Sonntag16. November 2025

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Pop italienneAndrea Laszlo De Simone – Anima latina et animalité

Pop italienne / Andrea Laszlo De Simone – Anima latina et animalité
Andrea Laszlo De Simone, photographié à l’occasion de son dernier concert aux Trans Musicales de Rennes, en décembre 2021 Photo: AFP/Sébastien Salom-Gomis

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Chanteur lunaire et compositeur d’une fine pop orchestrale, Andrea Laszlo De Simone s’est imposé depuis „Ecce Homo“ comme une figure essentielle de la scène musicale italienne. Souhaitant mettre en arrière son image pour laisser parler sa musique, le Piémontais a donné son dernier concert en décembre 2021. Il revient aujourd’hui avec la bande originale du film de Thomas Cailley, „Le règne animal“. Une façon de mettre en avant sa musique avec les images.

Le 2 décembre 2021 aux Trans Musicales de Rennes, Andrea Laszlo de Simone, alors âgé de trente-cinq ans, ne fera pas de rappel: il s’agit là de son dernier concert. Le public applaudit fort l’artiste turinois au physique sec, à lallure désinvolte, aux cheveux longs, aux yeux souriants et à la moustache élégante qui rappelle à beaucoup Frank Zappa. Si en bon Italien, Andrea parle avec les mains, c’est pour diriger son orchestre, à la manière d’un Arturo Toscanini qui, à la place d’une baguette, tiendrait une cigarette roulée.

Musique de chambre

Bien avant ce concert d’adieu, Andrea bricole de la bedroom pop, au sens radical: ses chansons, trop intimes selon lui, n’auraient jamais dû sortir de sa chambre. Héros très discret, l’artiste préfère la tranquillité de l’anonymat. L’exubérance se loge dans sa musique, de l’étreinte lyrique entre les cordes et les cuivres au raffinement de ses arrangements, d’une musica leggera parce qu’éthérée jusqu’à ses mélodies pop qui se sifflotent sous la douche (à l’italienne). Et s’il fume comme un pompier, Andrea Laszlo De Simone ne possède pas un timbre rauque façon Toto „L’Italiano“ Cutugno mais un grain cristallin à la Lucio Battisti, une voix de ténor susurrant entre les lignes qu’il ne se prend pas pour un „chanteur“ mais qu’il reste un perpétuel explorateur vocal. Sautent encore aux oreilles les influences de Franco Battiato, de la pop sophistiquée d’un Ivan Graziani, du folk-prog, de l’opéra autant que de l’indie lo-fi. Tout cela très bien digéré.

La réalité est autre. Pour mettre un terme aux références qu’on lui cite, Andrea Laszlo De Simone affirme avec modestie qu’il n’a jamais acheté de disque de sa vie. La musique, il ne fait que l’entendre. Cette écoute passive traduit l’idée qu’en Italie même le dernier des mélomanes ne peut échapper à la musique tant elle est gravée dans son Histoire, de l’invention de l’hexacorde par le moine Guido D’Arezzo jusqu’aux géants compositeurs Giuseppe Verdi ou Vincenzo Bellini en passant par l’incontournable festival de Sanremo. Où Andrea refuse bien sûr d’aller.

C’est à la maison que le petit Andrea apprend la musique, à travers le classique écouté par sa mère et le jazz par son père. Mais aussi en la pratiquant: dès l’âge de neuf ans, pendant que d’autres enfants jouent au foot, Andrea joue de la batterie pour son frère Matteo, au sein du groupe „Nadar Solo“. Le Turinois fonde ensuite „Anthony Laszlo“ en compagnie de son ami Anthony Sasso puis sort en 2012, sous son patronyme, „Ecce Homo“, un disque conçu avec de vieux synthétiseurs et un ordinateur qui, via son titre „Voici l’Homme“, marque la naissance d’un grand. Prog, pop, électronique, rétro et moderne, son second LP sorti en 2017, „Uomo Donna“, traite de l’amour, de l’ivresse et des dégringolades du cœur. Et Andrea Laszlo De Simone, sur le morceau „Meglio“, de cesser de chanter tout bas pour clamer „Ti amo“.

Le cinéma en embuscade

Paru en 2019, „Immensità“ dépasse les frontières transalpines. Cet album doit rester à la maison, parce qu’il sort, hors de la Botte donc, en plein Covid. Certains le rebaptisent „le disque du confinement“, au sens où sa musique permet d’outrepasser un périmètre autorisé bien trop restreint pour atteindre un ciel étoilé. Le disque renvoie au poème „L’Infini“ de Giacomo Leopardi („Ainsi par cette immensité/Ma pensée s’engloutit/Et dans ces eaux/Il m’est doux de sombrer“) ou à la musique d’un film imaginaire, Andrea s’inscrivant ainsi dans la filiation d’un genre musical essentiel en Italie, la bande originale. Le cinéma manifeste son engouement pour l’artiste turinois puisque son „Immensità“ se retrouve dans „Les Fantasmes“ (Stéphane et David Foenkinos, 2021) ou encore „Conchilie“ dans „Le Lycéen“ (Christophe Honoré, 2022) avec le futur acteur du „Règne animal“, Paul Kircher.

L’influence musicale d’Andrea Laszlo De Simone provient aussi du septième art. En plus du néoréalisme, Andrea baigne très jeune dans la Nouvelle Vague grâce à son père qui, au passage, fait de la photographie en amateur éclairé. Et, comme pour la musique, Andrea ne se contente pas d’être passif puisque, après le lycée, il devient assistant vidéo puis assure le montage, la réalisation – et même la bande originale – de documentaires institutionnels. Le cinéma se retrouve aussi bien dans le clip de „La guerra dei baci“, inspiré par „Kiss“ d’Andy Warhol, qu’à travers le sifflement de „Mistero“ qui interpelle Alessandro Alessandroni, le siffleur des bandes-sons de Sergio Leone.

Le fait qu’Andrea Laszlo De Simone compose la musique du long-métrage „Le règne animal“ coule de source, séduit qu’il a été par les thèmes que Thomas Cailley aborde: l’être humain animalisé, le rapport à la diversité, la société en tant que prison ou encore le rapport père/fils. Entre ambiant épique et balades contemplatives, ces plages instrumentales ponctuent les séquences à merveille. Il y avait des bavardages étouffés dans „Sogno l’amore“ ou les vagues dans „Conchilie“, il y a cette fois le soupir de l’humain et du vent, des gargouillis de bestioles, des coups de feu ou encore des vagues et des sifflements. Sans qu’on s’y attende, Andrea vocalise sur la dernière piste, „Il Regno Animale“, comme une manière, par sa voix, de poser sa signature. Alors que dans Ecce Homo (sur „Perdutamente“), l’Italien chantait: „Je voudrais abandonner la société pour toujours“, il clame ici: „Je voudrais revenir au règne animal“. Voilà qui est dit.