Par le trou de la serrure

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Pendant trois jours, le temps de la visite grand-ducale en France, le palais de l’Elysée
a été au centre de l’attention des Luxembourgeois. Parmi eux il y avait également un Français, Bernard Brigouleix, particulièrement attaché au Luxembourg. Journaliste, spécialiste de la politique française au Tageblatt, il est auteur – avec Michèle Gayal, également journaliste – d’un livre sur les vérités et les légendes qui gravitent tout autour de l’Elysée.

„L’Elysée. Vérités et légendes“ aux Editions Perrin, 15 euros

„L’Elysée est, de tous les lieux de pouvoir français, celui sur lequel courent le plus d’idées reçues … et point seulement parce que la Ve République l’a remis, en droit comme en pratique, au sommet de la pyramide. … Mais que sait-on vraiment, aujourd’hui, de la réalité du pouvoir présidentiel d’hier et d’avant-hier et des controverses parfois furieuses qu’il suscita durant des décennies, bien éloignées de ce consensus mou autour de l’idée d’un ‚président soliveau‘ à quoi nous tendons à réduire la vision que nos aïeux pouvaient avoir du locataire de l’Elysée?“, écrivent Brigouleix et Gayral dans l’avant-propos des 235 pages qui nous font traverser quelques 300 ans d’histoire.

C’est en effet en 1718 que le comte d’Evreux acquiert un terrain, dans un quartier encore champêtre, pour y faire construire un hôtel – qui sera dès le début une luxueuse demeure.
Elle ne lui portera cependant pas bonheur. 35 ans après sa construction, elle sera rachetée par la marquise de Pompadour, favorite de Louis XV. Cette dernière n’y sera pas heureusenon plus et à sa mort le roi vendra la demeure au financier Nicolas Beaujon, qui la revendra à son tour au roi Louis XVI, qui la cèdera à sa cousine Bathilde, duchesse de Bourbon. Elle sera suivie de la sœur de Napoléon, Caroline Bonaparte, de son épouse divorcée, Joséphine, puis de Marie-Caroline de Bourbon, duchesse de Berry, pour finir par accueillir Louis Napoléon Bonaparte et avec lui le tout premier président de la République française. Il vivra pendant trois ans dans cet „Elysée national“, qui lui a été attribué par l’Assemblée nationale, avant de finalement s’installer aux Tuileries. Il n’empêche que ce sera le début d’une histoire riche en péripéties.

Au fil des pages la lecture de „L’Elysée“ est tout d’abord une leçon d’histoire, doublée d’un fort utile rappel des faits et des personnages qui ont fait la France.
En bons journalistes Brigouleix et Gayral ne manquent pas d’analyse sur les locataires qui se sont succédé au „Palais“ (que les Français appellent aussi ‚le château‘, en dépit de ses dimensions fort modestes). En spécialistes proches du pouvoir les auteurs se gardent toutefois d’émettre des jugements ou de tirer des conclusions, laissant ce soin au lecteur, que leurs récits ont parfaitement préparé à l’avance.

En effet, les 31 chapitres portent tous des titres suggestifs. L’Elysée commence dans la galanterie, annonce le premier chapitre avant de poursuivre par la question du pouvoir des présidents sous la IIIe et la IVe République, de revenir sur le sort du Palais sous l’Occupation.

Les anecdotes ne manquent pas non plus. Ainsi les auteurs nous apprennent que le général de Gaulle, premier président de la Ve République, y vivait par contrainte plus que par plaisir, qu’il s’y sentait plus ‚caserné‘ que véritablement chez lui, bien qu’Yvonne de Gaulle y ait apporté la porcelaine familiale – pour tous les jours. C’est de Gaulle qui a choisi d’installer son bureau dans ce qu’il appellera „la pièce capitale du premier étage“. Elle est aujourd’hui encore le bureau du chef d’Etat français. Seul Valery Giscard d’Estaing avait choisi le salon d’angle.

S’il a peu changé aux décors de l’Elysée ou aux appartements privés, le général a cependant agrandi la partie des bâtiments réservés à l’administration, forte aujourd’hui de quelque 800 collaborateurs. La durée du mandat est un autre chapitre, rappelant au lecteur que François Mitterrand, avec deux septennats complets, a été le locataire le plus long, même si le chapitre consacré à la vie quotidienne rappelle qu‘il n’y vivait guère, qu’il préférait, le soir, retrouver sa seconde (!) famille, logée juste à côté, quai Branly.

Le coût de la vie au Palais est mis en question dans le livre, tout comme le rôle du président face au résident de Matignon (le premier ministre). Un des derniers chapitres analyse les fonctions – non officielles – de la Première dame et la manière dont les différentes locataires s’en sont acquitté.

Si les références historiques sont nombreuses, au risque de se répéter quelques fois, Brigouleix et Gayral se sont toutefois fixé des limites très strictes et retrouvent leurs réflexes de journalistes, soucieux de ne pas griller leur position professionnelle: leur histoire et leur analyse s’arrêtent à la fin du mandat de François Hollande en mai 2017. Les locataires actuels du Palais ne font pas encore partie de l’histoire. Et les auteurs se sont gardés, tout au long de leur récit, de ne pas se faire piéger par l’aspect „people“ qui nourrit également – forcément – les légendes de l’Elysée.