Samstag18. Oktober 2025

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Artistes entre Luxembourg et BerlinWencke Fiedler: Art, profondeur et santé mentale

Artistes entre Luxembourg et Berlin / Wencke Fiedler: Art, profondeur et santé mentale
Wencke Fiedler: „A Berlin, je me suis vraiment sentie chez moi pour la première fois“ Photo: Antoine de Saint Phalle

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Journaliste radio pour FluxFM à Berlin, créatrice et modératrice du podcast autour de la santé mentale des artistes „Off Air – die B-Seite des Interviews“, mais également actrice et voix, Wencke Fiedler ne vit que pour les connexions profondes et sincères, dans lesquelles sa grande empathie peut librement s’exprimer.

Wencke Fiedler est d’abord arrivée à Berlin, car c’était l’une des rares villes d’Europe où l’on trouvait une diversité dans la gastronomie vegan. „Je suis vegan depuis 25 ans. Au début, j’allais à Londres, une ou deux fois par an, et je mangeais jusqu’à cinq fois par jour, car il n’y avait rien de vegan au Luxembourg. Et puis quelqu’un m’a dit que Berlin était moins chère que Londres, alors je suis venue ici et j’ai remarqué que, dans les rues, les gens n’ont pas de filtre. Ils se crient dessus, puis ils se prennent dans les bras et tout va bien. J’aime ça, parce que moi non plus je n’ai pas de filtre. Au Luxembourg, on ne parle pas des problèmes. On essaie de les mettre sous le tapis. A Berlin, je me suis vraiment sentie chez moi pour la première fois.“

Elle commence par travailler comme éducatrice dans une crèche vegan. „C’était stressant, mais aussi très positif. En revanche, devoir gérer les parents … c’était une catastrophe. Sans parler de mes chefs. Comme j’étais souvent sollicitée pour faire de la voix off, des pubs ou des films institutionnels, j’ai décidé de suivre le conseil d’amis et de devenir freelance. Au début, je n’avais pas d’argent. Très peu. Les trois premières années ont été dures. Mais ensuite, ça a marché et aujourd’hui cela fait quatre ans que je travaille pour la radio FluxFM. Au début, j’étais très timide. Mais j’ai reçu beaucoup de soutien de la part de mes collègues – à la radio comme dans les studios de doublage. Ils sont tous de gauche, féministes. On parle, on se soutient. C’est vraiment l’esprit berlinois. Les femmes artistes aussi, on est là les unes pour les autres. Je n’avais pas ce genre de communauté au Luxembourg.“

Musique et santé mentale

L’art de poser des questions et d’interviewer des stars ne lui vient pas immédiatement, ou du moins, elle se sent d’abord nerveuse face à des stars internationales. „Quand j’admire les artistes, je suis timide, une vraie fan, mais une fois que j’ai un micro en main, je suis investie de la responsabilité de donner quelque chose aux fans. Je développe une autre personnalité, comme un rôle. Je sors des trucs aux musiciens que je ne dirais jamais dans un autre contexte, je me permets de faire une blague, de les déstabiliser. Ça change le rapport, mais surtout ça enlève la notion d’ego. On s’ouvre à l’autre et on peut alors se dire vraiment les choses, se livrer. Moi-même, je parle de choses intimes et personnelles. J’ai depuis quelques mois un podcast avec des artistes qui s’appelle ,Off Air – Die B Seite des Interviews‘. Il est sur toutes les plateformes pour podcasts, mais également en vidéo sur YouTube. L’intention de ce podcast, c’est exactement cela: créer un endroit où les artistes peuvent confier aux auditeurs ce qu’ils ne racontent d’habitude qu’une fois le micro coupé.“

Au cours de ses nombreuses interviews de musiciennes et musiciens, Wencke prend conscience du tabou autour de la réalité de ce que traversent les artistes. „Tous ces musiciens qui écrivent des chansons déchirantes, ils les écrivent parce qu’ils sont eux-mêmes en dépression, au fond du trou. Mais ça, on ne le sait pas forcément. Les gens pensent que lorsqu’un artiste a sorti un album, il va automatiquement mieux. C’est faux. Les artistes continuent à souffrir, à aller en thérapie, à être en dépression, à subir des crises d’angoisse ou … L’immense majorité des paroles de chansons qui sortent en ce moment, tous les EPs, albums, singles, tous parlent de santé mentale. Les artistes ne veulent plus évoquer leur mal-être dans leurs chansons puis monter sur scène en criant que tout va bien. C’est hypocrite. Ils veulent être authentiques, et connecter avec les gens qui vivent les mêmes choses. Car une connexion qui se fait dans la douleur est la plus profonde qui puisse exister. Connecter autour du ,tout va bien‘, c’est superficiel. Je voulais que les fans puissent entendre l’histoire des personnes qu’ils admirent dans leur intégralité, la façon dont ces artistes sont devenus ceux qu’ils sont, la façon dont ils vivent avec une dépression chronique depuis vingt ans, la façon dont ils parviennent à se tenir tout de même debout devant dix mille personnes sur scène et à passer un moment extraordinaire. Mais également le moment où ils redescendent de scène, pleins d’endorphines, et où ils se retrouvent tout seuls dans une chambre d’hôtel. C’est de tout cela que nous parlons dans mon podcast.“

Les artistes ne veulent plus évoquer leur mal-être dans leurs chansons puis monter sur scène en criant que tout va bien. C’est hypocrite. Ils veulent être authentiques, et connecter avec les gens qui vivent les mêmes choses.

Wencke Fiedler

Wencke Fiedler caressait l’idée de ce projet depuis quelques années déjà. „Au Luxembourg, j’avais commencé un podcast autour des tabous, qui a dû s’arrêter. Mais pendant les trois années qui ont suivi, mon entourage m’incitait à le reprendre. Une amie psy au Luxembourg m’a raconté qu’elle continuait de recommander certains épisodes à ses patients. Alors je me suis dit que cela servait à quelque chose. Dès le premier épisode, on avait reçu des témoignages d’auditeurs. Je me souviens d’un policier qui souffrait d’une dépression sévère. Sa femme n’était pas au courant, il avait deux enfants. Il m’avait écrit: ,Wencke, dans l’épisode 9, tu as parlé de ton enfance de merde, et je me suis reconnu. Je ne me sens plus seul. Je suis allé voir un psy. J’ai parlé à ma femme de mes pensées les plus sombres. Pour la première fois de ma vie, je me suis ouvert à quelqu’un d’autre là-dessus.‘ Je me suis dit: ,Ok, ça fait une différence. Même si ça aide juste une personne, je fais quelque chose de bien.‘ Avec Off Air, je continue sur cette lancée.“

Fiedler connaît bien les affres de la santé mentale et met un point d’honneur à en parler ouvertement. „J’ai été diagnostiquée TDAH et souffre de trouble de stress post-traumatique. Mon enfance a été vraiment pourrie. Et mon frère est mort, il y a un an. J’ai toujours été le mouton noir de ma famille. Mais en thérapie, on m’a dit que je suis le mouton blanc, car je brise un cycle. Avec ce que j’ai vécu, on m’a dit que j’aurais pu être borderline, mais d’après les tests qu’ont faits les psychologues, je ne le suis pas. Je suis juste quelqu’un qui sait ce que c’est que d’être seule, et de n’avoir pas de famille. Même si la solitude est une épreuve pour moi, notamment durant le chemin que je fais en thérapie. Je me sens souvent perdue. Mais toutes ces expériences de vie me permettent par ailleurs d’éprouver une grande empathie pour les autres. Et c’est pour ça que je suis l’amie que mes proches peuvent appeler au milieu de la nuit. Apparemment, c’est ce que je peux également être pour les artistes. Ils ont le sentiment de pouvoir me parler. Et je suis toujours étonnée que les gens me livrent autant de choses sur eux-mêmes.“

„Voice artist“

Depuis quelques années, Wencke Fiedler est également une „voice artist“: elle double des rôles au cinéma et sur les plateformes, comme récemment le rôle de Yumna Marwann qui donnait la réplique à Elisabeth Moss dans la série „The Veil“, diffusée sur Disney +. „J’ai commencé à faire du doublage il y a six ou sept ans. Comme je ne suis pas une actrice professionnelle, je pensais que je serais le tout petit rôle qu’on ne voit qu’en arrière-plan et qui dit: ,Un café s’il vous plaît‘, tandis que la bande son recouvre la réplique. Et finalement non! L’année dernière par exemple, j’ai passé un casting et ai découvert que le réalisateur était Patrick Winczewski, la voix allemande de Tom Cruise et Hugh Grant. La pression!! Il m’a simplement expliqué: ,La femme que tu dois jouer est profondément traumatisée. Elle n’a plus de famille. Elle n’a plus personne. Mais elle n’est pas pauvre ou déprimée. Elle est forte et cynique.‘ Je me suis dit: ,Je n’ai rien à jouer, c’est moi.‘ Et j’ai eu le rôle.“

Le métier de doubleuse est particulier: pas de répétition, pas de découverte du texte en amont. On rencontre son personnage et les situations à jouer in situ, au moment d’enregistrer. „En studio de doublage, on ne peut pas se préparer. C’est ça qui est magique. On arrive et on joue. Ce n’est pas comme au théâtre ou au cinéma, où on reçoit l’intégralité du texte à l’avance. En casting de double, on ne joue que quelques scènes pour montrer notre palette d’émotion. Ensuite, au studio, on travaille uniquement les scènes qu’on doit doubler. On n’a jamais l’histoire en entier. C’est le réalisateur ou la réalisatrice qui nous donne le contexte. Par exemple, on me dit: ,Cette femme a grandi dans un pays de l’Est où Daesh était très présent. Elle a une fille. Peut-être qu’elle a fait partie de Daesh. On ne sait pas. Ensuite, elle est à Istanbul, elle aide des réfugiés. Les gens pensent qu’elle est liée à Daesh, ils veulent la lapider.‘ On me dit tout ça en cinq minutes et on lance la scène: je suis dans un camion, on me lapide, je crie ,Au secours!‘ et voilà! Puis on passe à la scène suivante, où je me fais poignarder. Ensuite, je rencontre le personnage joué par Elisabeth Moss. Ça se passe comme ça.“

Série

Cet article fait partie de la série „Artistes entre Luxembourg et Berlin“ dans laquelle notre correspondante Amélie Vrla présente des artistes luxembourgeois-es vivant à Berlin.

Avoir une belle voix ne suffit pas à devenir actrice de doublage. Il faut savoir interpréter, transmettre l’émotion, raconter une histoire par son timbre, sa diction, ses intonations. Le fait de devoir ainsi passer d’une situation à l’autre, d’un sentiment extrême à l’autre en doublage nécessite de la part des acteurs et actrices de doublage une formidable capacité d’adaptation, d’improvisation et de plongée dans les émotions. „C’est un vrai métier. Les professionnels du doublage ont étudié l’art de jouer la comédie. Parfois, j’ai le syndrome de l’imposteur, car je n’ai suivi des cours que durant un an. Mais récemment, pour mon podcast, j’ai interviewé Patrick Winczewski, le réalisateur qui m’avait casté pour ,The Veil‘. Il m’a dit que je n’avais pas décroché le rôle grâce à ma voix, mais grâce à la douleur et l’émotion dont j’avais fait preuve durant le casting.“ Un épisode du podcast „Off-Air – die B Seite des Interviews“ que l’on pourra écouter sur toutes les plateformes dès le 29 juillet prochain.