Musée d’art moderne de ParisJean Hélion: un ardent défenseur de l’abstraction

Musée d’art moderne de Paris / Jean Hélion: un ardent défenseur de l’abstraction
Jean Hélion (1904-1987): „Grande mannequinerie“ (1951)  Photo: Julien Vidal/Musée d’art moderne/Roger-Viollet

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La rétrospective de l’œuvre du peintre français Jean Hélion (1904-1987) nous permet de redécouvrir l’univers d’une figure majeure de l’histoire de la peinture. Si Jean Hélion a connu le succès de son vivant, son travail demeure largement méconnu aujourd’hui.

Jean Hélion a pour particularité d’avoir épousé nombre de styles, de citer ses références, tout en s’appropriant un univers. Passant par le figuratif, traversant avec fulgurance l’abstraction, il reviendra à la figure avec une grande liberté, fort de ses expérimentations. Intellectuel, il cherchera dans le quotidien matière à sublimer. Il rouvre les perspectives de sa peinture, par des recensions d’objets, en utilisant ses techniques passées, dans des fresques qui sont autant de palimpsestes. L’exposition présente les diverses périodes comme autant d’intervalles de création et de perception de la société moderne. Le regard aiguisé, nous éprouvons, depuis les citrouilles jusqu’aux parapluies, aux visages et silhouettes stylisés, un monde joyeux, vif, en résonance métaphysique.

Un ardent défenseur de l’abstraction

Né en 1904 dans l’Orne, après avoir abandonné des études de chimie, Jean Hélion se tourne vers la poésie et la peinture. Pour gagner sa vie, il est dessinateur chez un architecte. Il expose à la Foire aux croûtes de Montmartre. Ses toiles sont fortes, influencées par l’œuvre de Chaïm Soutine. Des objets, comme „Trombone“ (1928, huile sur toile) ou „Nature morte au pot“ (1929, huile sur toile) portent une puissance intérieure, affirmée par la couleur, comme si tout criait. La nécessité est là. Jean Hélion est aussi un intellectuel. Et il s’agit de trouver le répertoire qui lui convient. Les rencontres seront déterminantes. Le peintre uruguayen Joaquin Torres-Garcia l’initie au cubisme, en 1921. Et en 1929, Jean Hélion fait la connaissance de Theo van Doesburg, avec lequel, entre autres, il fonde le groupe Art concret. L’année suivante, il participe à la création d’Abstraction-Création, rejoint par Robert Delaunay, Jean Arp, Piet Mondrian. Entre 1920 et 1930, Jean Hélion est un ardent défenseur de l’abstraction. Les influences sont fortes. Celle de Mondrian, par les lignes géométriques, le répertoire de la couleur, celle de Jean Arp, par des volumes qui tiennent l’espace, dans une vibration en équilibre.

„Nature morte à la citrouille“
„Nature morte à la citrouille“ Photo: RMN-Grand Palais/Gérard Blot; ADAGP, Paris, 2024

Jean Hélion part vivre aux Etats-Unis, en Virginie, où il devient le conseiller d’un grand collectionneur, A.E. Gallatin. Marcel Duchamp est l’un de ses amis, et il correspond avec Raymond Queneau. Jean Hélion, fort de son succès, travaille l’abstraction jusqu’aux prémices de son retour à la figure humaine. „Figure rose“ (avril-septembre 1937, huile sur toile) en est un exemple. Par une combinaison d’aplats, de volumes, de couleurs, une figure, tête penchée, apparaît. Bien entendu, nous avons des références archétypales du cubisme pour lire cette œuvre, mais en même temps, comme à chaque fois, Jean Hélion s’approprie un vocabulaire formel pour aller plus loin. Figure tombée (1939) sonne le glas de l’abstraction, avec audace et force. Une figure démantibulée git dans ses volumes épars. Ceci en écho à la guerre. Mobilisé, Jean Hélion rentre en France. Fait prisonnier, il s’évade en 1942. De retour aux Etats-Unis, son récit sur sa captivité, „They Shall Not Have Me“, connaît un grand succès. Après le décès de sa première épouse, il se marie avec Pegeen Vail, fille de Peggy Guggenheim. En 1946, il s’installe définitivement en France, à Paris.

„Figure tombée“ (1939)
„Figure tombée“ (1939) Photo: Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN Grand Palais/Georges Meguerditchian 

A rebours de son époque

Il faut dire que, devenu figure de proue de l’abstraction, la quittant pour la figuration, il est à rebours de son époque. On ne le comprend plus. Jean Hélion espère une meilleure réception de son œuvre en France, ce qui n’est pas évident, tant l’abstraction triomphe. Il poursuit cependant ses recherches dans la veine figurative, ramène des Etats-Unis une façon de faire, ses visages sont des raccourcis saisissants, d’une belle dextérité, un peu à la façon d’une bande dessinée. Les vitrines, avec leurs mannequins, semblent d’inspiration américaine, les citrouilles, les silhouettes masculines également, aux pantalons aux volumes traités de manière audacieuse. Sa manière de décliner la vie, telle une fresque, appartient à la fois, dans son dépouillement et sa recension d’êtres et d’objets, par sa technique, à l’ancien et au nouveau monde. Elégance, inventaire à la Prévert, mais aussi plaisir presque enfantin de donner de la couleur et des silhouettes à la vie. „Je crois que l’œuvre doit éveiller ce public, le réveiller, l’intéresser, l’amuser, lui donner du plaisir, de la joie, sans cesser d’être intérieure. Je refuse, ici comme ailleurs, la contradiction du spirituel et du matériel.“ (Jean Hélion, Mémoire de la chambre jaune, Paris, Ensba, 1999)

Jean Hélion connaît des problèmes de vue, qui le rendront aveugle à la fin de sa vie. La peinture n’en garde pas moins son côté jubilatoire. Plus dépouillée, elle éclate de couleurs. Avec réalisme et la nécessité de la vérité, Jean Hélion peint des autoportraits en vieillard. Cette exposition, remarquable, nous redonne un parcours riche, celui d’un observateur, sans concessions, du réel, jusque dans les moindres détails.

Jean Hélion: La prose du monde

Jusqu’au 18 août 2024

Musée d’art moderne de Paris
11, avenue du Président Wilson
75016 Paris

www.mam.paris.fr