Donnerstag30. Oktober 2025

Demaart De Maart

Classique contemporainPercussif et percutant: Machine à trois en concert au „opderschmelz“

Classique contemporain / Percussif et percutant: Machine à trois en concert au „opderschmelz“
Piano, marimba et vibraphone: Machine à trois – Pascal Meyer, Rachel Xi Zhang et Laurent Warnier – se présente comme groupe de „musique de chambre percussive“ Photo: Liza Kollau

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Respectivement au piano, au marimba ainsi qu’au vibraphone, Pascal Meyer, Rachel Xi Zhang et Laurent Warnier façonnent, avec Machine à trois, une musique post-minimaliste exaltante aussi bien sur le plan expérimental qu’en termes de fluidité harmonique. Parallèlement à la sortie de son album „Unlearn“, le trio joue samedi au „opderschmelz“. Focus.

On parle de house, au sujet d’une musique qui provient du Warehouse, le club de Chicago où s’illustre le parrain du genre, Frankie Knuckles. Mais on parle aussi de house au sens où celle-ci peut être conçue chez soi. Il s’agit là d’un amusant paradoxe, si l’on se réfère au principe du „fait maison“, alors que les détracteurs de l’électro (il y en a encore?) décréteraient que dans la house, „ce ne sont pas de vrais instruments“. Plus limitée en ce qui concerne les mètres carrés, depuis une quinzaine d’années, il y a ce que l’on nomme la „bedroom pop“, la pop de chambre. Là encore: il n’y a pas besoin d’un studio d’enregistrement ni, plus largement, de gros moyens pour faire de la musique; le côté DIY du punk, constitué de bidouillages autodidactes, rencontre l’individualisme 2.0, sans oublier l’idée que l’effet „lo-fi“ apporte un charme à la production; les aspérités et le minimalisme donnent un goût certain d’authenticité.

Mais la musique de chambre, qu’est-ce donc? Apparue, bien sûr, avant la bedroom pop et la house, la musique de chambre désigne un genre de musique classique, quand celle-ci est jouée par un petit groupe d’instruments; il s’agit d’une image, car, à l’inverse d’un orchestre composé d’une vingtaine (ou davantage) de musiciens, les membres dudit groupe, en nombre réduit, peuvent tenir dans une chambre.

Machine à trois annonce la couleur via son nom – c’est un trio donc – et se présente comme une „musique de chambre percussive“, par l’alliage astucieux et atypique du piano, du marimba et du vibraphone. La recette des trois acolytes? Le classique contemporain s’immerge dans l’expérience moderne. Le répertoire du groupe est constitué d’inédits, c’est ici du „fait maison“ car il a ses propres créations, mais il est garni aussi de reprises, telles qu’„Inca Roads“ de Frank Zappa, „The Way Up“ de Pat Metheny ou „Paranoid Android“ de Radiohead. Le principe de reprendre un morceau s’avère pertinent lorsque le résultat apporte, comme on dirait d’une grille de lecture, une autre grille d’écoute.

S’agit-il alors de moderniser des standards? Pas forcément: reprendre un titre, c’est ne pas avoir peur de le prendre sous un angle jamais entendu, et ainsi lui donner un nouvel éclat. Alors Machine à trois passe les chansons précitées à la machine. Il ne faut alors pas penser à l’idée de les nettoyer, mais de les chahuter, les malmener, avec douceur; il faut penser non pas à la lessive, mais au tambour de la machine: sans batterie, ni percussion, ni boîte à rythme, le groupe devient en effet, et à juste titre, percussif.

Percussif et percutant

Humain et organique plutôt que machinal: Machine à trois, ce sont trois entités
Humain et organique plutôt que machinal: Machine à trois, ce sont trois entités Photo: Liza Kollau

Le terme „percussif“ fait presque écho à „percutant“. Un morceau pop fonctionne quand nous avons la sensation de le connaître déjà, alors que, quelques minutes avant, nous ne le connaissions pas. Mieux encore: le morceau, en pénétrant notre esprit, vibre avec une familiarité déconcertante, comme si nous le connaissions depuis toujours. Alors que Machine à trois ne fait pas de la pop, sa musique agit sur le cerveau à la manière d’un tube, à la fois en tant qu’airs potentiellement déjà sifflotés, qu’en tant que mélodies qui se faufilent et s’impriment, parce que la juxtaposition des instruments et la limpidité mélodique s’avèrent, justement, percutantes. La musique dépasse la musique, pour s’agrandir, comme si un écran de cinéma s’étirait un peu plus, comme un corps au réveil, laissant une grande possibilité d’agencements de sonorités. Machine à trois, c’est du groove qui démange, dans l’impulsion de faire bouger les jambes autant que de remuer le coeur, mais qui contrebalance aussi avec de purs instants d’apesanteur, lorsque le corps ne bouge plus que pour léviter, et s’étirer cette fois vers des champs de rêveries.

Machine à trois, si on le prend au mot, est une machine, mais non, ce sont trois entités; il ne s’agit pas d’une musique créée par une intelligence artificielle. On dit souvent que c’est quand on ne voit pas le travail que le résultat coule de source, et que c’est réussi; devrait-on, pour aller encore plus loin, affirmer que plus les musiciens disparaissent derrière leurs instruments, plus la musique atteint des états de grâce? Jusqu’à devenir une véritable machine.

Entre groove et rêverie, qui font bouger les jambes autant que remuer le coeur
Entre groove et rêverie, qui font bouger les jambes autant que remuer le coeur Photo: Liza Kollau

Mais non, Machine à trois, c’est donc un trio, composé de Pascal Meyer, Rachel Xi Zhang et Laurent Warnier. Le son, humain ou organique, ressort de cette union entre le piano, le vibraphone et le marimba – plus rare, ce dernier instrument, que l’on retrouve dans le jazz nord-américain, dont la musique de Machine à trois peut parfois faire écho, a intéressé de grands compositeurs tels que Darius Milhaud („Concerto pour marimba, vibraphone et orchestre“, 1947) ou Steve Reich („Six Marimba“, 1986).

En concert, un morceau comme „Anarchic Airplanes“ procure une mélancolie solaire ou une tristesse vivifiante; les trois instruments se superposent ou s’entrecroisent, pendant que les mains courent sur les cordes frappées, le bois et le métal, sans s’essouffler. On interprète alors le principe de musique de chambre à travers l’idée selon laquelle les musiciens se regroupent dans un petit espace et s’amusent – jouent – positionnés presque face à face, comme s’ils se donnaient la réplique, en laissant parler leurs instruments, sinon en parlant avec les mains. Et puis, chez Machine à trois, il y a sûrement une belle part d’improvisation qui s’ajoute à la préparation; ce qui est intéressant, c’est quand les deux se confondent, quand tout n’est que débordement.

Alors, une musique de chambre? Il y aurait là encore un paradoxe: la musique de Machine à trois, aussi intime puisse-t-elle être, est faite pour dépasser les murs, qui ont des oreilles. L’étroitesse? Non, non: leur musique est faite pour se déployer et briser les frontières. Le trio a ébloui plus d’une salle, que cela soit au Concertgebouw à Amsterdam qu’au Shanghai Oriental Arts Center ou au Luxembourg à la Philharmonie. Au tour du „opderschmelz à Dudelange ce samedi.