ExpositionJulia Margaret Cameron au Jeu de Paume à Paris: Le temps de la pose

Exposition / Julia Margaret Cameron au Jeu de Paume à Paris: Le temps de la pose
9. Julia Margaret Cameron – The Astronomer John Frederick William – Herschel [L’astronome John Frederick William – Herschel], 1867 – Tirage albuminé

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L’exposition consacrée à la photographe britannique Julia Margaret Cameron (1815, Calcutta – 1879, Ceylan) est un voyage dans l’histoire de la photographie, doublé d’un parti pris esthétique fort, à rebours des exigences de l’époque.

Les photographes des années 1870 à 1890 tournaient leurs recherches du côté de la modernité en réduisant le temps de pose et en désirant une transcription au plus près du réel. La photo se devait d’être la plus nette possible. Julia Margaret Cameron ne s’intéresse pas à cette problématique, elle n’est pas dans l’instantanéité ni la saisie sur le vif. Ses photos sont au contraire très élaborées et nécessitent un long temps de pose. Ses sujets relèvent de l’atemporalité. Par les attitudes, les drapés, ils évoquent la sculpture et la peinture de la Renaissance italienne, de manière explicite, et non la vitesse du XIXe siècle. En traversant ainsi son époque, alors vivement critiquée pour ses flous et sa théâtralité, ses mises en scène, la façon quasi statuaire d’offrir au regard ses personnages, laissant volontairement les imperfections de la photo visibles, rayures et autres traces, J.M. Cameron fait preuve de modernité et devient une référence dans le monde de la photographie.

S’affranchir de la technique en vogue

Le potentiel de la photo prend ici une autre tournure. La servante de Cameron, Mary, par exemple, est donnée comme une figure chrétienne, sculpture aux paupières lourdes et entrouvertes, au profil délicat, comme en prière. Nous nous ouvrons à une esthétique qui cherche à s’affranchir de la technique pour un univers non documentaire, proche de la grâce d’un roman de Virginia Woolf, qui n’est autre que la petite-nièce de la photographe. Ajoutons que J.M. Cameron était amie avec le peintre Dante Gabriel Rossetti, l’un des fondateurs du mouvement préraphaélite, qui l’a beaucoup inspirée.

À l’origine de cet univers raffiné, à l’ombre des jeunes filles en fleur et des célébrités, il y a une époque, une tradition culturelle, un milieu aisé, un bon goût et une excentricité que la photo a permis de poser. Tout en sachant que la photographie d’alors ne pouvait être que le privilège des hauts rangs, tant l’expérimentation pouvait s’avérer coûteuse.

J.M. Cameron, élevée entre la France et l’Inde, a rejoint l’Angleterre lorsque son mari a pris sa retraite en 1848 – il travaillait dans l’administration coloniale britannique. Ils s’installent sur l’île de Wight où nombre d’artistes et d’écrivains les entourent. J.M. Cameron reçoit son premier appareil photographique à l’âge de quarante-huit ans. On peut penser qu’elle est familiarisée avec ce médium, car, avec sûreté, elle se met à photographier son entourage, ses amis, organisant son travail autour de trois catégories, les portraits, les madones, les sujets d’imagination. Pour pallier certaines difficultés financières, elle photographie des célébrités, en cherchant elle-même ses propres sujets. Tout en continuant à travailler à rebours des canons de la photographie commerciale, par de grands formats et sans se préoccuper, répétons-le, de l’instantanéité, elle s’occupe elle-même de diffuser ses photos. Lorsqu’elle retourne vivre à Ceylan, actuel Sri Lanka, elle a produit en douze ans nombre d’images ainsi qu’un texte autobiographique, resté inachevé, intitulé „Annales de ma maison de verre“.

Des élégances de marbre

J.M. Cameron est croyante. En fervente chrétienne, elle conçoit chaque image comme „l’incarnation d’une prière“. Le clair-obscur dont elle use, ainsi que les plis des vêtements et les poses comme figées expriment à chaque fois une idéalisation, une atemporalité, une élévation. Respectueuse de ses sujets, elle les embellit en les transcendant par la lumière et ce flouté qui les pose à jamais, dans des élégances de marbre. Sa jeune servante, Mary, est présente sur nombre de clichés, mariale et simple à la fois. Comme s’il s’agissait de célébrer à chaque fois la vertu, la simplicité, l’empathie. Les portraits sont également traités selon les canons de la Renaissance italienne, en utilisant drapés et coiffes, sans oublier l’angle de la prise de vue.

Les mises en scènes de grands textes par la photo sont très tôt critiquées dans l’œuvre de Cameron. Comme si l’imaginaire se retrouvait à l’étroit dans ces images, où l’idéal de beauté, selon certains, se trouve mis à mal. Scènes costumées comme des reproductions de toiles célèbres, mais aussi des représentations de la mythologie ou de la littérature, sans autre référence alors que le texte et l’improvisation. Ces formes de théâtre, enregistrées par J.M. Cameron, étaient un mode récréatif de la société victorienne. Ce sont aujourd’hui des archivages de manières qui obligeaient la photo par ses temps de pose. Ainsi peut-on voir „Friar Laurent and Juliet“ (Frère Laurent et Juliet, 1865) où deux modèles de Cameron, Henry Taylor et Mary Hiller, prennent la pose pour une scène tirée de Roméo et Juliette de Shakespeare, après que le moine a donné une potion à la jeune fille qui la plonge dans un sommeil si profond qu’elle paraît morte. D’autres exemples célèbres défilent, sans oublier les enfants qui viennent nimber cet univers de leurs ailes d’anges, J.M. Cameron s’inspire pour les photographier des putti (chérubins) de la Renaissance.

Tout un univers en clair-obscur, digne des légendes du temps passé, s’offre là, avec élégance et sensibilité.

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Info

Julia Margaret Cameron
Capturer la beauté
Jusqu’au 28 janvier 2024
Jeu de Paume
1, Place de la Concorde
75001 Paris
www.jeudepaume.org