Samstag15. November 2025

Demaart De Maart

Mathieu Clement en concert à EttelbruckLes Luxembourgeois do it batteur

Mathieu Clement en concert à Ettelbruck / Les Luxembourgeois do it batteur
Mathieu Clement: „Mes parents me racontent souvent cette anecdote: une fois, ils m’ont offert des jouets et je les ai sortis de leur emballage pour ... faire du bruit avec l’emballage! Ils se sont dit qu’il fallait m’offrir une batterie.“ Photo: Ben Kugener

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Cette année, le batteur Mathieu Clement a sorti son premier disque de jazz, „Coming Home“. Âgé de vingt-deux ans, le batteur luxembourgeois fait indéniablement partie des jeunes prodiges du genre. En jouant ce vendredi 20 octobre au Centre des arts pluriels Ettelbruck, Mathieu renvoie au titre de son album puisqu’il revient à la maison.

Pour Mathieu Clement, le jazz est une passion de famille qui s’est naturellement muée en transmission. Organiste d’église, son père joue du piano jazz alors que son grand-père, tout aussi amateur du genre, a plus d’une fois l’occasion de photographier des légendes, dont la future idole de Mathieu, Art Blakey. Les premiers émois rythmiques du Luxembourgeois s’avèrent précoces, comme il en témoigne avec un sourire nostalgique: „Mes parents me racontent souvent cette anecdote: une fois, ils m’ont offert des jouets et je les ai sortis de leur emballage pour … faire du bruit avec l’emballage! Ils se sont dit qu’il fallait m’offrir une batterie. C’est comme cela que j’ai obtenu une petite caisse claire.“ Mathieu se met à la batterie alors qu’il a sept ans, l’âge de la raison. Ainsi, au Conservatoire du Nord, il suit des cours intitulés „Improvisations“, cours pendant lesquels il joue de l’instrument sans notes: il s’agit juste – normal pour un enfant – de jouer.

Un an plus tard, Mathieu se sert autrement de ses mains, pour taper sur des percussions classiques. Au jazz il préfère le rock, Rage Against The Machine ou bien Frank Zappa, ce qui est encore un signe pour la suite, vu les liens étroits qu’entretient ce dernier avec le jazz – rappelons notamment qu’en 1986, Zappa sort le bien-nommé disque „Jazz From Hell“. À treize ans, son grand-père ne lui offre pas une nouvelle caisse claire, mais des albums de jazz tels que ceux de Miles Davis ou, revenons-y, du batteur Art Blakey. „Avant, j’étais moins prêt pour ce genre de musique“, admet aujourd’hui le concerné. Si, chez beaucoup d’individus, l’adolescence symbolise l’étape incertaine de la vie quant aux choix pour l’avenir, Mathieu Clement tranche d’un coup de baguette définitive: le genre dans lequel il évoluera sera le jazz. Et si, d’après Rimbaud, on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, c’est à cet âge-là que Mathieu Clement met les percussions de côté pour se consacrer exclusivement à sa passion première, la batterie.

Jeune prodige 

Mathieu Clement part alors à Cologne pour prendre des cours avec Jonas Burgwinkel. Mathieu est l’élève que Jonas élève, dans le sens de faire grandir: „S’il est l’un des batteurs les plus établis en Europe, il ne veut néanmoins pas faire de moi un Jonas numéro deux. Jonas peut tout expliquer et tout faire, mais il essaye de trouver le bon équilibre pour que je cherche tout seul. Jusqu’à trouver ma propre voie.“ Le jour de ses vingt ans, Mathieu crée son groupe, un sextet composé de deux saxophonistes ténors (Victor Fox et Adrian Gallet), d’un trompettiste (Jakob Bänsch), d’un pianiste (Leon Hattori) et d’un contrebassiste (Jan Blikslager). En 2022, il revient à Cologne pour enregistrer son premier album, „Coming Home“. Le jeune prodige luxembourgeois devient en fait un chef d’orchestre, avec deux baguettes: celles, bien sûr, de la batterie.

Lorsque Mathieu donne les partitions à ses compères, il leur cède un bel espace de liberté, conscient qu’il peut sans cesse apprendre à travers le savoir-faire de chacun: „J’écris les thèmes, les formes, mais à partir de là tout est possible; il y a des moments où l’on oublie la structure basique pour se laisser aller à une libre improvisation.“ L’album dégage cette fougue propre à la jeunesse mêlée à une inflexible rigueur, comme une envie de s’éclater – avec grand sérieux. Un morceau comme „Like A Monk Tune“ se base sur les traditions classiques du jazz quand sur „The Sleepwaker“, où Mathieu tâte aussi du vibraphone, le piano serein se faufile entre les instruments à vent. Plusieurs titres, tels que „Mad Mat“, soutenu par une walking bass, s’accordent ladite liberté à travers de beaux solos déchaînés. En termes de références, les noms qui reviennent sont ceux de Joe Henderson, Wayne Shorter et Thelonious Monk; Mathieu les connaît sur le bout des doigts, au point de les dépasser, dans le sens ici de s’en détacher, pour se distinguer.

„Je dis aux jeunes que je fais de la musique ancienne. J’adore le hip-hop, mais je veux d’abord me concentrer sur les racines. Je sais qu’un jour j’enregistrerai des morceaux plus ancrés dans mon époque.

Mathieu Clement,  jazzman

Deux ans après l’enregistrement de l’album, Mathieu considère que le terme „groupe“ prend tout son sens, s’il est employé comme synonyme de symbiose: „Il y a des mots que nous ne nous dirons pas, mais tout sera clair une fois que nous jouerons.“ Lorsqu’il s’agit de définir son style, modern jazz, Mathieu exprime sa gratitude envers les anciens: „Nous essayons de faire ce que mes idoles ont fait, mais il est certain que nous vivons dans un autre temps et que nous n’allons pas faire comme eux.“ En effet, nous vivons dans un autre temps: il n’y a pas besoin de faire une enquête pour savoir que le jazz n’est pas le genre musical le plus plébiscité par la jeunesse. Par rapport aux autres gens de son âge, est-ce qu’il y a un décalage insoluble ou de véritables possibilités de partage? La réponse de Mathieu fait preuve d’une grande maturité: „Je dis aux jeunes que je fais de la musique ancienne. J’adore le hip-hop, mais je veux d’abord me concentrer sur les racines. Je sais qu’un jour j’enregistrerai des morceaux plus ancrés dans mon époque, mais je dois d’abord apprendre le jazz, pour après être plus convaincant dans les autres genres.“ Enfin, concernant ses concerts, on serait tenté de se demander si le plus jeune dans la salle ne serait pas … Mathieu Clement! La réaction est à la contradiction: „Jakob Bänsch, le trompettiste, n’a que vingt ans! En jouant à Belgrade, j’avais été surpris parce que la salle était emplie de jeunes. Je pense qu’il y aura tous les âges au CAPe.“ Réponse demain.

La pochette du premier album de Mathieu Clement, sorti cette année 
La pochette du premier album de Mathieu Clement, sorti cette année