Rock’n’worldRacines et fusions: la pop en wolof de Yassa Blaster

Rock’n’world / Racines et fusions: la pop en wolof de Yassa Blaster
Alex Viudes, Moussa-Abou-G et Ky Phung Nguyen Photo: Yassa Blaster

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En combinant rock, pop, musiques africaines et chant en wolof, Yassa Blaster propose un cocktail musical épicé et grisant. Avec „Salam“ en guise de titre de salutation pacifique et une poignée de concerts fiévreux, le trio constitué de Ky Phung Nguyen, Alex Viudes et Moussa-Abou-G fait partie des groupes français les plus excitants du moment. Zoom.

En ce début de siècle, la pop se situe dans l’après-postmodernisme. Tous les genres, même les plus antagonistes, se mélangent. En ressortent alors des sonorités et langues aussi nouvelles qu’excitantes. Paris, ville-lumière, reste un phare en matière de multiculturalisme. Paname est une capitale citoyenne du monde: il semble y avoir autant de visages qu’il y a d’origines, autant d’arbres qu’il y a de racines. Yassa Blaster incarne un reflet plus que parlant (et chantant) de cette réalité – une illustration pop. Ky Phung Nguyen et Alex Viudes viennent de la scène indie parisienne. Références french pop et rock anglo-saxon, passion de la mélodie bien tricotée, sens aiguisé du songwriting, maîtrise carrée des instruments, quête de finesse dans les arrangements, soif d’expérimentations, les deux connaissent la musique, sur le bout des doigts. Au centre, il y a Moussa-Abou-G. Ce dernier n’a pas eu à juste sauter dans un métro pour rejoindre ses futurs acolytes puisqu’il débarque tout droit de Dakar. Ses valises sont emplies d’images et de réminiscences de sa capitale à lui ainsi que de son idiome, le wolof.

L’équation est simple et le résultat singulier: des compositions indie transcendées par la langue nigéro-congolaise la plus parlée au Sénégal. Identité? Yassa Blaster. Le „ghetto“ de „ghetto blaster“ est remplacé par le „yassa“, ce plat africain populaire dans le monde entier, à base de poulet, d’oignons frits et de riz, de douceur et de piments. Autrement dit, les ingrédients que le combo injecte dans sa tambouille groovy: plus qu’un accent exotique, un goût authentique; une caresse chaude très vite revitalisante, en plus d’un imparable effet aphrodisiaque; la sueur perle sur la peau pendant que la rythmique rock se frotte aux percussions qui font échos aux pulsations cardiaques. Il n’y a pas de „ghetto“: le „message“, pour paraphraser Grandmaster Flash, est universaliste, par-delà les frontières, en fait à l’image de la musique, un art qui n’a pas besoin de traduction dès lors qu’il parle à l’âme.

Universalité

En France, ces dernières années, quelques projets ont proposé des alternatives à la pop, par la langue. Avant Yassa, il y a eu Yas; sur l’électro de Mirwais, Yasmine Hamdan chantait en arabe. Le cas de Yassa Blaster ne se restreint pas, en réalité, à l’hexagone. Le mélange rock et sonorités africaines n’est pas une question de géographie, mais d’histoire du rock, de Peter Gabriel et Youssou N’Dour jusqu’aux Talking Heads – on doit d’ailleurs la paternité du terme „afropéen“ à David Byrne. Citons encore Vampire Weekend ou Fool’s Gold, quand l’indie actuelle danse main dans la main avec le son africain. Et si déjà dans les années 1970, Fela Kuti mixait funk, jazz, highlife et musiques traditionnelles nigérianes, inventant ainsi l’afrobeat, divers représentants du genre triomphent aujourd’hui dans le monde entier, Tiwa Savage ou Wizkid pour les plus imposants. En même temps qu’il importe cette vague, une vague gorgée de lave, Yassa Blaster est quelque part l’enfant de tous ces accouplements.

Moussa-Abou-G, originaire de Dakar, chante en wolof
Moussa-Abou-G, originaire de Dakar, chante en wolof Photo: Yassa Blaster

Dans la fusion entre l’instrumentation et le chant, le wolof devient naturellement une langue pop, excellente pour le swing, apportant en plus bien du relief aux propos. La scansion des mots percute les compositions, comme sur „Dem“ ou „Mbeugel“, titre traversé par le saxo serpentin et un beau grain féminin, avec un inattendu virage ragga qui nous propulse illico sur un dancehall à ciel ouvert. Si en matière de pop, la musicalité des mots écrabouille la verbosité, ici les paroles percutent grâce à leur simplicité et, une fois encore, leur universalité: „Ce qui nous unit/Est plus fort que ce qui nous divise.“ Et de bien braquer les yeux sur l’autre en face comme si l’on se scrutait dans la glace: „Si tu regardes au fond de toi/Nous sommes tous semblables.“ En période de déchirement, cet appel à la paix et à la solidarité fait figure d’antidote. Le premier single de Yassa Blaster s’intitule „Salam“, un terme que n’importe qui, du haut d’un toit en Afrique ou depuis l’underground parisien, peut capter. La musique est un voyage de l’esprit; danser, au fond, revient à s’évader en restant sur place. Yassa Blaster génère cette pulsion de remuer ses dreads, qu’on en ait ou pas, en tout cas de bouger la tête de haut au bas, afin de traduire dans toutes les langues du monde que oui, „c’est du bon“.

Un groupe qui fait actuellement parler de lui
Un groupe qui fait actuellement parler de lui Photo: Yassa Blaster

Extrait de „Salam“, traduit en français

Ce qui nous unit
Est plus fort que ce qui nous divise
Si tu regardes au fond de toi
Nous sommes tous semblables
Soyons solidaires
Fonctionnons comme les fourmis
En unissant nos forces
Notre unité n’en sera que plus solide