
Huile sur toile, 77,5 x 71,8 cm), Hartford CT., Wadsworth Atheneum Museum of Art, Charles H. Schwartz Endowment Fund Copyright: Allen Phillips/Wadsworth Atheneum
Le musée Jacquemart-André rend hommage à l’artiste romaine Artemisia Gentileschi (Rome, 1593-Naples, vers 1656), fille du peintre Orazio Gentileschi, rare femme artiste connue de son vivant, dans la lignée audacieuse et puissante de Caravage. Sa vie, conjuguée à son œuvre, en font une légende.
Au XVIIe siècle, l’Italie occupe une place prépondérante dans l’art. L’Eglise réaffirme le culte de la Vierge, des saints et des reliques, ce qui engendrera de nouvelles formes d’art. Ainsi, au moins deux courants se distinguent, celui du réalisme, proche du peuple, des fidèles, qu’on appelle le caravagisme, et celui fort du renouveau mystique, baroque, avec ses envolées d’anges, ses extases, ses visions. Rome affirme alors sa prééminence et les artistes affluent. Caravage incarne cette révolution. Il y a chez lui un refus d’idéalisation, il ne peint que le réel – des fleurs et des feuilles pourrissantes, des ongles noircis – sans dessin préparatoire. Artemisia s’en imprègne et travaille avec grande intelligence l’agencement de ses personnages. Les regards, les gestes, nous conduisent dans l’espace de la toile, la lumière semble à la fois réelle et divine, elle agit comme le facteur d’une révélation. Ses œuvres sont comme autant de scènes héroïques. Artemisia s’affranchit très vite du style plus doux et élégant de son père, peintre maniériste, Orazio Gentileschi (1563-1639), auprès duquel elle s’est formée.
Jeu de lumière et d’ombre

Comme pour le Caravage, connu pour son côté bagarreur, ses frasques, la vie d’Artemisia ne saurait être séparée de son œuvre, tant elle a vécu des expériences éprouvantes qui ont dû imprégner sa peinture. À l’âge de dix-huit ans, elle est violée par un employé de son père, le peintre Agostino Tassi. Celui-ci refusant d’épouser Artemisia, Orazio Gentileschi porte l’affaire devant la justice, procès au cours duquel Artemisia est torturée afin de prouver la véracité des accusations. Père et fille gagnent le procès, mais Tassi, condamné à cinq ans d’exil, protégé par le pape, revient rapidement à Rome s’y établir. À l’issue du procès, Artemisia épouse un peintre florentin de moindre renom et part s’installer à Florence. Son œuvre est vite reconnue, elle reçoit nombre de commandes. Inspirée par la mythologie, les figures bibliques, la littérature, elle s’attache à peindre des héroïnes, à la fois émancipées et séductrices. Eros et Thanatos occupent une grande partie de son travail, jeu de lumière et d’ombre.
Les nus peints par une femme sont rares et recherchés par les amateurs, ainsi Artemisia dispose d’une belle galerie de repentantes ou de saintes. Parfois, elles sont victimes, et il s’agirait presque d’une dénonciation de ce qu’Artemisia a pu vivre. Ainsi le voit-on avec „Suzanne et les vieillards“ (1610, huile sur toile), où Suzanne apparaît à la fois désirable et effarouchée, tentant de se défendre, nue, dans la lumière, pour mieux faire transparaître sa candeur, face aux vieillards à l’arrière-plan, dans un espace plus obscur, comme un complot ourdi, dont elle devrait se défaire. Les gestes, les torsions du buste, les dos voûtés, tout circule dans l’espace, jeux de regards, concupiscence et aversion, tout part de cette jeunesse à la nudité laiteuse.
Un jeu crépusculaire
Informations
Artemisia, Héroïne de l’art
Jusqu’au 3 août 2025
Musée Jacquemart-André
158, boulevard Haussmann
75008 Paris
musee-jacquemart-andre.com

Ailleurs, la puissance féminine est invincible, avec „Judith et sa servante“ (vers 1615, huile sur toile), œuvre exécutée pour un membre de la famille Médicis, à Florence. Cette scène suit le meurtre d’Holopherne, dont on voit la tête dans un panier. Dans la tradition du Caravage, le cadrage resserré nous rendrait presque complices, tant nous sommes proches des protagonistes. Artemisia rend également hommage à la mode florentine, par le jeu en volutes des plis des vêtements. Il y a dans cette scène, une sorte de mise à distance, de banalité du mal, que l’on retrouve également dans „Yaël et Siséra“ (1620, huile sur toile). Avec une froide détermination, comme s’il s’agissait d’un geste banal à accomplir, Yaël, dans un bouillonnement d’étoffes, s’apprête à tuer de sang-froid, à l’aide d’un marteau et d’un piquet, Siséra, chef de l’armée cananéenne, endormi dans sa tente. Jeu crépusculaire d’Eros et de Thanatos, érotisme morbide, ici mis en scène par la figure séduisante de Yaël, Siséra gisant à ses pieds.
L’époque est également aux portraits et Artemisia reçoit nombre de commandes. Elle se figure dans un autoportrait, en joueuse de luth, au décolleté généreux, lumière et ombre jouant toujours dans un cadre serré.
Après la mort d’Artemisia, son œuvre a sombré dans l’oubli. Le XXe siècle la fait renaître avec bonheur, ses œuvres, incontournables, sont autant de chefs-d’œuvre inscrits dans l’histoire de l’art.
De Maart
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