Mittwoch10. Dezember 2025

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DanseAssises sectorielles: des chorégraphies faites maison

Danse / Assises sectorielles: des chorégraphies faites maison
Avec la création de la „Maison pour la danse“, la Banannefabrik à Bonnevoie sera plus que jamais le cœur névralgique de la danse au Luxembourg Photo: archives Editpress/Anne Lommel

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Les assises sectorielles de la danse se tiennent ce matin au cinéma Ariston à Esch-sur-Alzette. Les yeux y seront principalement tournés sur un projet qui éveille beaucoup de désirs et d’attentes: la création d’une „Maison pour la danse“.

Elle figure au programme de coalition du gouvernement. Elle a déjà intégré la dénomination de celui qui restera à jamais son précurseur, le centre culturel chorégraphique (3-CL), depuis la promotion de ce dernier en établissement public à l’été 2023. Son nom, aussi simple soit-il, éveille beaucoup d’envies. Une Maison pour la danse, voilà la promesse qui sera au cœur des discussions ce matin au théâtre d’Esch, pour les assises sectorielles de la danse. Pour l’heure, chorégraphes et danseurs savent encore peu de choses des intentions ministérielles en la matière. Si elle est possiblement le reflet d’un manque de communication, cette incertitude est aussi une puissante machine à désirs. D’autant plus que le nom de l’institution à venir, Maison pour la danse, est un stimulant efficace de l’imagination. „Ça ouvre la porte au grandiose“, comme le dit la chorégraphe Rhiannon Morgan.

Définir le paysage

La Maison pour la danse devrait notamment signifier la création d’une extension à la Banannefabrik de manière à faire disposer aux artistes d’une salle plus grande, mieux équipée, permettant une création sur plateau avec lumières. Mais au-delà de ces nouvelles possibilités spatiales non négligeables, c’est surtout la question du soutien aux compagnies de danse, chorégraphes et danseurs qui est au cœur des débats. Le financement étatique est encore plus décisif dans le domaine de la danse que dans celui du théâtre. En effet, les théâtres qui coproduisent un projet de danse investissent des sommes bien inférieures à ce qu’ils infusent dans le théâtre. 

Depuis deux ans, on est passé d’une situation de monopole à une autre, en matière de financement public des projets chorégraphiques. Avant cette date, c’était au 3-CL que les artistes devaient s’adresser. Désormais, c’est au Ministère de la Culture. Pour les chorégraphes, la situation ne peut être que provisoire. La Maison pour la danse devrait hériter de la majeure partie des fonds ministériels, pour avoir un vrai rôle de coproducteur des projets de danse.

La Maison pour la danse y gagnerait „un véritable pouvoir de sculpter et d’influencer le paysage chorégraphique au Luxembourg en y apportant sa ligne et sa vision artistique“, observe la chorégraphe Simone Mousset. „Seules les compagnies qui ont des financements survivraient, et ce sont les financeurs qui décideraient quelles seront ces compagnies, donc quel serait le paysage chorégraphique“, poursuit-elle. Il faudrait en quelque sorte donner plus à moins de monde. „L’idée de donner un peu à tout le monde, ce que nous vivons actuellement, est sûrement bien intentionnée, mais au lieu de créer une scène dynamique, éveille la peur que toute la scène en ressorte fragilisée, car avec moins d’argent, aucun projet ne peut vraiment plus se faire comme il était rêvé.“

La création de la Maison pour la danse doit aussi signifier un retour aux jurys internationaux et changeants comme il y en avait quand le 3-CL était aux commandes. „On a pu avoir du feedback professionnel qui faisait avancer même les artistes qui n’étaient pas retenus“, souligne Simone Mousset. Il faudrait néanmoins, à ses yeux, que le Ministère de la Culture continue à cofinancer les projets chorégraphiques. „Si le but est d’avoir une scène de danse dynamique et diverse, il faut aussi avoir des possibilités de financement diverses, avec des institutions et des critères divers ou des missions et valeurs diverses.“

Construire un discours

Il n’y a pas que le jury qui pourrait être renouvelé mais aussi la direction artistique. „La question de la durée des mandats des directeurs artistiques n’a pas été réglée par les nouvelles lois créant les établissements publics culturels. Pour les artistes, il s’agit pourtant d’un point crucial pour garantir la vitalité de la scène artistique, a fortiori dans un petit pays où il n’y a pas beaucoup d’alternatives si on n’est pas dans la ligne officielle“, notait sur son blog, en janvier dernier, Marie-Laure Rolland, suiveuse scrupuleuse de la scène chorégraphique, qu’elle documente aussi bien par des films (sur Anne-Mareike Hess et bientôt Jill Crovisier) comme par son blog „La glaneuse“.

Mélanie Mesager estime qu’il faudrait „changer de direction tous les cinq ans avec à chaque fois une orientation et un propos artistique forts, précis et différents des précédents“. Nouvelle dans le paysage, celle qui a exploré scientifiquement les liens entre littérature et danse, insiste pour sa part sur le développement de la recherche au sens artistique et théorique. Cela prendrait la forme de résidences longues sans nécessité de résultat à la fin, de projets éditoriaux sur la danse, de projets de recherches théoriques en analyse du mouvement, d’analyse d’œuvre ou encore d’anthropologie de la danse, énumère-t-elle. Mélanie Mesager plaide aussi pour des formations de meilleure qualité, des workshops de recherche axés sur la création gestuelle et le questionnement de l’acte de danser, dit-elle en citant pour exemple les stages de Loïc Touzé en France ou ceux de João Fiadeiro au Portugal.

Le principal est de rompre avec une logique de retour sur investissement et de „débloquer de l’argent pour les artistes afin qu’ils s’adonnent réellement à une vraie recherche et non pas à la production d’un objet exportable et vendable“. L’ouverture d’un pôle de recherche théorique au sein de la Maison pour la danse permettrait à la danse luxembourgeoise de se construire également un discours. La recherche serait le pendant aux velléités d’exportation et permettrait d’avoir „quelque chose à exporter qui ne ressemble pas à un gigantesque consensus au mieux, et, au pire, à un exercice de fin d’année de conservatoire“, dit-elle en citant l’exemple de la Suisse. 

Moins créer, mieux conserver

La danse luxembourgeoise est réputée pouvoir s’exporter plus facilement ou même plus largement que le théâtre, du fait que, à de rares exceptions, elle ne présente pas de barrière linguistique. Son exportation est à vrai dire d’autant plus nécessaire que le public national ne suffit pas. Elle peut même in fine renforcer la qualité des chorégraphies, donne à entendre Rhiannon Morgan.

On tombe dans une mécanique de devoir créer des pièces continuellement parce qu’elles ne tournent pas

Rhiannon Morgan, chorégraphe

„La longévité des pièces au Luxembourg est réduite“, rappelle en effet cette dernière. „On la joue cinq à six fois au Luxemburg. Et après? On tombe dans une mécanique de devoir créer des pièces continuellement parce qu’elles ne tournent pas, de créer une pièce ou deux par année pour rester dans ce système.“ Pour l’heure, la dynamique de création l’emporte sur celle de la diffusion. Or, au Luxembourg, le public n’est pas infini. L’année dernière, elle a dû supprimer une date à Echternach pour son spectacle „Clementine“ après qu’il a été joué à Dudelange et au Grand théâtre. La Grande Région permettrait d’élargir le public, de faire vivre les créations et „sortir d’une boucle de création perpétuelle“.

Avec une Maison qui lui est dédiée, „la danse prend sa place dans un contexte beaucoup plus professionnel“, juge Rhiannon Morgan. „C’est un statut, cela nous donne un poids à l’international, on devient plus visible et plus crédible. On change de catégorie.“ Néanmoins, pour réussir le saut qualitatif, il faudrait que la Maison pour la danse prenne en charge la diffusion, suive les projets et mette à disposition un carnet d’adresses. Car ce travail, fait chacun dans son coin par les chorégraphes, est chronophage. Depuis 2020, les compagnies peuvent recevoir une aide à la structuration pour compagnies de danse pour la mise en place d’un encadrement professionnel sur le plan de l’administration, des relations publiques et de la diffusion (30.000 euros par an par compagnie pendant trois ans). Ce budget n’est souvent pas suffisant. 

Rhiannon Morgan, qui tourne actuellement comme comédienne avec le Centre national dramatique de Rouen, du fait qu’elle ne peut vivre de la danse, se figure aussi une Maison pour la danse à laquelle seraient associés des artistes sur plusieurs années. Au point de vue humain, elle plaide pour une Maison pour la danse „ouverte“ à de nouveaux publics et à d’autres disciplines, comme le cinéma et le théâtre.

Pour éviter que les œuvres disparaissent après quelques représentations, Marie-Laure Rolland est d’avis qu’il faudrait créer un ensemble de danse pour „offrir une perspective aux danseurs formés dans nos Conservatoires ou écoles de danse, mais aussi entretenir un répertoire de créations luxembourgeoises à transmettre aux prochaines générations. (…) C’est essentiel dans une perspective de ‚culture durable’. On ne peut pas juste créer et jeter“, explique-t-elle.