Dienstag28. Oktober 2025

Demaart De Maart

Week-end en concerts L’Impératrice à l’Atelier et The Stranglers à la Rockhal

Week-end en concerts  / L’Impératrice à l’Atelier et The Stranglers à la Rockhal

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L’Impératrice joue, ce samedi, à l’Atelier; The Stranglers, ce dimanche, à la Rockhal. En attendant leurs lives respectifs, focus sur ces deux groupes.

L’Impératrice

Depuis longtemps, l’italo-disco n’est plus un marqueur géographique, mais un genre, soit le mélange de disco et de pop synthétique. Les effets technologiques et vocaux, aussi futuristes que surannés, chevauchent les grosses boîtes à rythme. Beaucoup de titres sont des plagiats travestis en reprises officieuses, y compris de hits disco du moment, ou d’autres à peine sortis, au succès potentiel, comme s’il s’agissait de récupérer le train en marche, donc d’aller plus vite que la musique. Rétrospectivement, c’est dans la logique des choses: ce qui n’était alors qu’un sous-genre influencera, au fil des années, une pelletée d’artistes et de producteurs qui ne se vanteront pas toujours de ce modèle; c’est d’un goût douteux, étiqueté „guilty pleasure“. Mais les temps changent: aujourd’hui, l’italo-disco fait figure de référence chic.

Il n’y a pas besoin d’être allemand pour faire du krautrock, les 20 dernières années le prouvent encore avec Fujiya & Miyagi (Anglais) ou Zombie Zombie et Turzi (Français). De même, il n’y a pas besoin d’être italien pour faire de l’italo-disco, il n’y a qu’à voir le cas d’Aeroplane alias Vito De Luca (Belge … d’origine italienne) mais, surtout, celui des Américains Chromatics ou Glass Candy, figures de proue d’un label au nom explicite, Italians Do It Better.

Du côté de la France, c’est encore plus clair. En 1998, déjà, Miss Kittin & The Hacker font une reprise de „Dirty Talk“, titre italo signé Klein + M.B.O. En 2019, Alex Rossi, dans „La Famiglia“, enchaîne le name dropping sur les héros du genre („Monica Stucci/Pulga e Ninzatti/Aldo Musci/Elio Conti“ et bien d’autres), soutenu par la rythmique groovy de Romain Guerret, qui, en tant que Dondolo, chante „I Wanna Discover You“, une reprise de She Male. On trouve de l’italo-disco chez Corine, via „Perché Perché“ et „Tutta Sola“ en duo avec feu Pino D’Angio. Et chez L’Impératrice, de façon dispersée dans les morceaux.

L’Impératrice s’inscrit dans la filiation nu-disco, soit le mix entre le disco originel, l’italo-disco, la new wave et la house. C’est une hydre ou une synthèse. Constitué de Charles Dugros de Boisseguin (claviers), Hagni Gwon (claviers), David Gaugué (guitare basse), Achille Trocellier (guitare électrique), Tom Daveau (batterie) et Flore Benguigui au chant, remplacée par Louve, il y a, chez ce groupe, un marqueur géographique, qui n’est autre que Paris. Eclairée, noctambule, la ville-lumière est autant le centre de la French Touch que celle qui a réhabilité, depuis quelques années, les soirées italo. Côté French Touch, il y a le son, mais aussi le visuel; le sextet a le même designer lumière et scénographe que Justice, Vincent Lerisson. Côté italo, il y a le son là aussi, en plus du fait que L’Impératrice a fait une chanson, „Danza Marilù“, avec Fabiana Martone, la chanteuse du groupe disco-funk napolitain Nu Genea.

L’Impératrice possède alors ce chic à la française, ainsi qu’une touche italo vintage, sinon rétro-moderne. Résultat: entre identification géographique et exotisme, le groupe parisien possède une renommée mondiale. Néanmoins, si „Danza Marilù“ est un hommage à l’italo-disco, il y aurait presque un paradoxe dans le fait d’affirmer que c’est … de l’italo. Car le chant est en italien (avec des bouts de napolitain), alors que l’une des caractéristiques du genre, c’est l’interprétation en anglais, avec un accent à couper au couteau. Mais L’Impératrice ne s’arrête pas là: entre disco-funk et cosmic-pop, le guest colore les compositions, Maggie Rogers avec le R&B sur „Any Way“, Erick The Architect pour le rap dans „Sweet & Sublime“ … Il n’y a d’ailleurs pas que le rap qui parle de notre époque: à travers un disque comme „Tako Tsubo“ (2021), L’Impératrice s’empare de sujets connectés au présent, tels que le féminisme et les réseaux sociaux. C’est de la chanson à textes 2.0. Enfin, L’Impératrice s’inscrit dans une sorte de continuité de la chanson française – écouter sa reprise de Michel Berger, „Tant d’amour perdu“. Loredana Bertè, pop star transalpine, a un jour affirmé avec humour, à propos de son statut: „Si Mina est la reine de la musique italienne, alors moi, j’en suis l’impératrice!“ L’Impératrice, la formation, est désormais aux yeux et aux oreilles du monde la reine de la pop française.


The Stranglers

Une valse dans le rock? Il y a des morceaux rock qui, comme la valse, sont en trois temps, „Dear Doctor“ des Rolling Stones ou „Lucy In The Sky With Diamonds“ des Beatles, mais alors une valse à proprement parler? Si en 1980 The Clash sortent leur „Rebel Walz“, The Stranglers, deux ans plus tard, publient „Golden Brown“. Il s’agit d’un air qui traînait depuis des lustres dans l’esprit de Dave Greenfield, le claviériste du groupe. A l’arrivée, c’est une chanson mélodique à souhait, jouée au clavecin, un instrument qui, au début des eighties, s’avère fort ringardisé par les synthés, jusqu’à ce qu’une batterie jazz complète. C’est à la fois une hallucination et une évidence suprême que ce „Golden Brown“ se hisse en tant que tube, alors que c’est peut-être, en fin de compte, l’un des plus gros hold-ups involontaires de l’histoire du rock. Personne n’y croyait: le morceau n’avait rien à voir avec l’époque, et encore moins avec The Stranglers.

Pourquoi un hold-up? Si The Stranglers ont acquis une solide réputation de rockeurs indomptables, il y a, dans ce morceau, le chant velours de Hugh Cornwell, comme si ce dernier avait mué à l’envers. Les Etrangleurs faisaient les durs en cuir, voilà „Golden Brown“, une chanson d’amour dédiée à une femme à la peau mordorée; si l’on s’en tient à la seconde interprétation, Cornwell semble avoir mis du sucre dans son vin, sauf que la poudre, c’est de l’héroïne. Ce titre, hyper populaire, ne doit cependant pas éclipser le reste de la discographie de l’une des formations rock à avoir acquis la plus grande longévité – 50 ans de vie à ce jour. Mais c’est un fait: „Golden Brown“ représente à lui seul le groupe britannique, à travers son permanent contrepied. Ce n’est pas qu’il ait, au fil des années, changé; c’est qu’il n’a jamais cessé de se mouvoir, comme s’il avait renoncé à s’asseoir, les bras croisés.

„Golden Brown“ se trouve sur „La Folie“, concept-album de 1981 sur l’amour (qui inclut le génial „How To Find True Love And Happiness In The Present Day?“). Si les seventies incarnent la fièvre des Stranglers, avec des titres bruts de décoffrage sur lesquels les corps peuvent, en concert, s’entrechoquer, le début des eighties, c’est l’âge d’or du songwriting; il y a le savoir-faire et le jus, toujours frais et brûlant. En 1983, sort „Féline“, l’album „européen“ des Stranglers, il est empreint d’une sonorité hispanique, via les guitares, il y a des incursions en France – pas de valse cette fois, mais un (faux) tango, „Let’s Tango In Paris“ – ou bien en Italie, avec „All Roads To Rome“ et sa farandole de synthés. Mais aussi: la batterie électronique, une tonalité mélancolique (le magnifique „Midnight Summer Dream“). Et, bien sûr, le jeu de basse, agressif et mélodique, de Jean-Jacques Burnel. Sans oublier qu’en 1981, Burnel produit l’ultime album rock hexagonal: „Seppuku“ de Taxi Girl.

C’est en 1974, l’année de naissance des Ramones, que The Stranglers se forment. Et quand le punk démantibule tout par la violence et la concision, les Anglais s’amusent, comme les antagonistes du prog, à étirer leurs morceaux jusqu’à plus soif. Une provocation. Avec „The Gospel According to the Meninblack“ (1981), concept-album sur une conspiration extraterrestre, The Stranglers s’imposent, après Johnny Cash, en tant que „men in black“. Ajoutons „The Raven“ (1979) et nous avons là un combo qui flirte avec le gothique. Sur „Just Like Nothing On Earth“ on dirait que Cornwell rappe. Il y a aussi, comme chez The Clash, des incartades reggae („Permission“). N’omettons pas le tube eighties „Always The Sun“. Et cette valse donc, „Golden Brown“. The Stranglers restent incernables. Il s’agit de prendre le contrepied, oui. Et d’être même „contrepunk“. C’est ainsi que The Stranglers sont les derniers punks.