Dienstag23. Dezember 2025

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Artistes entre Luxembourg et BerlinMichèle Tonteling: „Le vêtement est devenu très politique“

Artistes entre Luxembourg et Berlin / Michèle Tonteling: „Le vêtement est devenu très politique“
Coucher de soleil sur le Tempelhofer Feld Source: archives Michèle Tonteling 

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Solaire, Michèle Tonteling aime relever des défis, travailler dans l’ébullition des tournages, se nourrir des univers et besoins de ses collaborateurs pour trouver le bon costume, les décors justes. Artiste à part entière, la costumière et scénographe de formation mène également ses propres projets dans diverses disciplines, et s’associe souvent à sa sœur jumelle, la musicienne et compositrice Françoise Tonteling.

Michèle Tonteling est arrivée à Berlin en échange Erasmus, après des études à Anvers en scénographie et costume. Pouvoir poursuivre ses études en allemand, une langue qu’elle maîtrisait mieux que le flamand, l’attirait. A Berlin, elle découvre avec ravissement une méthodologie différente: „La manière qu’avait l’UDK (Universität der Kunst) d’aborder les costumes m’intéressait beaucoup. C’est vraiment une approche complètement différente de la Belgique, où on travaille avec énormément de deadlines. A Anvers, on travaillait des heures et des heures, des nuits entières, sous la pression de devoir livrer un rendu. Alors qu’ici, l’approche est beaucoup plus libre, plus orientée vers la matière. On pouvait choisir les cours dans lesquels on allait, ce n’était pas aussi strict. Mais quand je suis arrivée à Berlin, je n’ai pas aimé du tout la ville, au départ. C’était l’hiver … Tout était lent et gris. Les distances étaient immenses. Mais quand le printemps est arrivé, ça a tout changé!“ Tonteling se met à travailler sur de nombreux court-métrages en collaboration avec la réputée Deutsche Film- und Fernsehakademie Berlin, ce qui lui permet de se créer rapidement un réseau.

Tonteling découvre son métier dans l’enfance et l’adolescence. „J’avais commencé à travailler avec deux artistes, Hendrik Van den Kerchove et Tiziana Raffaelli, au Luxembourg, qui faisait des décors, et était également peintre. Dès l’école, en septième, j’ai fait ce qu’on pourrait appeler des stages avec lui. Il me rémunérait toujours, ce qui était quelque chose de rare. Je travaillais avec lui, surtout dans les décors, les peintures, les patines. Et j’ai adoré cela. Et en ce qui concerne les costumes, nous sommes une famille nombreuse, cinq frères et sœurs, et je suis la plus petite avec ma sœur jumelle. Du coup, j’héritais toujours des vêtements de mes aînés, mais je n’avais pas envie de les porter. Alors, j’ai commencé très rapidement à m’approprier les vêtements, à les changer, les transformer, tout en observant les gens autour de moi, en particulier les jeunes. Ma mère m’a appris la couture très tôt. J’ai cousu mon premier pantalon à neuf ans. Je pense que mon amour des costumes est venu de là. Les premières études que j’ai faites étaient d’ailleurs en mode, à Amsterdam. Mais rapidement, j’ai réalisé que ce n’était pas mon univers, car c’était très orienté business. On apprenait avant tout à faire des vêtements pour les vendre. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, car dans les études plus artistiques, on est mal préparé à cet aspect-là de la réalité, mais à ce moment de ma vie, cela ne me convenait pas.“

Costumière et scénographe de cœur et de formation

Michèle Tonteling n’éprouve pas d’angoisse particulière ou de sentiment d’imposture lorsqu’elle commence à travailler professionnellement sur les tournages pour le cinéma ou la télévision. „J’ai fait un grand nombre de stages, et j’ai commencé par être assistante, ce qui m’a permis de beaucoup apprendre des costumières plus chevronnées. Je n’aurais jamais osé débuter sur des séries autrement qu’en tant qu’assistante.“ Elle commence son apprentissage sur la réputée série allemande Dark, dont elle couvrira les trois saisons – futur, présent, années 50 à 80. „C’était formidable pour moi de faire un projet d’époque. Mais c’était aussi une grande pression. Le projet était énorme, l’équivalent d’une grosse production à l’échelle de l’Allemagne.“ Michèle Tonteling apprend surtout à „écouter les acteurs“.

„C’est bien d’avoir une vision, mais il faut pouvoir rester ouverte et communiquer avec les acteurs, car ils ont beaucoup d’idées parfaitement légitimes. Souvent, si on a une idée fixe en tête, ça n’aide pas. Il faut pouvoir se montrer flexible et s’adapter à leurs besoins. Un personnage, c’est quelque chose qui se crée entre le réalisateur, l’acteur, et le costume. Souvent, c’est lorsqu’ils enfilent les chaussures que les comédiens trouvent leurs personnages. Pour moi, les chaussures sont un élément clef. Parfois, c’est une galère à trouver, ça peut être très compliqué, mais c’est fondamental. C’est un défi que j’adore.“

Dans notre société, au fil de l’histoire, le vêtement est devenu quelque chose de très politique. Alors qu’en soi, c’est un tissu avec des coupes. Et je me dis qu’il serait bon de revenir à cette définition-là, à cette simplicité-là, afin de permettre une plus grande fluidité, une approche et une utilisation du vêtement moins genrée, moins construite, moins organisée en carcans.

Costumière et scénographe de cœur et de formation, Michèle Tonteling pourrait également être considérée comme une artiste multidisciplinaire: elle réalise des court-métrages, des sculptures, monte des expositions collectives qui mêlent performances, danse, musique et vidéos. „Je me définis comme costumière et scénographe. Mais si j’ai du temps libre, je mène toujours de petits projets qui me sont chers. Je me donne beaucoup de liberté. Lorsqu’on fait mon métier, on doit suivre des directives, des textes, la vision des réalisateurs … Quand je mène mes projets à moi, cela me permet d’exprimer quelque chose qui me tient vraiment à cœur. Je le fais pour moi. Ça me fait du bien.“

Série

Cet article fait partie de la série „Artistes entre Luxembourg et Berlin“, dans laquelle notre correspondante Amélie Vrla présente des artistes luxembourgeois-es vivant à Berlin.

Michèle Tonteling vient justement de terminer son troisième court-métrage, „Um Boulevard“. „Mes deux premiers films, (le féministe ,Sot-l’y-laisse‘ et ,Dieter, Doris & die Dorade‘ je les avais réalisés dans les années 2010 dans le cadre de mon master. Pour ,Um Boulevard‘, j’ai utilisé la même technique: du stop-motion. Je suis membre du collectif Independent Little Lies, qui fête ses trente ans d’existence. A cette occasion, on a tous été invités à pouvoir déposer un projet, et j’ai eu envie de monter une scénographie avec plusieurs des membres du collectif. J’aime le stop-motion, car ça évoque un film sur pellicule qui saute. Et aussi parce que, entre deux photos, on a le temps de changer beaucoup d’éléments. On triche, en réalité, et cela me fait rire. Dans ,Um Boulevard‘, j’ai fait le choix de ne jamais faire marcher les acteurs: ils glissent tout le temps. Ça aussi, c’est drôle, on s’est bien amusés.“ L’idée de départ vient à Michèle Tonteling d’une anecdote racontée par une amie costumière et scénographe: „Un technicien lui demandait de le fournir en habits de femmes, car il aimait s’habiller ainsi, en cachette. C’est quelque chose que j’ai moi aussi parfois rencontré dans mon métier – le fait que certaines personnes se vêtent secrètement d’habits que la norme réserve habituellement au sexe opposé. Dans notre société, au fil de l’histoire, le vêtement est devenu quelque chose de très politique. Alors qu’en soi, c’est un tissu avec des coupes. Et je me dis qu’il serait bon de revenir à cette définition-là, à cette simplicité-là, afin de permettre une plus grande fluidité, une approche et une utilisation du vêtement moins genrée, moins construite, moins organisée en carcans. Le film raconte l’histoire d’un homme qui porte des vêtements en cachette dans son garage. Et qui est découvert par sa femme enceinte. Le film sera montré lors de la projection d’un documentaire sur le collectif Independent Little Lies, en novembre prochain. C’est ma sœur, Françoise Tonteling, qui en compose la bande originale.“

Michèle Tonteling collabore depuis de nombreuses années avec sa sœur, comme lors de l’exposition performative „La Plaie enchantée“, au VEWA, en 2022, soutenue par le fonds stART-up de l’Œuvre nationale de secours Grande-Duchesse Charlotte, la Fondation Indépendance et le Trois-CL: „Annick Schadeck dansait, Catherine Elsen était avant tout présente en tant que performeuse, mais également en tant que danseuse. Elsen est une voix que j’adore. Et puis ma sœur jumelle, Françoise Tonteling, composait et jouait la musique. On avait mis un piano à queue dans le grand hangar VEWA de Dudelange. Le son dans cette pièce donnait un effet incroyable. Pour moi, c’est une évidence de travailler avec ma sœur, car elle capte très rapidement ce que je veux exprimer. On a à peine besoin de parler, c’est pratiquement immédiat. Je lui laisse aussi une grande liberté de choix. Elle comprend immédiatement ce que je veux, ce dont j’ai besoin. Et elle peut également très rapidement évaluer si nous avons besoin de nous allier à quelqu’un d’autre. C’est extrêmement agréable comme collaboration. Il y a une confiance infinie. Je crois que c’est quelque chose d’assez rare.“