Funk-psychéKaléidoscope oriental: A l’autre bout du monde avec Sababa Five

Funk-psyché / Kaléidoscope oriental: A l’autre bout du monde avec Sababa Five
   

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Avec son funk planant et protéiforme, Sababa Five n’en finit pas de faire tourner la tête et de briser les frontières entre les musiques du monde. Le quartet de Tel-Aviv vient jouer ce vendredi à la Kulturfabrik: dépaysement garanti. C’est l’occasion de parler de ce groupe virtuose, à la fois instrumental et polyglotte.

Le terme „world music“ reste discutable: il s’agit souvent de l’étiquette collée à toute production ne venant pas de l’occident. Au milieu des sixties, en Angleterre et aux Etats-Unis, un genre musical fleurit avec force et éclat: le rock psychédélique. Parsemé de distorsions, de feedbacks et autres effets détonants (phaser, réverbérations), bourré d’orgues électroniques et de mellotron, il contient encore du sitar, des tablas, ainsi que d’autres éléments de la musique orientale. Et ce, avant que le prog rock creuse un peu plus les murs – ou plutôt les frontières. Sous psyché, l’esprit plane; l’horizon n’a plus de limites. La pop noir et blanc se change en pop multicolore. She’s a rainbow. Face à la secousse kaléidoscopique, le Moyen-Orient tâte aussi du psychédélisme, en tout cas des pays tels que la Turquie ou l’Iran – voir, ou plutôt écouter, la compilation „Raks Raks Raks: 17 Golden Garage Psych Nuggets From The Iranian 60s Scene“. Moyen-Orient aujourd’hui. Pays: Israël. A travers les disques de Hoodna Orchestra, Tigris ou Kutiman, Ouzo Bazooka, Gili Yalo, Liraz Chahri, psychédélisme, funk et musique orientales font des étincelles – onctuosité, virtuosité, beauté. Sababa Five, groupe de Tel-Aviv, complète la brillante liste.

Very good trip

A l’instar des trois mousquetaires, Sababa Five sont quatre: il y a le guitariste Ilan Smilan, le bassiste Amir Sadot, le batteur Raz Man, le claviériste Eitan Drabkin et le percussionniste Oded Aloni. Sauf que, comme on le dirait à propos d’individus fusionnels, ils ne forment qu’un. A la source de ces frères de son: la soul et le funk des seventies, bien revitalisés, survitaminés, teintés de psyché. Leurs influences vont de The Gondors, bande psyché planante qui a débuté à Tel-Aviv et réside aujourd’hui à Berlin, jusqu’à Gökçen Kaynatan, l’un des précurseurs de l’électro turque, en passant par Cochemea Gastelum, l’un des flamboyants symboles de la scène jazz funk, afrobeat et soul de Brooklyn. Chez Sababa Five, la rythmique est aussi afro; et la sauce dub et boogie imposent davantage l’ondulation. On pense parfois au duo Nu Genea, qui s’appuie sur une base funky, en napolitain dans le texte, pour lorgner du côté là encore de l’afrobeat. Sababa Five: voici une musique qui a un air de déjà entendu, non pas parce qu’elle œuvrerait dans le recyclage, mais parce qu’elle possède l’évidence pop universelle, aussi expérimentale soit-elle et haut perchée. En tant que musique instrumentale, il y a de quoi donner de la mélodie à nos sifflements débonnaires, comme il y a de quoi générer une ribambelle d’images à partir de leurs zigzags géographiques; ce goût de l’ailleurs fait tourner la tête (et le corps) comme un globe terrestre.

Avec Sababa Five, il n’y a plus murs, il n’y a plus de frontières. Eparpillés aux quatre coins des morceaux, les compositions empruntent aux sonorités venues d’Iran, d’Ethiopie, du Soudan, de Somalie, d’Egypte ou de Turquie. A l’évidence, le quartet puise encore son inspiration dans les traditions locales de son pays, à savoir la musique mizrahi, qui déjà est une fusion entre musique israélienne et éléments européens, nord-africains et arabes. Ce n’est pas tout: une belle touche japonaise s’ajoute au répertoire de Sababa Five via les vocalises de Yurika Hanashima („Tokyo Midnight“) ainsi que le yéménite à travers le chant de Shiran Tzfira („Rali“). 

Si l’esprit plane ici, c’est parce que l’imagination danse. Sababa Five s’amuse avec la répétition d’un motif tout en contrebalançant avec des pistes digressives, celles-ci finissant par s’emboîter façon poupées russes. Les doigts s’écrabouillent sur le synthétiseur, qui génère sa propre réverbération, les effets propres au psyché sont déployés, pendant que les percussions et les guitares font de longues descentes et montées, le tout fixé par ce groove chaud qui sautille comme un soleil rebondirait sur la mer. „Trip“ ne signifie pas délire sous acide, mais bien „voyage“. De quoi justifier le concept un peu vague de „musiques du monde“.

Ce soir à la Kulturfabrik, 20 h 

L’album de Sababa 5 sorti en 2021
L’album de Sababa 5 sorti en 2021