Cinéma„How to have sex“ aborde avec finesse l’expérience féminine de la première fois

Cinéma / „How to have sex“ aborde avec finesse l’expérience féminine de la première fois
Mia McKenna-Bruce dans „How to have sex“

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„How to have sex“ est une plongée en apnée dans une orgie géante où les sentiments n’ont visiblement pas leur place. Le film, qui a reçu Un Certain Regard au Festival de Cannes en mai dernier, aborde avec finesse l’expérience féminine de la première fois.

Ces vacances à Malia, Tara et ses amies Skye et Em les attendaient depuis longtemps. Elles célèbrent la fin de leurs années au lycée. Elles quittent l’adolescence vers un statut d’adulte, idéalisé. Ce rite de passage, les trois amies vont le vivre à fond. Sur une île grecque où l’alcool coule à flot, où l’injonction festive est à tous les étages. Où la liberté – vraiment? – les attend. Y compris, chez leurs jeunes voisins de chambrée, britanniques eux aussi, qui sont là pour se défouler. Plaire, séduire et coucher … le cliché „sea, sex and sun“ apparaît dès les premières images. Cinquante ans plus tard, le mécanisme se transmet de génération en génération. Pour sa première réalisation, la jeune Britannique Molly Manning Walker va plus loin. Dans cette atmosphère imbibée d’alcool, elle filme des personnes. Elle scrute des visages, surtout ce que ces adolescents ne veulent pas montrer : des doutes, des sentiments. Car chacun joue ce qu’on attend de lui. Tara (épatante Mia McKenna-Bruce) ne pense qu’à une chose : renoncer enfin à sa virginité. Le Tageblatt a rencontré la comédienne britannique.

Pouvez-vous nous parler du tournage?

Mia McKenna-Bruce: Molly a encouragé les acteurs à faire connaissance, en les invitant à se filmer et à s’interviewer. Les techniciens étaient encadrés par un thérapeute et un coordinateur d’intimité. Chacun pouvait dire stop à tout moment. Molly a filmé au plus près des visages. Les lueurs aveuglantes et hypnotiques des projecteurs, les filles faisant un concours de fellation à des garçons consentants, le tempo assourdissant des basses, l’orgie géante, l’excitation de la foule … tout cela illustre suffisamment le traumatisme de la première fois. De Tara, mais aussi de tous les jeunes. L’histoire de Tara –et de Molly Manning Walker – est universelle.

Tara est-elle représentative d’une jeune fille d’aujourd’hui?

Tara ne sait pas ce qui se passe. À 16 ans, vous êtes à l’aube de l’âge adulte. Je me souviens d’avoir été intrépide, mais craintive en même temps. Vous êtes dans une position à la fois: „Je peux affronter le monde et je peux tout faire“ et „En fait, je n’ai aucune idée de ce qui se passe.“ Oui, je pense que Tara est très représentative de la jeunesse d’aujourd’hui, mais pas seulement. Depuis que les gens ont vu le film, plusieurs générations ont dit reconnaître quelque chose dans cette histoire. 

Le sexe est partout …

Oui, et je pense qu’il constitue une partie de la pression. Vous voyez le sexe partout, mais vous n’avez pas vraiment de dialogues sur la façon dont il peut être une chose positive, la plupart du temps. C’est pourquoi ce film est si important, car il suscite des prises de paroles.

Tara semble ne pas vraiment choisir son partenaire pour sa première nuit d’amour …

Exactement. Elle est très clairement mal à l’aise dans la situation. Elle est ivre. Elle est tellement passionnée, trop nerveuse à l’idée de ne plus être vierge. L’enjeu est de taille, pour elle. Elle veut changer de statut, être „comme les autres“. Mais peut-être ne veut-elle pas nécessairement l’acte sexuel, car elle n’est pas prête. Elle préfère Paddy avec qui elle a une meilleure relation. On pourrait dire qu’elle a des sentiments pour lui. Quand elle fait l’amour avec quelqu’un d’autre, c’est comme un accident. Tara a l’impression de vouloir cette nuit d’amour, mais elle est sous la pression des autres, en particulier de Skye qui lui dit que Paddy est un clown et qu’elle mérite mieux. Tara agit en fonction de ce qu’on attend d’elle. Elle arrive à un point où elle se sent obligée. Donc, encore une fois, elle ne comprend pas ses propres sentiments et ne se fait pas suffisamment confiance.

Pensez-vous que Tara a de bonnes amies?

Je pense que quand on est jeune, on croit qu’on restera amis pour la vie. Ce n’est pas toujours le cas. Et c’est normal. Parfois, les amis sont circonstanciels, liés à un contexte. Skye, en particulier, n’est pas forcément une bonne amie pour Tara, pour la simple raison qu’elle traverse ses propres insécurités. Les cheminements personnels de Skye et de Tara ne s’alignent pas nécessairement l’un avec l’autre. Et à cet âge-là, vous ne réalisez pas vraiment que vous n’avez pas à supporter quelqu’un comme Skye.

Tara est en contact téléphonique avec sa mère …

Oui, et je tenais beaucoup à cet aspect de mon personnage. Moi-même, j’ai vécu une expérience de fuite en avant à l’âge de dix-huit ans, suite à une déception professionnelle. Il fallait que j’aille le plus loin possible. J’étais partie avec une amie en Australie, pendant six mois. Cela me permettait de réfléchir. J’avais la chance de vivre de manière indépendante, d’avoir mon propre argent, même si le boulot –employée dans un centre d’appels – ne me convenait pas du tout. Je restais en contact avec ma mère, malgré tout. Elle me suppliait de revenir à la maison. Elle réagissait de la façon dont les parents sont censés réagir. Elle n’était pas vraiment inquiète, mais elle me poussait à reprendre des cours de théâtre. Elle a toujours cru en moi. Ce contact avec les parents est très important. D’ailleurs, dans le film, Skye ne se préoccupe pas du tout de cela. Elle se moque même de Tara qu’elle taxe d’innocente parce qu’elle garde cette relation avec sa mère.

Tara est très triste après le sexe. Elle déambule dans les rues désertes de Malia. Pourquoi ?

Elle est triste parce qu’elle n’a pas eu une expérience agréable. Ce qu’elle désire vraiment, c’est entrer en relation avec l’autre. Elle a vécu sa première expérience sexuelle sans une rencontre véritable. Sa virginité lui a été enlevée dans une situation pas très agréable. Je pense aussi que Tara s’est sentie exploitée. Le film montre bien tous les ressentis, la confusion de Tara. Et, à cet âge, vous ne comprenez pas nécessairement ces émotions.

Pensez-vous que faire l’amour pour la première fois est important dans une vie ?

Oui, certainement. La première expérience sexuelle occupe une place très importante dans la vie de n’importe quelle personne. Je pense qu’il y a encore cette énorme attente sur ce que l’acte sexuel devrait être ou quand il devrait arriver. Et je pense que, pour les femmes en particulier, il y a beaucoup de honte autour de cela. Ce n’est pas nécessairement agréable et plaisant pour une femme. Alors que, pour un homme, la plupart du temps, on parle aisément de comment il peut et devrait même en profiter. Beaucoup de filles grandissent sans réaliser que la première expérience sexuelle peut être bon pour elles et que cela devrait l’être.

Je pense qu’il y a encore cette énorme attente sur ce que l’acte sexuel devrait être ou quand il devrait arriver. Et je pense que, pour les femmes en particulier, il y a beaucoup de honte autour de cela. Ce n’est pas nécessairement agréable et plaisant pour une femme.

Mia McKenna-Bruce, comédienne

Est-ce difficile, de nos jours, de faire l’amour pour la première fois?

Je pense que c’est toujours probablement assez difficile. C’est quelque chose de très intimidant. Nous ne sommes pas préparés à le faire. Parce qu’on n’en parle pas. Donc les gens se tournent vers le porno ou quelque chose comme ça pour essayer d’apprendre ce qu’ils doivent faire. Et ce n’est pas la meilleure manière de découvrir l’amour sexuel.

Tara ne parle pas de sexe avec sa mère.

Elle n’a probablement jamais eu de conversation saine sur le sexe. Elle en parle avec ses amies, sans doute. Mais leurs conversations s’apparentent plus à des commérages, des mensonges, à de la jalousie. Je pense que le sexe est toujours un sujet assez tabou pour beaucoup de gens. Et ça ne devrait pas l’être. Si nous en parlions plus franchement, nous n’aurions pas autant de problèmes, car les gens seraient, espérons-le, plus éduqués et compréhensifs.

Pensez-vous que nous devrions enseigner le sexe dans les écoles?

Oui, certainement. Parce que je pense que l’amélioration de soi commence par l’éducation. Et vous savez, Molly, notre incroyable réalisatrice, n’a jamais cherché à raconter ce film comme si les hommes étaient des monstres ou quelque chose comme ça. Tout le monde devrait pouvoir se voir dans ce film, d’une certaine manière. Le manque d’éducation, l’absence de compréhension sont les thèmes clés du film.