CinémaDavid Mouraire et Emmanuelle Vincent (Doghouse Films): ambassadeurs du Luxembourg à la Berlinale

Cinéma / David Mouraire et Emmanuelle Vincent (Doghouse Films): ambassadeurs du Luxembourg à la Berlinale
David Mouraire et Emmanuelle Vincent, coproducteurs luxembourgeois de „Fox and Hare Save the Forest“, à Berlin Photo: Amélie Vrla

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David Mouraire et Emmanuelle Vincent ont présenté „Fox and Hare Save the Forest“, un film d’animation drôle, intelligent et fin, en première mondiale à une salle emplie d’enfants ravis. Rencontre à Berlin avec des producteurs engagés.

L’immense hall de la „Haus der Kulturen der Welt“ est bondé en ce dimanche après-midi de Berlinale. Une interminable queue dans laquelle on aperçoit de très jeunes enfants, dont certains portent encore leur casque de vélo sur la tête. Tous attendent impatiemment de pénétrer dans le vaste auditorium Miriam Makeba pour y découvrir la première mondiale du long-métrage d’animation „Fox and Hare Save the Forest“. Le film de Mascha Halberstadt, qui concourt dans la section Generation Kplus, est une coproduction Benelux entre Doghouse Films (Luxembourg), Submarine (les Pays-Bas), et Walking The Dog (Belgique).

Réalisé en grande partie dans les studios de Doghouse à Differdange, „Fox and Hare Save the Forest“ allie comédie et divertissement à une intrigue intelligente, et permet aux enfants les plus jeunes (dès cinq ans) de saisir l’importance de valeurs fondamentales telles que l’amitié, la communauté, la justice, ou encore la nécessité de protéger la nature et son habitat, par opposition aux folies des grandeurs et à la mégalomanie. Durant plus de deux ans, la fabrication de ce film a nécessité le travail et le talent d’une centaine de professionnels de l’animation, mais également d’André Dziezuk, qui a composé l’entraînante et joyeuse bande originale du film, ou de Michel Schilings qui a supervisé la post-production du son. Après la projection, sous les applaudissements d’un public enthousiaste, l’équipe créative a répondu depuis la scène aux questions pertinentes et touchantes de certains des jeunes spectateurs: „D’où vous est venue l’inspiration pour ce film?“

„Que le film puisse être utile“

„Fox and Hare“ a commencé par être une série de livres écrits par Sylvia Vanden Heede et illustrés par Thé Tjong Khing, avant d’être adapté à la télévision par l’équipe créative et le même trio de producteurs issu du Benelux que l’on retrouvera sur le film. La série a remporté de nombreux prix (dont le Filmpräis de la meilleure production TV, le Prix du public au Cinékid Festival d’Amsterdam et le Prix de la meilleure animation aux Ensor Awards de Belgique) et a reçu un accueil enthousiaste du public. „C’est une série intelligente qui ne prend pas les enfants pour des idiots“, expliquent Emmanuelle Vincent et David Mouraire, les coproducteurs luxembourgeois du film. A la question de savoir s’il est important pour Doghouse de fabriquer des films pour enfants qui leur inculque certaines valeurs et les éduque aux questions politiques, David Mouraire répond en riant: „Ce n’est pas important, c’est primordial! C’était déjà présent dans la série, d’ailleurs – à chaque épisode, il y avait un petit moment philosophique, une réflexion sur laquelle les enfants pouvaient réfléchir. Pour nous, dans chaque film, et sans être prétentieux, il faut toujours qu’il y ait un petit supplément d’âme. C’est bien de faire des films pour se détendre, des films de divertissement, mais pour nous, il faut qu’il y ait toujours un autre niveau de lecture, que le film puisse être utile.“

„On veut transmettre de belles valeurs“, affirme Emmanuelle Vincent. „C’est notre responsabilité de producteurs. On doit apporter quelque chose de plus aux enfants, car ce sont les citoyens de demain. Il faut les aider à grandir le mieux possible, apporter une petite pierre à l’édifice de leur évolution. Et le tour de force que réussit ce film, c’est qu’il y a de la politique, mais il y a également beaucoup d’humour et de rire. C’est ce que l’équipe de la Berlinale nous a dit en justifiant la sélection du film: ,Nous vivons une époque où on a besoin de vivre ensemble.‘ Et c’est ce qu’on entendait lors de la projection – les rires des spectateurs, ensemble.“

„Matin Brun“ à l’horizon

L’un des critères de la ligne éditoriale de Doghouse est donc de produire et développer des projets engagés et porteurs de sens: „Nous avons acquis les droits de la nouvelle ,Matin Brun‘ de Frank Pavloff, et on vient de recevoir le soutien du Film Fund“, annonce Vincent, radieuse. „Et dans la même ligne, on a également obtenu un soutien au codéveloppement de ,Trois contes aux petits oignons‘ de Hugo de Faucompret, qui avait réalisé ,Maman pleut des cordes‘, un très beau film qui portait sur la dépression d’une mère. En matière de supplément d’âme, on y était complètement: comment parler de sujets sérieux aux enfants? Les Contes parlent du deuil, cette fois.“

Emmanuelle Vincent et David Mouraire s’accordent pour dire qu’on peut traiter de tout sujet, dans les films à destination du jeune public, tant que l’espoir est présent. „Il faut pouvoir parler aux enfants de problèmes concrets, mais il faut également pouvoir leur dire que tout n’est pas perdu. A ce propos, on a acquis les droits d’un livre, plutôt pour les ados: ,Je ne voulais pas vous faire pleurer‘, de Charlotte Monnier, qui traite de sa propre anorexie, durant la période de son hospitalisation, alors qu’elle était adolescente. Elle ne cache rien, elle traite d’un problème qu’elle a elle-même vécu, à travers son propre ressenti, davantage que d’un point de vue médical. Elle en parle très bien. On est en train d’écrire le script, avec Alain Gagnol (N.R.: avec lequel Doghouse avait déjà développé ,Nina et le secret du hérisson‘)“, explique Mouraire. „Lorsqu’on discute du projet avec l’autrice et le scénariste, c’est toujours ce même mot d’espoir qui revient“, renchérit Vincent. „On a à cœur de montrer que l’on peut s’en sortir, que la vie vaut le coup d’être vécue. Les enfants sont anxieux sur tant de sujets, il faut montrer qu’il y a une lumière.“ „On veut donner de l’espoir“, ajoute Mouraire, „mais en même temps, on va être quand même assez crus. On ne va pas édulcorer les problèmes, on va montrer la violence de la réalité, et c’est pour cela que ce film s’adressera plutôt aux adolescents. On ne fait pas de leçons de morale, mais on veut expliquer qu’on a le droit de vivre des choses difficiles, et qu’on peut s’en sortir.“

Les films de Doghouse ne s’adressent pas qu’aux spectateurs plus jeunes. Le très poétique „Saules Aveugles, Femme endormie“ de Pierre Földes, d’après des nouvelles de Haruki Murakami (Mention du Jury au Festival du film d’animation d’Annecy) traitait de conflits philosophiques et intimes, dans un film destiné aux adultes. Mais quel que soit le public auquel leurs films sont destinés, Emmanuel Vincent et David Mouraire refusent de marteler un message commercial et grossier. A travers les films qu’ils produisent, ils cherchent à accompagner les spectateurs de tous les âges dans les obstacles et les luttes de l’existence, dans l’approfondissement de sujets politiques et historiques („Fritzi, histoire d’une révolution“ de Ralf Kukula et Matthias Bruhn ou encore „Où est Anne Frank?“ de Ari Folman), tout comme dans les questionnements existentiels et métaphysiques. Et n’est-ce pas là l’un des rôles essentiels de l’art?

„Fox and Hare Save the Forest“
„Fox and Hare Save the Forest“ © Submarine / Walking the Dog / Doghouse