation sur le sommet d’une crête. Partout, il partage ses réflexions et ses doutes, notamment sur son intérêt pour une pratique que les citadins japonais voient comme obsolète („Serait-ce, à l’image de son fondateur légendaire, un mythe moderne pour Occidentaux en quête d’expérience spirituelle exotique?“, écrit-il).

„Si je n’avais pas parlé de moi, on n’aurait pas compris pourquoi j’ai fait ce voyage“, convient Robert Weis. „Le récit de voyage doit avoir une dimension intérieure, sinon c’est un travail journalistique. C’est un double voyage qu’on entreprend.“ La prise de risque initiale de l’auteur s’avère une réussite, tant l’opération est menée avec la délicatesse et la modestie qui traversent tout le texte. Robert Weis ne cherche pas à en imposer. „Je me pose en représentant de l’espèce humaine, si j’ose dire. Tout le monde connaît des moments de crise dans la vie.“ 

Dans une parabole judicieuse au début de son livre, celui qui a grandi à Dudelange relie sa démarche actuelle à son goût ancien pour la culture du bonsaï, d’où est née sa fascination pour le Japon. „Il faut parfois couper les racines afin de rajeunir le système et faire de la place pour de nouvelles pousses vigoureuses. Mais à en faire trop, on menace la plante. C’est tout l’art de l’élagage … C’est un tel élagage que j’entends effectuer lors de ce nouveau voyage.“ Plus loin il attribue son périple à la curiosité qui est la sienne depuis l’enfance et qui l’a conduit à étudier plantes, animaux et fossiles jusqu’à travailler au Muséum d’histoire naturelle de Luxembourg …

Du lointain au proche

Son récit est fait pour diriger les lecteurs vers la spiritualité plutôt que vers le Japon. „Mon but était de parler du voyage mais aussi de la place que la recherche spirituelle a dans notre société“, poursuit Robert Weis. „Je suis convaincu que l’homme ne peut pas se nourrir que de son intellect.“ Et, cette spiritualité peut se vivre partout, comme on le lit dans „Yamabushi – La sagesse des montagnes“: „Si foi et spiritualité vont de pair pour certains d’entre nous, se sentir spirituellement vivant peut également être suscité par des actes d’empathie, par la méditation, par une randonnée en forêt ou simplement par le fait de participer au repas familial de Noël.“ 

Après ce livre, Robert Weis pense qu’il aura fait le tour de la question du Japon. Cela tombe bien car il se pose des questions sur l’empreinte écologique de ses allers-retours vers l’Extrême-Orient. C’est à une forme de spiritualisation du Luxembourg qu’il contribue par ses récits géopoétiques. A la manière de „Rocklines“ dans la Minette, il a refait avec son acolyte Davide S. Sapienza une balade géopoétique à pied dans le Mullerthal. „Il s’agit de véhiculer, dans une langue un peu littéraire, poétique, pas technique, des informations qui viennent de la science“, détaille-t-il. „Yamabushi“ est d’ailleurs jalonné de références, autant par souci de partage que pour étayer ses dires et ses réflexions. 

L’année 2025 sera l’année d’une triple actualité pour Robert Weis. Avec sa maison d’édition Mchikusa Publishing, en juin, il va publier de la poésie sur différents lieux qu’il a fréquentés. Un texte, „Le proche et le lointain“, expliquera comment l’attrait pour le Luxembourg et le Japon sont les deux faces d’une même médaille. 2025 signe en fait la deuxième fournée d’œuvres dans les trois champs de la création littéraire qu’il explore, la poésie, le récit de voyage au loin, et le récit géopoétique au pays. En 2026, une quatrième corde s’ajoutera à son arc: la traduction. Il publiera une traduction en luxembourgeois des poèmes du voyageur français Nicolas Bouvier.

En librairie à partir du 10 janvier. 176 pages. Prix: 10,90 euros.