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Expérimental / Alchimie sonore
Soul, funk, jazz, pop, folk: la musique du Berlinois Jan Jelinek ne semble pas connaître de limites Photo: Udo Siegfriedt

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Personnage discret, Jan Jelinek est pourtant depuis une vingtaine d’années l’un des compositeurs de musique électronique parmi les plus intrépides. A travers ses samples et ses manipulations sonores du quotidien urbain saturé ou des grands espaces, tout est musique avec le Berlinois. Accompagné d’Arthur Clees, jeune percussionniste luxembourgeois, Jan Jelinek joue ce samedi aux Rotondes. Portrait du musicien en tant qu’explorateur.

Si Jean-Jacques Schuhl se voit moins comme un écrivain que comme un „ajusteur/monteur“, selon ses termes, Jan Jelinek est un compositeur électronique autant qu’un monteur sonore. A travers ses agencements d’éléments disparates, les fragments de vie condensés en textures abstraites se faufilent entre la soul, le funk, le jazz, la pop, le folk, en fait toutes les musiques; la sienne ne connaît pas de limites. Alors que Brian Eno a sorti un disque intitulé „Music For Airports“ ou que Air avait qualifié son „Pocket Symphony“ de „musique de duty-free“, avec Jan Jelinek la musique ne peut pas être un fond sonore, par définition: le fond sonore devient musique. Le Berlinois empile et transcende les sonorités acoustiques de la vie de tous les jours, ces boucles répétitives, pour les rendre immortelles. C’est comme si les bruits, insignifiants, ceux dont nos oreilles ne prêtent plus attention, formaient un orchestre abstrait; le paysage de la banalité se change en relief organique; le tintamarre se transforme en mélodique; le chaotique rime enfin avec harmonique.

C’est au milieu des chaises qui craquellent et du raffut automobiliste que Jan enregistre „Bird, Lake, Objects“ en 2010 en compagnie du vibraphoniste japonais Masayoshi Fujita. Ce sont bien des sons „comme vous ne l’avez jamais entendus“ (y compris dans un disque d’ambient) qui parsèment „Loop-Finding-Jazz-Records“ (2001), mix de bouts de jazz et de parasites non identifiés, en guise de percussions, enregistrés avec des échantillonneurs numériques et des magnétophones. Jan utilise là le microsampling, technique qui extrait des parcelles de sons pour mieux les manipuler et les ordonner – ou les désordonner. Ces sons ne sont plus des sons mais „du son“, comme disent les plus jeunes pour parler de la musique.

Avec Jelinek, tout est musique

Depuis quelques années, des artistes lo-fi glissent un „son de vinyle“ dans certains de leurs morceaux, à savoir du crépitement. Jan Jelinek le fait aussi, mais via le click’n’cut, une version graphique et plug’n’play de la musique basée sur les micro-structures. En fait, avec Jelinek, tout est musique. Vu que chaque individu possède sa propre musicalité, par le langage, les rires ou les respirations, sur „Zwischen“ (2018) Jan sample et triture des entretiens tirés d’une émission radiophonique qu’il a créé pour la chaîne SWR2. Résultat: ces collages donnent des morceaux improbables façon cadavres exquis; il s’agit d’un puzzle qui, une fois les pièces regroupées, forment un dessin sonore aussi abstrait que fluide. Enfin, plus risqué encore, Jan travaille sur les parties du son les plus microscopiques, voire sur l’insonore. Avec „Komischer Pitch“ (2005), même le silence contient ses propres mélodies. Jelinek quitte l’urbanité pour la nature, la saturation laisse place à la sérénité des bois, les feuilles de son jardin forment une potentielle symphonie. Et ces grands espaces de le rapprocher de la solitude.

Cela dit, comme l’a prouvé son travail avec le précité Masayoshi Fujita, Jelinek n’est pas un sorcier de studio solitaire. S’il a exploré le rock psyché aux côtés du groupe Kosmischer Pitch ou le post-jazz avec Triosk, le Berlinois lance en 2008 le label Faitiche pour publier les expérimentations d’Ursula Bognes ou les improvisations du percussionniste free-jazz Sven-Åke Johansson. Jeune Luxembourgeois très talentueux, Arthur Clees est lui-même percussionniste. Sa musique balance entre le jazz, l’impro et l’électro.

Ce samedi aux Rotondes, Jan Jelinek sera accompagné par le jeune percussionniste luxembourgeois Arthur Clees
Ce samedi aux Rotondes, Jan Jelinek sera accompagné par le jeune percussionniste luxembourgeois Arthur Clees  

Le 3 décembre 2021, Jan Jelinek et Arthur Clees se rencontrent pour un concert improvisé – et enregistré – au magasin de disques Vinyl Harvest à Esch-sur-Alzette. C’est l’association „I am esch twenty too“, soucieuse de proposer une programmation alternative à la capitale européenne Esch 2022, et mint.conception.recordings qui en avaient eu l’idée d’une telle rencontre. A l’occasion de la sortie en vinyle de cette captation, les aventuriers se retrouvent ce samedi aux Rotondes pour rejouer ce live. A travers la démarche de mettre au point la face b d’une performance improvisée, l’Allemand et le Luxembourgeois ne peuvent que s’entendre. Selon cette vision: ce n’est plus la musique qui entre dans la vie, mais bien la vie qui entre dans la musique.

Infos

Le release concert de Jan Jelinek et Arthur Clees a lieu ce samedi 27 janvier à 20 h aux Rotondes à Luxembourg. Entrée: 24 euros.