Mittwoch5. November 2025

Demaart De Maart

Alliage vibrantLe duo Carolina & Jason fusionne jazz, bossa et pop – et sera en concert dimanche au Liquid Bar

Alliage vibrant / Le duo Carolina & Jason fusionne jazz, bossa et pop – et sera en concert dimanche au Liquid Bar
Carolina Marcelino et Jason Kavanagh: leur duo se joue de l’épure sans tomber dans l’ascèse

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Carolina & Jason fusionnent jazz, bossa et pop dans un duo vibrant: la voix douce et mélancolique de Carolina enlace la guitare nuancée de Jason, pour des performances intimes et lumineuses. Le duo joue au Liquid Bar ce dimanche. Focus.

Il y a quelque chose d’inévitable dans leur rencontre, comme un motif récurrent que la musique aurait pré-écrit avant même leur premier accord. Le printemps 2023 marque l’amorce de cette trajectoire à deux voix et six cordes: Carolina Marcelino, originaire du Portugal, et Jason Kavanagh, Irlandais expatrié, se retrouvent autour de leur passion commune, la performance. Non pas la performance au sens bravache du terme – la technique qui écrase – mais celle qui laisse une brèche ouverte à l’accident, à l’imprévu qui devient beauté. Eux aiment cet instant de flottement où l’on se regarde, où l’on écoute l’autre plus que soi-même, et où quelque chose se décide, sans calcul. Improviser, c’est jouer pour vivre, pas seulement pour bien jouer. Dans leur musique, la structure n’est jamais rigide. Elle se courbe au gré d’une respiration commune. Carolina apporte la voix parfois ourlée de cette mélancolie solaire typique des artistes lusophones. Elle a grandi dans un bain de musique classique, piano au conservatoire, discipline droite et exigeante, avant de se tourner vers le jazz et d’ouvrir son spectre à la performance vocale. Son chant porte un timbre à la fois velouté et légèrement râpeux, un de ces grains dont on se souvient même après l’ultime note. La saudade, cette nostalgie active et sans plainte, coule en elle naturellement. Elle aurait pu chanter en portugais, langue qui épouse chaque consonne, chaque soupir, mais c’est l’anglais qu’elle adopte pour l’instant, comme un pont vers Jason, vers leur répertoire commun, vers le public.

Jason, lui, vient d’Irlande mais c’est au Royaume-Uni qu’il a affûté son art, études musicales complètes et immersion londonienne où l’on apprend l’écoute, l’humilité et la maîtrise. Sa guitare sait se taire, laisser la voix de Carolina avancer seule avant de revenir par en-dessous, par un accord tendu ou un arpège limpide, comme une vague qui soutient mais ne noie jamais. Sa connaissance profonde de l’harmonie jazz se révèle à travers un jeu articulé, jamais démonstratif, et toujours en relation: il sait que la guitare est un corps qui vibre, pas une machine à solos.

Un langage, pas un style

La musique de Carolina & Jason est avant tout smooth, certes, mais ce lissage apparent est un trompe-l’œil. Car il ne s’agit pas ici d’une douceur anodine, décorative. Leur smoothness possède cette densité que l’on retrouve dans la bossa nova, genre qu’ils convoquent parfois, et qui est bien plus qu’une couleur „tropicale“: c’est une philosophie de la retenue. Carolina, bercée par les géants de la pop brésilienne, et il y en a, des géants, de Caetano Veloso à Gilberto Gil en passant par Marcos Valle ou Chico Buarque, tous héritiers d’un même sens aigu de la ligne mélodique et du raffinement harmonique – apporte cette qualité impalpable: un soleil intérieur traversé d’ombres longues. Comme le disait Caetano Veloso, „la bossa nova n’est pas un style, c’est un langage“.

Dans la reprise du duo, cette dimension apparaît en filigrane. „Just the Two of Us“, qui rechante Bill Withers, conserve son groove feutré, tout en laissant s’échapper un sourire dans la voix de Carolina, qui en modifie la texture. Leur version de „Black Coffee“ révèle un autre pan, soit un blues sec et noble. Ce standard, chanté par Ella Fitzgerald, Ray Charles et même, plus tardivement, par Marianne Faithfull (sur „Easy Come, Easy Go“, en 2008), dit toujours la même chose – l’absence – mais chaque interprète y pose un accent différent, une déchirure unique.

Carolina y instille ce mélange de fragilité et de force tranquille qui évoque la tessiture de Natalia Lafourcade, artiste qu’elle admire justement pour sa capacité à allier tradition et modernité, élégance et fermeté. Ce qui distingue Carolina & Jason, au-delà des timbres et des notes, c’est leur conception de la performance comme conversation. Lui, adepte de Miles Davis et des grands noms du jazz modal, a retenu la leçon du silence, de l’espace laissé vide. Elle, amoureuse d’Ella Fitzgerald mais pas de free jazz – elle aime que la mélodie demeure, que le jazz reste pop – apporte cette clarté. Car même si le jazz peut adoucir les mœurs, comme le veut l’adage, leur musique n’a rien d’un simple fond sonore: elle possède ce grain d’imprévu, ce petit éclat d’accident, qui fait lever la tête du verre.

Dans leurs lives, ce principe devient manifeste. Leur duo se joue de l’épure sans tomber dans l’ascèse. Un chant et une guitare, c’est peu, mais c’est assez pour que tout arrive: un contretemps, un ralentissement soudain, un silence après un mot, une note suspendue qui devient centre de gravité. Cette esthétique de la simplicité vibrante, Carolina et Jason la cultivent sans effet de manche. Leur répertoire mêle standards et arrangements personnels, avec toujours la même exigence: être là, ensemble, dans l’instant. Juste faire naître un lieu où le temps se dilate. Ensemble, ils forment un son qui ne ressemble ni tout à fait à du jazz classique, ni tout à fait à de la pop, ni tout à fait à de la bossa. C’est cette indéfinition, ce territoire mouvant, qui constitue leur signature. Et si demain Carolina décidait de chanter en portugais, nul doute que Jason trouverait l’accord exact, celui qui fait surgir l’évidence.